Angleterre victorienne. Barbara, une jeune fille de 17 ans s'enfuit avec son bel amoureux, ils se marient à Londres, au grand dépit du cynique Lord Uplandtowers qui comptait bien mettre la main sur le jeune fille et son héritage. Son beau mari défiguré, puis disparu, Barbara accepte d'épouser Uplandtowers qui, lorsqu'il découvre qu'elle aime encore son premier mari, décide de se venger...
Terrible histoire que ce pauvre couple séparé par les considérations d'ordre social : le jeune homme se voit contraint de voyager en Europe pour parfaire son éducation. Durant son année, il est témoin d'un incendie et en portant secours, il se retrouve affreusement brûlé. Son épouse ne peut supporter la vue de son beau mari, il s'enfuit. Lorsque plus tard, elle reçoit d'Italie la sculpture grandeur nature de son époux bien aimé, elle se repent, l'installe dans son boudoir et se relève chaque nuit pour l'enlacer. découvrant cela, son second mari, fou de jalousie, fait remodeler le visage à l'image de ce qu'il est devenu, installe la statue dans la chambre conjugale et oblige sa femme horrifiée à supporter cette présence morbide (là, pour moi, on ne peut pas plus gothique comme scène !!!!). Frissons et dégoût assurés.
Bien sûr, l'incapacité d'amour du second époux est plus hideuse que la mutilation du premier (plus d'oreilles, de lèvres, un oeil unique, sans parler de la peau !). Drame du paraître, de l'être, de ne pas être, n'est-ce pas ? Devenir un fantôme. C'est ce qu'il advient de la pauvre Barbara qui finit par devenir folle.
Commenter  J’apprécie         40
Très bonne surprise que cet ouvrage pris au hasard, une très belle écriture . Mais à ne pas lire un jour sombre, ni tard le soir, bien trop cruel.
Commenter  J’apprécie         80
Il se rapprocha et lui prit la main
-J'ai fait faire ce masque à Venise, commença-t-il, visiblement mal à l'aise. Barbara ma chérie, ma femme bien aimée, croyez-vous pouvoir me supporter, quand je l'ôterai ? Vous n'allez pas éprouver de répulsion...non, n'est-ce pas ?
Mais le cœur humain est aussi changeant que la vigne vierge sur le mur et bientôt, ne recevant pas de nouvelles de son mari, Barbara supportait sans émotion apparente d'entendre proférer par sa mère et ses amies des phrases du genre : "Tout est bien qui finit bien !" Elle commençait à penser de même, car elle ne pouvait toujours pas évoquer cette silhouette difforme et mutilée sans un frisson de dégoût, bien qu'il lui suffit de songer aux premiers jours de son mariage, et à l'époux qui était le sien, pour qu'une vive et tendre émotion l'envahisse qui, si seulement il avait été présent, serait devenue intensément réelle.
De toute évidence, c'était une idée plutôt qu'une passion qui inspira à Lord Uplandtowers le désir de la séduire. Personne ne sait à quelle époque il prit cette décision, ni d'où vint qu'il se sentait sûr de sa réussite malgré la répugnance manifeste de la jeune fille. (...) La maturité, le cynisme de sa détermination étaient remarquables, alors qu'il n'avait que dix-neuf ans - âge où d'habitude l'impétuosité domine le calcul...
Pendant ce temps, les jeunes mariés, qui ne se préoccupaient pas plus de la pureté de leur lignée que de l'eau d'un fossé, connaissaient un bonheur sans mélange- enfin , un bonheur décroissant comme toujours, car tels sont les décrets du Ciel dans ces cas extrêmes: la première semaine, ils étaient au septième ciel; la deuxième, ils n'étaient plus qu'au sixième et ainsi de suite; le coeur de qui a obtenu les faveurs de l'être aimé est comparable aux strates géologiques de la terre que les décrit un éminent professeur: composées, tout d'abord, de braises incandescentes, puis de flammes plutôt tièdes, enfin de cendres- inutile de continuer la métaphore."
"Ce sont les apparences de la beauté qui ont rapproché Barbara du jeune Willowes; ce seront les apparences de la difformité qui vont l'en détacher, pour ensuite lui apprendre le prix de ce qui ne se voit pas.Comment cette jeune fille superficielle, romantique et confinée, élevée dans du coton, aurait-elle pu savoir que l'essentiel réside dans l'invisible?"
Daniel de Margerie (Postface)
Retrouvez les derniers épisodes de la cinquième saison de la P'tite Librairie sur la plateforme france.tv :
https://www.france.tv/france-5/la-p-tite-librairie/
N'oubliez pas de vous abonner et d'activer les notifications pour ne rater aucune des vidéos de la P'tite Librairie.
Comment une femme peut-elle exprimer ses sentiments dans un langage presque entièrement formé par les hommes ? Savez-vous quel grand roman anglais répond à cette question ?
« Loin de la foule déchaînée » de Thomas Hardy, c'est à lire chez Archi Poche.