Aphrodite IX, tome 2 : Rebirth

Ce tome fait suite à Aphrodite IX rebirth 1 (épisodes 1 à 5) qu'il faut avoir lu avant. Il contient les épisodes 6 à 11, et le numéro spécial "Aphrodite IX hidden files", parus en 2013/2014, écrits par Matt Hawkins, dessinés, encrés et mis en couleurs à l'infographie par Stjepan Sejic.

Après avoir commis des atrocités (en étant sous influence de Robert J. Burch), Aphrodite IX fuit la cité de Genesis, avec l'un des dragons de son souverain Marcus Dragovitch. À son insu, elle est suivie par un commando de Genesis. Ces soldats assistent incrédules au combat d'Aphrodite IX contre une demi-douzaine d'Aphrodite XV. Pendant ce temps, Marcus Dargovitch a estimé que le temps était venu d'intensifier la guerre contre la cité de Speros et les tenants de la transhumanité, améliorée par des implants cybernétiques.

Le tome se termine avec des pages de texte illustrées par des dessins extraits des 2 tomes "Rebirth", et de la série initiale Aphrodite IX (2000-2002). Matt Hawkins y présente les personnages et les concepts d'anticipation scientifique qu'il a souhaité y développer. Il y fait aussi observer dans un court paragraphe le choix de Stjepan Sejic de faire évoluer sa manière de dessiner. C'est à la fois courageux et risqué.

Il y a fort à parier que cette série attire avant tout les lecteurs impressionnés, séduits et emportés par les images riches et minutieuses de cet artiste qui maître l'infographie et la met au service de ses visions (par opposition à un usage purement pyrotechnique de ce même outil, sans vision artistique cohérente). Sejic diminue donc fortement la densité des textures, des reflets. Disparue la sensation de pouvoir toucher les tissus, de pouvoir contempler l'assemblage de minuscules composants sur les revêtements technologiques, de pouvoir compter les écailles sur les carapaces des dragons.

Sejic a même adopté le principe de détourer les silhouettes et les formes par un fin trait noir, comme de l'encrage traditionnel. Il met en couleur à grand coups de pinceau. Ce n'est pas le premier à utiliser l'infographie en se calquant sur le type habituel de dessins (formes détourées + mise en couleurs). Toutefois comme d'autres infographistes, il amalgame encrage et couleurs à un degré qu'il n'est pas possible d'atteindre par des outils de dessins conventionnels. D'une part il est possible de repérer l'usage d'effets spéciaux spécifiques à l'infographie (textures, superpositions, transparences, etc.). D'autre part, la dextérité acquise par Stjepan Sejic transparaît dans sa façon de composer les pages, de gérer la densité d'informations visuelles (toujours assez élevée, sans alourdir la lecture pour autant).

Le lecteur venu pour Stjepan Sejic doit donc se préparer à un moment d'adaptation pour accepter l'évolution de son mode de dessin. Une fois acceptée cette réalité, il peut alors commencer à apprécier l'aspect visuel. Avec les traits de crayonné virtuels, Sejic donne une apparence plus spontanée aux dessins, mais pas toujours en phase avec le reste de l'image. Il n'a rien perdu de sa capacité à concevoir des pages et des cases clairement structurées, avec une bonne densité d'informations visuelles et une grande cohérence de lieu dans chaque séquence.

Côté intrigue, le lecteur découvre petit à petit que cette opposition dichotomique entre une société ne jurant que par la cybernétique et l'autre ne jurant que par la génétique, cache une réalité bien plus complexe. Matt Hawkins raconte avant tout l'histoire de cette cyborg aux cheveux verts (modèle IX) réactivée pour une raison indéterminée, et soumise aux caprices de l'un des ingénieurs du projet. Les capacités d'Aphrodite IX impliquent des actions brutales et violentes. L'activité génétique et scientifique des 2 cités génère des éléments fantastiques (dragons) ou de science-fiction (armement d'anticipation et cyborgs).

De séquence en séquence, le lecteur découvre une toile de fond plus riche, donnant du sens à ce qui ressemblait dans le premier tome à un affrontement basique. Pour commencer, il n'y a pas de bons ou de méchants, les positions des 2 camps (Genesis / Steros) se défendent. Les 2 sociétés ont adopté un modèle expansionniste qui passe par l'anéantissement de l'autre camp. Hawkins relie cette histoire à l'univers partagé Top Cow de manière discrète et non intrusive. Il est fait mention de l'un des artefacts, mais cela reste une bizarrerie sans conséquence pour qui n'a pas lu la série Artifacts. Au fil des pages, Hawkins lève le voile sur la provenance d'Aphrodite IX et aussi des modèles XV, sur les Sanctuaires, le modèle Artemis, etc. le lecteur découvre les conséquences d'une machination de grande ampleur ourdie des décennies précédemment. L'objectif et l'aboutissement sont des plus déconcertants : heureux les doux, car ils auront la Terre en partage (Béatitudes).

Le numéro spécial "Hidden Files" (31 pages) permet de disposer d'un aperçu complet de la chronologie des événements (il y a même une frise chronologique), et des idées sur lesquelles Hawkins s'est appuyé pour extrapoler les avancées technologiques. Cet envers du décor offre au lecteur la possibilité de contempler les sources de l'inspiration, et de mieux percevoir l'intention de l'auteur. le lecteur ressort de la lecture de ces pages de texte que la suite annoncée et prévue avec Cyberforce se concrétisera.

Ce deuxième tome de cette série confirme la bonne impression du premier, pour des raisons différentes. le lecteur a besoin d'un temps d'adaptation pour accepter que Stjepan Sejic a modifier son mode d'utilisation de l'infographie, pour des dessins à l'apparence plus ordinaire, mais disposant d'une solide architecture et présentant une forte densité d'informations visuelles. Dans un mouvement de balancier non planifié, le scénario de Matt Hawkins prend de l'envergure pour une intrigue bien ficelée, et une forme intelligente d'anticipation, sans oublier un lien ténu et pertinent avec l'univers partagé Top Cow.