Par ordre d'entrée Hansen(1) : le policier Yoshiba et l'assureur Brandstetter
Bien qu'inspirés de personnages réels de «
Par qui la mort arrive » de
Joseph Hansen, les dialogues imaginés dans cette critique sont purement fictifs mais transcrivent le plus fidèlement possible mon opinion sur ce livre.
Comme Pol-Art-Noir (2) me l'a suggéré dans sa dernière critique,
Jean-Paul Gratias a traduit avec tellement de justesse cet échange fictif en anglais entre nos deux personnages, qui plus est bénévolement, la traductrice
France-Marie Watkins des éditions Rivage pour ce roman ayant malheureusement disparue en 1996.
Yoshiba : Bonjour, je suis lieutenant de police et je dirige l'enquête sur le meurtre de Rick Wendell copropriétaire du hang Ten, l'un des plus grands bars gay de Los Angeles. A côté de son cadavre, Larry Johns, prostitué occasionnel, a été arrêté alors qu'il était nu et essuyait des empreintes sur l'arme du crime. Si j'avais toujours des enquêtes aussi faciles à résoudre, je me serai vite retrouvé au chômage.
Dave : Bonjour lieutenant. David Brandstetter, compagnie d'assurances Medallion-Vie, enquêtes sur décès. L'affaire parait claire à première vue mais mon employeur veut s'en assurer (rires de Dave…) complètement avant de lâcher 25 milles dollars à la mère du défunt. C'est pourquoi je vous ai envoyé ce document que vous devriez examiner en détail.
Yoshiba : Parlons-en ! J'ai bien reçu vos notes que vous m'avez envoyées sur l'enquête. 240 pages. C'est un peu long tout de même. On dirait un roman, non !
Dave : Je sais. Mais c'est à cause de mon boss
Joseph Hansen. Il adore quand je rentre dans les détails, même si les descriptions n'ont pas forcément de rapport avec le meurtre.
Yoshiba : Comme le passage sur les animaux « Des gerbilles couraient dans des roues grinçantes. de petites souris mouchetées pirouettaient dans la sciure de cages de verre. Des cochons d'Inde sautaient par-dessus des tortues mâchonnant de la laitue fanée »
Dave : Oui. Mon boss adore les animaux apparemment. C'est dingue, même à la toute fin, ils réapparaissent encore ces animaux !
Yoshiba : Concernant votre prose, j'ai trouvé tout de même que la première partie n'était pas facile à lire. Impossible de tout comprendre si je reçois des coups de fil de mes collègues sur le terrain ou si ma secrétaire me demande de signer des procès verbaux… Qui plus est, vous avez rencontré un nombre hallucinant de personnes. La police serait incapable d'interroger autant de témoins et de s'immiscer autant dans la vie privée des gens.
Dave : il faut dire que j'assume complètement ma sexualité, qui colle plutôt bien au contexte de l'enquête. J'ai bien compris. Vous êtes déboussolé, voire choqué ?
Yoshiba : Ce n'est pas ce que je voulais dire. Vous avez le droit d'enquêter et d'écrire sur l'univers de l'homosexualité, même ce n'est pas commun à notre époque (3). En plus, le problème principal de votre affaire devrait être le meurtre. Votre récit devrait ressembler à un polar classique. Ce n'est pas du tout le cas, Mr Brandstetter !
Dave : Je suis au courant. J'ai des fans inconditionnels et d'autres qui ont du mal avec mes histoires pas vraiment conventionnelles.
Yoshiba : Pour vous rassurer, il est vrai que la seconde partie est très enlevée et que le suspense reste entier. Globalement, cela mériterait un quatre étoiles de shérif moins une branche car on peut vraiment être rebuté par cette première partie très descriptive.
Dave : Merci pour ces compliments. Pendant un moment, j'ai cru que vous aviez jeté mon manuscrit.
Yoshiba : le problème avec un fouineur comme vous, c'est que vous nous faites passez pour des incapables, nous les flics.
Dave : Désolé, mais nous autres assureurs, comment voulez vous que l'on vive correctement si on indemnise tous les contrats d'assurance-vie.
Yoshiba : Ecoutez, pour me faire vraiment une idée plus précise de vos capacités, j'aurai besoin de coopérer avec vous sur une autre enquête aux Etats-Unis ou à l'étranger.
Dave : Ça sera avec plaisir. Pourquoi pas se croiser à Laguna Beach (4) où «
Les Mouettes volent bas » ou se retrouver pour un meurtre en France dans ces paysages en calade de Provence, vous savez ces rues pavées en «
Pente douce » ? Au revoir mon lieutenant.
Yoshiba : Au revoir Mr Brandstetter et à bientôt j'espère.
1 : en scène pour ceux qui n'avaient pas capté le seul jeu de mot qui me venait à l'esprit.
2 : la critique de Pol-Art-Noir sur «
L'assassin qui est en moi » de
Jim Thompson se focalise principalement sur la nouvelle traduction datant de 2012.
3 : écrit en 1975 mais le récit est peut-être antérieur à cette date
4 :
Joseph Hansen est un écrivain américain mort en 2004 à Laguna Beach (Californie). Fameux site des surfeurs et autres dingues de «
Savages » du génial
Don Winslow !