Patience Murphy exerce son métier de sage-femme dans les Appalaches, en Virginie occidentale dans un milieu rude, touché par la grande crise de 1929.
Le roman nous est livré sous forme de journal où les accouchements sont récapitulés en italique à la fin de chacun d'eux, heureux ou malheureux. Il couvre une année.
Elle vit pauvrement, ses patients l'appellent en dernière minute et ne sont pas capables de la payer.
Elle recueille Bitsy, une bonne dans une ex famille riche et celle-ci devient son assistante. Bitsy est une femme de couleur mais Patience n'accorde aucune importance au clivage des races.
Et pourtant, le Ku Klux Klan commence à se manifester.
Dans le village habite un vétérinaire Daniel Hester, et l'entraide va naître entre Patience et Daniel.
Le thème de la maltraitance des femmes est également abordé.
Au fur et à mesure, on apprend le passé bien douloureux de Patience qui doit porter un autre nom elle craint d'être recherchée pour activisme syndical lorsqu'elle habitait dans les régions minières.
Un passé douloureux fait de drames et de moments heureux .
C'est le récit d'une femme courageuse avant d'être le journal d'une sage-femme.
Une sage-femme animée d'un énorme respect pour la vie et pour ses patientes.
L'auteure exprime à merveille les moments intenses, les réflexions personnelles.
C'est un très beau livre bien traduit, animé par des héros très attachants.
Dommage pour les nombreuses coquilles dues à la négligence de l'éditeur, de l'imprimeur, j'imagine comme des déterminants oubliés, des petits mots manquants ou ajoutés comme " nous nous s'installons".
Le livre était tellement beau que j'ai décidé de passer au-dessus. J'ai lu le roman en Charleston poche 3ème impression. J'ose espérer que l'édition Jean-Claude Lattès de 2014 ne présentait pas les mêmes caractéristiques. J'en suis même quasiment certaine.
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C'est dans les Appalaches, dans une petite maison isolée à quelques kilomètres de Liberty, que Patience Murphy a posé ses valises après des années éprouvantes et mouvementées. Son amie et mentor Sophie est décédée en lui léguant la fermette et tout son savoir-faire de sage-femme. Elle a donc repris le flambeau et c'est elle qui accouche les femmes du comté, seule d'abord, puis avec son assistante Bitsy. La région est sinistrée, touchée de plein fouet par le krach de 1929, les mineurs sont au chômage, les propriétaires en faillite, les commerçants ferment boutique. Aussi, elles sont appelées à la dernière minute et rarement payées. Mais elles sont bien contentes quand on leur donne quelques coudées de bois de chauffe ou un poulet. Les difficiles conditions économiques ravivent les tensions raciales jusque là latentes, mais Patience assiste toutes les femmes, sans distinction de condition sociale ou de couleur.
Racontées comme un journal, les chroniques de Patience Murphy évoquent les Etats-Unis des années 30, période difficile économiquement et socialement. le médecin de la ville soigne les malades et accouche les femmes solvables. Ceux qui n'ont pas les moyens de payer se tournent vers la sage-femme, au dernier moment, quand la situation est désespérée. Pauvres, riches, blanches, noires, au manoir, à la ferme, sous les ponts, Patience met tout son savoir au service de ses parturientes. Ses connaissances, elle les doit à son amie Sophie, celle qui l'a recueillie quand elle s'appelait encore Elizabeth et venait de fuir son emploi de nourrice. Avant de quitter la ville et de devenir Patience Murphy, la respectable sage-femme, Elizabeth a connu bien des drames, perdu bien des batailles. Mais elle reste une femme progressiste et engagée, prête encore à se battre pour l'égalité hommes / femmes, noirs / blancs, le droit pour tous de vivre décemment, d'avoir accès aux soins, de travailler dans de bonnes conditions. le lecteur va passer une année auprès de cette femme de caractère, au fil des saisons, et des accouchements qui donnent lieu à des moments parfois savoureux, parfois émouvants, mais aussi dramatiques. Avec Bitsy venue chez elle pour être sa domestique mais qui est vite devenue une amie, elles battent la campagne par tous les temps, savourant la solidarité des habitants du comté, luttant contre les esprits étriqués, bataillant contre les injustices.
