Citations sur La huitième vie (72)
- je t’aimerai toujours.
C’était comme une phrase sortie d’un livre ou d’un film. Mais on la trouvait rarement dans les bons livres et les bons films. Dans les bons livres, le plus souvent, on tourne autour, il est plus question de souffrances, de rencontres manquées, de regrets. On se dit ce genre choses que dans les mauvais livres et les mauvais films, et je ne voulais en aucun cas que nous soyons des personnages de mauvais livres ou de mauvais films.
Les despotes sont sujets aux illusions.
Anton Tchekhov
L’année où la justice soviétique reçut une loi qui sanctionnait comme contre-révolutionnaire toute action visant à affaiblir le pouvoir. La définition de ce qui l’affaiblissait restait nébuleuse, floue et donc applicable à tout acte qui déplaisait au Parti. Cette loi stipulait qu’en cas d’accusation de terrorisme le droit à la défense était annulé et la peine de mort, l’unique sanction. Elle prévoyait aussi que toute personne qui avait ri d’une plaisanterie antisocialiste ou avait lu un livre antisocialiste, qui avait visité l’Europe une fois ou offert un parfum occidental à une femme pouvait être arrêté par les membres du NKVD sans avertissement ni explication, de préférence à l’aube.
En 1924, […] la ville de Moscou comptait à elle seule neuf camps de travail et cinquante-six prisons. Boukharine avait déclaré : « Oui, nous allons devoir restructurer l’intelligentsia, comme dans une usine. » Et le successeur pressenti de Lénine, Trotski, était encore trop occupé de « l’idée de révolution permanente » pour remarquer que l’ancien braqueur de banque de notre pays œuvrait déjà à concentrer le pouvoir sur lui.
Accroupie devant la porte du bureau de Kostia, retenant mon souffle, les poings serrés par la concentration, je compris que je voulais, plus que tout, faire dans la vie ce que venait de faire cette femme aveugle et néanmoins si clairvoyante : réunir ce qui s’était dispersé. Rassembler les souvenirs épars qui ne font sens que lorsque tous les éléments forment un tout. Et nous tous, sciemment ou inconsciemment, nous dansons, suivant une mystérieuse chorégraphie, à l’intérieur de ce puzzle reconstitué.
– En Europe, il y a des femmes qui se considèrent les égales des hommes. Et elles se battent pour leurs droits. On les appelle des bas-bleus.
– Elles ont bien raison de lutter. Mais ce nom est parfaitement stupide, je trouve.
– S’il en est ainsi, nous pouvons envisager une belle chevauchée dans la steppe. Nous pourrons alors juger de l’égalité des hommes et des femmes.
– Je ne pense pas qu’ils soient égaux. Je pense que les femmes sont meilleures.
Autrefois, quand j'avais ton âge, Brilka, je me suis souvent demandée ce qu'il en serait si, au fil du temps, la mémoire collective du monde avait retenu et oublié toutes sortes d'autres choses. Si toutes les guerres, tous ces innombrables rois, les souverains, les chefs et les combattants étaient tombés dans l'oubli et qu'il n'était resté dans les livres que des êtres humains qui avaient construit une maison de leurs mains, cultivé un jardin, découvert une girafe, décrit un nuage et chanté la nuque d'une femme ; je me suis demandée ce qui nous donne à croire que ceux dont le nom demeure sont meilleurs, plus intelligents et plus intéressants pour la seule raison qu'ils ont résisté au temps. Où sont les oubliés ?
- Comme tout autre pays totalitaire, la Russie souffre depuis des siècles de complexe d’infériorité - le plus douloureux en même temps que le plus insidieux étant probablement son propre impérialisme, ce qui explique la grande sensibilité pour les écrits et les modèles de pensées socialistes en Russie, hier comme aujourd’hui.
Pas de larmes ("Non, non, nous n'avons pas pleuré ! Qu'est-ce que les larmes nous auraient apporté à ce moment-là ? Un soulagement ? Les larmes ne servent qu'à remplir des trous, à remplacer quelque chose. Mais quand on a devant soi la personne pour laquelle on veut verser des larmes on ne pleure pas, on utilise le temps qu'on a, les larmes peuvent bien attendre d'être versées plus tard").
- Mon père l'a toujours dit : plus les temps vont mal, mieux c'est pour la confiserie.