L'habileté de ce livre est de parvenir à faire grandir Meta, la narratrice (3e personne) sans qu'on s'en rende compte. On accède à absolument toutes ses pensées, ses rêves de petite fille, on voit le monde à travers son regard, on passe d'un âge à l'autre comme ça. Tout se fait dans la continuité, comme dans la vie.
L'histoire commence peut-être avec la conscience de l'enfant, quand, à deux ans, elle est placée au fond d'un tonneau : elle a fait une bêtise et les "géants" l'ont punie. le lecteur est au fond de ce tonneau avec elle, il voit, il sent, il pense avec elle. Chaque détail prend un importance démesurée dans les yeux de cette petite fille qui parle et caresse les pierres, s'occupe son chien pomme de pin. La magie est que tout prend vie et qu'elle nous entraîne dans le monde merveilleux de l'enfance, avec ses questions, ses interrogations, dans un style qui n'a rien de naïf et ne se laisse pas aller à la facilité. Je n'ai jamais lu quelque chose de tel sur l'enfance. C'est incroyablement réussi.
La vie se déroule à la campagne avec la mère, le père et le petit frère Nandi.
Les peurs enfantines, les emballements de l'imagination, les injustices sont vécues à travers les yeux de cette petite fille très attachante. Elle aime grimper aux arbres, lire les "classiques" ; elle est curieuse, voudrait en savoir plus car elle sait que les adultes lui cachent beaucoup de choses. Son père a peu d'autorité sur elle : elle l'admire, adore écouter ses histoires de campagne de Russie.
Meta voit le monde en grand, avec ses yeux d'enfant, elle lui donne vie.
Il y a aussi la triste condition des animaux, le chien Shlankl que le père "corrige" à cause de ses fugues, les cerfs et chevreuils qui sont dépouillés après la chasse et surtout, la mort du cochon qui occupe quelques pages très fortes et très justes.
Je retiendrai particulièrement les histoires liées aux animaux, comme celle du loup qui voudrait rencontrer un humain et suit les conseils du renard : mais, comme dans Le Mur invisible, l'homme est porteur du mal ; celle de la poule blanche qui suit partout Meta et qui, une fois la petite fille en pension, finit dans l'assiette avec des "nouilles" parce qu'elle ne mangeait plus à cause du départ de Meta. C'est d'une cruauté ordinaire...
Est-ce qu'en grandissant, les rêves et le merveilleux s'estompent? À quoi tient la perte...?
Marlen Haushofer part de l'idée que l'enfant fait un avec le monde ; grandir, c'est mettre peu à peu de la distance entre lui et vous. De ses deux ans et demi à son entrée dans l'adolescence, on suit Meta en se rendant compte des changements infimes. Comme dans le Mur invisible, le lecteur sait que qqch der tragique se prépare. Il sait même comment cela va finir, mais cela n'enlève rien à l'intensité de la révélation.
Les dernières lignes font l'effet de ces moments où on tente de se représenter l'infini ou la mort. D'une lucidité désespérante.
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Et voilà bien le grand chagrin de Meta: elle ne sait quelle attitude adopter vis-à-vis des choses qu'elle aime. Elle est prise d'une envie sauvage de les mordre, de les mâcher et de les avaler mais elle sait qu'elle en éprouvera ensuite de la tristesse. Les choses ne peuvent vraiment pas supporter le grand amour. Que peut-on bien faire sans détruire ? (Actes Sud, 1989)
Les grandes personnes sont malheureusement très importunes. Toutes se mettent en travers de son chemin et l'entravent dans ses recherches. Pour la seule raison qu'elles sont grandes, il faut leur obéir. (...) Et puis elle n'a jamais le droit d'aller au fond des choses et ce serait tellement important pour elle.(p. 17)
La tante n'a jamais été mariée. Sa vie est un enchaînement d'amours malheureuses.. Aujourd'hui encore, elle aurait tendance à idolâtrer des hommes importants. Mais l'intelligence aiguë qu'elle cache dans son crâne d'oiseau parvient à transformer en un rien de temps l'homme important en un lourdaud infatué auquel il convient de renoncer. Peu après, on verra apparaître le suivant de ces messieurs importants. La tante se passionne pour les artistes, mais ceux-ci, malheureusement révèlent particulièrement tôt leur vraie nature de zéro vaniteux.
Grand et solitaire, tel est Sacha, maître sorcier qui ne se confie qu'aux enfants. Presque toutes les nuits, sauf celles de nouvelle lune, il survole la montagne, dans la brume où la lumière lunaire. Il aperçoit les petites silhouettes lointaines des chevreuils dans la clairière et les chevêches curieuses volètent autour de lui, étonnées de le voir poursuivre ainsi sa course silencieuse. " Comment fais-tu Sacha ? S'il te plaît ! " supplie Meta, mais Sacha ne peut rien révéler.
Ce que maman appelle des réponses insolentes, ce sont les paroles de Meta quand elle dit ce qu'elle pense. Il est tellement difficile de ne pas dire ce que l'on pense. Meta y parvient parfois mais ce n'est pas amusant et il n'y a plus soudain de cohérence entre les choses. (p. 18)
C'est à la fin de l'année 1941 que les Américains, entraînés contre leur gré dans la Seconde Guerre mondiale, découvrent, mi-fascinés mi-inquiets, l'existence d'une science nouvelle dans l'exercice de laquelle les Allemands seraient passés maîtres et qui expliquerait leurs spectaculaires succès : la géopolitique.
Un vif débat s'engage alors : faut-il rejeter la géopolitique au motif qu'elle serait un savoir nazi par principe pernicieux ? Ou au contraire s'en rendre maître pour mieux la retourner contre ses concepteurs ?
Entre Seconde Guerre mondiale et guerre froide se joue ainsi un épisode crucial de l'histoire d'une discipline dont l'américanisation rend possible la normalisation et qui éclaire d'une lumière neuve la genèse des visions et des pratiques américaines du monde au XXe siècle.
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0:00 Comment les États-Unis se sont approprié une science venue d'Allemagne nazie
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