On ferme le livre avec l'impression de quitter des amis. Il faut dire au revoir à Patience, Bitsy, Daniel, et tous autres, après avoir partagé un peu de leur existence, difficile certes, mais où le découragement n'a pas sa place.
Un beau roman aux héros attachants, dans les magnifiques paysages des Appalaches. A découvrir absolument.
Un grand merci à Babelio et aux éditions Lattès pour cette lecture qui met du baume au coeur.
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La vie est trop dure. On nait, on meurt...Ca se résume à ça. Entre les deux, on aime quelqu'un, ou pas, et, si on a de la chance, on laisse derrière soi quelqu'un qui nous aime.
- Qu'est-ce qui vous a donné envie d'être vétérinaire ?
(...)
- A peine sorti de la ferme, je me suis porté volontaire pour la Grande Guerre, au début de 1917. J'avais tout juste vingt ans. J'avais la charge des bêtes. C'était l'enfer pour les chevaux. Ils se démenaient dans la boue, sous la pluie, pour nous apporter des vivres, de l'eau, des munitions. Ils mouraient d'épuisement sous mes yeux, victimes de fractures, de plaies béantes, du tétanos. Nous étions impuissants. Ils n'avaient rien à faire là. Les armes modernes faisaient d'eux des cibles faciles. Huit millions de chevaux sont morts au combat... Huit millions de bêtes magnifiques. Peu de gens le savent.
(...)
- C'était presque pire de les voir souffrir que de voir les hommes tomber sous les balles. Qu'ils soient volontaires ou enrôlés de force, les soldats, eux, savaient pourquoi ils se sacrifiaient. Les chevaux n'en avaient pas la moindre idée. Ils étaient terrorisés. Ils donnaient leur vie pour une cause à laquelle ils ne comprenaient rien. A la fin, moi aussi j'ai oublié de quoi il retournait. Il en va peut être toujours ainsi avec la guerre.
A l'époque où l'on habitait à Pittsburgh, Mme Kelly, Nora et moi avions milité aux côtés des Wobblies - le syndicat international des ouvriers -, en faveur de l'amendement contre le travail des enfants de 1919. La Cour Suprême a fini par le rejeter. Les juges ont estimé que le gouvernement fédéral n'avait pas le droit de réglementer les industriels et qu'il était tout à fait acceptable que de jeunes enfants triment dans des ateliers ou à des kilomètres sous terre.
- Prêt ? demande Hester.
Le mineur ferme les yeux.
Hester lui plie l'avant-bras en travers de l'abdomen, puis oriente l'épaule vers l'extérieur. Lentement, avec régularité, il la fait pivoter d'avant en arrière. Les larmes forment des petits ruisseaux blancs sur les joues noircies par le charbon du malheureux, mais il ne profère pas un son, se bornant à se mordre la lèvre jusqu'à ce qu'elle saigne. A l'instant où l'épaule déboitée se remet en place dans l'articulation, il lâche un cri.
- Ce n'était pas si terrible ! déclare-t-il ensuite. Merci, Doc.
Le soulagement est instantané. Il se redresse, souriant. Il me fait penser à une femme juste après une naissance. "Ce n'était pas si terrible !" C'est la peur de la douleur plus que la douleur elle-même qui nous atteint.
Quand on a allaité les bébés d'autres femmes, quand on a vécu sous le toit d'autres gens, menti sur son âge, volé des bijoux, pris la fuite sans rien qu'un manteau sur le dos, un tableau de la vieille Bible et le livre des cantiques de sa mère, on comprend que les êtres humains survivent et trouvent le bonheur comme ils peuvent.