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EAN : 9783499156663
100 pages
Rowohlt (01/01/1990)
4.75/5   4 notes
Résumé :
Largo desolato est probablement l'oeuvre la plus aboutie de Havel, mais également la plus autobiographique. C'est une pièce sur la psychose post-carcérale et sur la crise d'identité, qui témoigne aussi de la situation dans laquelle un homme peut se trouver par la faute des autres. La pièce est située dans l'époque du règne communiste mais sa portée est universelle et intemporelle. C'est un vrai drame dans lequel les personnages n'agissent pas comme ils voudraient m... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
"Je jalouse le sort des plus vils animaux
Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide,
Tant l'écheveau du temps lentement se dévide !"
(Baudelaire)

Honnêtement, je ne m'attendais pas à ça. En général, j'ai du mal à me positionner clairement par rapport au théâtre absurde, la surprise a donc été grande. C'est vraiment excellent, et une fois n'est pas coutume, on n'a aucun mal à visualiser une pièce dramatique seulement en la lisant.
"Largo desolato" a été écrit en juillet 1984, un an et demi après la libération de Havel de prison, et son concept semble presque emprunté des premières pages de "Procès" de Kafka, même si l'esprit de la pièce est différent.
Une fois de plus, "Largo" est lié aux péripéties de Havel face au régime totalitaire. le dramaturge n'a jamais nié que certaines situations ou personnages de ses oeuvres sont autobiographiques, et même ici, n'importe quel lecteur moyennement informé peut aisément superposer Leopold Kopřiva avec son créateur, ou le ménage de Kopřiva avec l'intimité de Václav Havel. Mais Havel a toujours réfuté une identification absolue : "Si on me confondait avec Kopřiva, j'aurais protesté. Ma situation n'est pas, du moins je l'espère, aussi mauvaise que la sienne... Kopřiva est tout au plus mon cauchemar le plus terrifiant qui montre de quelle façon je pourrais un jour finir moi-même".

Nous avons là une comédie impitoyable sur l'effondrement progressif d'un intellectuel exposé aux forces destructrices, tant intérieures qu'extérieures. L'image d'un dissident à genoux, en train de prier le représentant du régime répressif de déployer son pouvoir et mettre fin à sa situation insoutenable n'est pas agréable au lecteur, et ne doit pas l'être. le fait de prêter quelques traits à son personnage était pour Havel une sorte de thérapie, et en même temps une preuve de sa capacité d'autodérision, doublée d'un indéniable culot.

Leopold Kopřiva est un philosophe qui va par son oeuvre et son attitude à l'encontre de l'idéologie totalitaire. Élu malgré lui comme figure principale de l'opposition et "sauveur de la nation", il est placé en permanence sous la pression des exigences et des expectations de ses proches, mais aussi de parfaits inconnus. Mais Kopřiva n'est pas un surhomme capable de porter sur son dos tout le poids du monde ; il succombe à la faiblesse et à la peur comme n'importe qui d'entre nous aurait succombé, et plutôt que de rester un héros admiré et synonyme d'espoir, il désire avant tout qu'on lui fiche la paix. Son esprit est dévasté par l'incertitude : il peut être emmené par "eux" à n'importe quel moment, mais il est tout aussi possible qu'"ils" décident de le laisser tranquille. Finalement, cette incertitude incessante est bien plus épouvantable que n'importe quelle sanction concrète de "leur" part.
Leopold a toute notre compassion. Sa position de départ est plus innocente, et au final cent fois pire que celle de Staněk dans "Pétition". Ses accès de paranoïa sont compréhensibles, sous la pression de forces contradictoires. Nécessité de garder la prudente lucidité d'un côté, et l'opinion publique, qui peut devenir une arme très efficace, de l'autre...

Reste la question en quoi le "Largo" est toujours actuel. Depuis les temps de l'antique bouc émissaire, sur lequel nos ancêtres chargeaient leurs péchés, afin qu'il les emporte quelque part où ces fautes disparaîtront avec lui, les choses n'ont guère changé. Et on a toujours tendance à lester certains "héros" par un poids plus grand qu'on ne voudrait porter nous-mêmes, et quand ils commencent à tituber sous la charge, on n'hésite pas à montrer notre mécontentement, et finalement on les condamne.
La fin de la pièce est extraordinaire. Elle montre parfaitement le sadisme du pouvoir répressif des régimes totalitaires. "Vous serez probablement obligé". Telle est la phrase qui sonne dans le contexte de la pièce de façon particulièrement sinistre et cruelle. La dévastation d'une existence humaine menée ad nauseam à moindre effort et avec une élégance suprême. Si cela vous rappelle des situations réelles, c'est évidemment une simple coïncidence.
Dialogues répétitifs, interminable et impuissante attente, tout cela rappelle un peu le "Godot" de Beckett. Mais les protagonistes de Beckett perdent leur temps en attendant les meilleurs lendemains apportés par Godot ; celui de "Largo desolato" ne sait pas ce qu'il doit attendre, et les figures kafkaïennes qui l'entourent l'entrainent lentement à l'apogée de la désolation. Efficace et absurdement raffiné. 5/5
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Une critique en hommage à Vaclav Havel qui s'est éteint dans la nuit.
Je vous engage à découvrir l'auteur dramatique, amoureux de Beckett, son théâtre engagé ET ironique (dimension que l'on a souvent tendance à oublier), ironie héritière d'un Kafka, bien sûr.
N'érigeons pasVaclav Havel en légende, mais transmettons l'image d'un homme engagé, courageux, capable d'autocritique, initiateur avec ses amis de "La révolution de velours", qui a, à l'heure où chacun commente et critique événements bien à l'abri derrière son écran, payé physiquement de 5 années de prison la fidélité à ses idées.
Pour ma part, si je respecte et ai toujours admiré l'homme politique "à son insu" qu'il était devenu, je chéris particulièrement l'homme de théâtre, lieu de toutes les subversions.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
LEOPOLD : Je ne comprends pas ce que cela signifie, pourquoi ne voulez vous plus que je signe ?
2nd BONHOMME : A quoi bon, toutes ces formalités ? Même sans cela il est déjà évident que cette décision était une erreur manifeste sur la personne, dans votre cas...
LEOPOLD : Voulez-vous dire par là que je ne suis plus... moi ?
1er BONHOMME : C'est vous qui le dites !
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PREMIER INDIVIDU

Je dirais que la générosité des milieux haut placés est comme un pneu usagé : faut pas trop rouler avec.
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Videos de Václav Havel (23) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Václav Havel
En dialogue avec Nalini Anantharaman, mathématicienne et professeure au Collège de France
Lecture par Marianne Denicourt Rencontre animée par Aïnhoa Jean-Calmettes
Quelque part dans un paysage méditerranéen orageux familier et insaisissable, en marge d'un champ de bataille indéterminé, un soldat inconnu tente de fuir sa propre violence. le 11 septembre 2001, sur la Havel, aux alentours de Berlin, à bord d'un petit paquebot de croisière, un colloque scientifique fait revivre la figure de Paul Heudeber, mathématicien est-allemand de génie, disparu tragiquement, resté fidèle à son côté du Mur de Berlin, malgré l'effondrement des idéologies. La guerre, la désertion, l'amour et l'engagement… Mathias Enard observe ce que la guerre fait au plus intime de nos vies.
À lire – Mathias Enard, Déserter, Actes Sud, 2023.
Son : Axel Bigot Lumière : Iris Feix Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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