Robert Harrison enseigne au Département de Littératures française et italienne de l'Université de Stanford (Californie), dont il est le directeur. Voilà pour l'auteur, maintenant partons ensemble dans ce voyage à travers le temps dans nos forêts, symbolisme de notre imaginaire collectif.
Nous pénétrons dans la forêt de nos lointains ancêtres, archaïque et sauvage, qui recouvrait pratiquement toute la superficie planétaire. Quel impact sur notre évolution ont joué les forêts.
"Les choses se sont succédées dans l'ordre suivant: d'abord les forêts, puis les cabanes, les villages, les cités et enfin les académies savantes" Giambattista Vico, La Science nouvelle.
Et à partir de là, ce livre nous entraine dans un fabuleux savoir, ou se mêle la naissance de la tragédie, les mythes antiques, et Vico, notre guide nous apprends que l'hostilité humaine envers les forêts nait de la religion.
Il y a tellement à puiser dans cet entrelac de connaissances: de Gilgamesh qui reconnait que les hommes ne peuvent égaler les forêts car leur cycle perdure au-delà de la finitude humaine. Nous remontons le temps, avec la signification de certains mythes qui nous relient aux bois. L'époque des Lumières sera un changement radical dans notre relation avec la nature, car elle devient rendement, exploitation économique d'où nait la sylviculture, une rupture avec le passé, et naissance de la modernité.
Mais quand Rousseau, pénètre à son tour dans la forêt, son intuition le mène vers le souvenir d'une nature humaine antérieure. Pour tenir son discours social de révolte, Rousseau a besoin de se placer en marge de la cité, dans le giron de la forêt.
Cette citation résume bien sa pensée: " Insensés qui vous plaignez sans cesse de la nature, apprenez que tous vos maux vous viennent de vous"
Que doit-on ajouter à cette clairvoyance!
Les forêts sont aussi les refuges symboliques des traditions orales populaires, que l'on retrouve dans les comptes des frères Grimm.
Et si aujourd'hui nous nous indignons de la déforestation, c'est que nous savons au plus profond de nous-même que sans elles nous n'avons plus d'habitat et plus d'intérieur à habiter.
Ce livre mérite toute notre attention, pas du tout rébarbatif, il nous plonge dans la profondeur de nos propres forêts. Je suis encore plus épatée par ce penseur du XVII siècle, Giambattista Vico, qui m'apparait comme un esprit moderne tout à découvrir, surtout dans le fait que" l'histoire est universelle à laquelle les peuples collaborent et non à l'idée d'une nature humaine et immuable que nous a habitué l'humanisme".
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Un livre qui oscille entre chapitre qui me passionne et chapitre qui me barbe complétement.
J'ai également trouvé que certaines analyses étaient un peu tirées par les cheveux. D'autres au contraire, m'ont semblées foutrement pertinentes.
Que dire donc de ce livre si dichotomique que c'en est presque pertubant? Rien grand chose... sauf peut-être: lisez le! Ce n'est pas parce qu'il m'a décue (une déception liée avant tout au fait que l'ouvrage ne m'a pas apporté ce que je pensais y trouver. J'insiste sur le fait que certaines analyses m'ont semblé vraiment abracadabrantes. C'est le seul élément de cette critique qui comporte une authentique valeur et ne découle pas de mon avis personnel) que, vous, vous n'y trouverez pas votre compte.
A condition toutefois de ne pas vouloir lire quelque chose d'un tant soit peu onirique; axé sur la poésie. Sur l'âme même de la forêt ancienne et sombre, dans laquelle il m'est délicieux de me balader. (Si c'est là, ce que vous pensez trouver... Passez votre chemin comme j'aurai dû passer le mien, car le livre est bien trop sec pour vous plaire.)
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De l'arbre généalogique à l'arbre de la connaissance, de l'arbre de vie à l'arbre de la mémoire, les forêts ont constitué un fonds symbolique indispensable dans l'évolution culturelle de l'humanité, et l'essor de la pensée scientifique moderne reste impensable en dehors de la préhistoire de ces emprunts métaphoriques. Il n'est pas jusqu'au concept du cercle qui ne vienne, dit-on, des anneaux concentriques internes qui apparaissent à l'abattage des arbres.
Les forêts ne dispensent pas leur ombre séculaire sur la seule imagination moderne ; nos ancêtres les considéraient comme archaïques, antérieur au monde humain....
La ténébreuse lisière des bois marquait la limite de ses cultures ,les frontières de ses cités, les bornes de son domaine institutionnel; et au-delà ,l'extravagance de son imagination. Les institutions dominantes de l'Occident -la religion,le droit, la famille ,la cité - furent fondées à l'origine contre les forêts , leurs premières et leurs dernières victimes.
Là où une forêt primitive avait déjà colonisé la terre, les premières familles humaines durent abattre les chênes pour planter une autre variété d'arbre: l'arbre généalogique.
Les êtres humains, en d'autres termes, sont toujours déjà morts. Cette prémonition de leur finitude détermine à l'avance leurs tendances les plus créatives comme les plus destructrices.