L'allemand perdu

A l'automne 1944, Mathurin Capitaine, jeune inspecteur au commissariat de Brest est chargé de l'enquête sur la disparition d'un officier allemand qui a entraîné l’exécution de dix otages. Il est certain de deux choses : on lui a confié cette mission car tous ses collègues sont soumis à enquête sur leur attitude pendant l'occupation; et son enquête est politique, il s'agit de dédouaner les mouvements de résistance de ce possible crime.

L'intrigue policière n'est pas exceptionnelle. Elle combine affaire d'espionnage et crime crapuleux. Son intérêt le plus important se trouve dans la description des magouilles financières lors de la construction du Mur de l'Atlantique, impliquant Allemands et Français. L'auteur, ancien journaliste économique, maîtrise son sujet. Il décrit très bien l'atmosphère des revanches mesquines de la Libération, entraînant crimes et injustices odieuses, et les ambitions des vainqueurs. Mais il ne cache pas les lâchetés et les corruptions de l'Occupation.

Je trouve que l'intérêt principal se trouve dans le héros-narrateur. Jeune inspecteur, il affiche son ambition et son mépris pour ses vieux collègues, même pour ceux qui donnent de bons conseils ou lui sont amicaux; il a pourtant de nombreuses faiblesses professionnelles : naïf, maladroit dans ses interrogatoires, suceptible, il se fourvoit souvent dans son enquête. Finalement, il se voit totalement manipulé par les autorités. Pourtant il cherche toujours à apprendre, et il sait écouter ses informateurs, quitte à les voir le déposséder du rôle d'enquêteur.

Surtout il est humain, affichant des sentiments contradictoires. Pas hostile aux Juifs (il n'en connait pas) , il n'aime pas l'étranger du village voisin qui courtise sa sœur. Il entame une relation amoureuse, mais il précise bien que c'est l'homme qui dominera. Les relations humaines comptent beaucoup pour lui; ainsi il entame une amitié avec un prisonnier allemand. Cela l'aide dans l'enquête. Et surtout il y a sa fascination amoureuse pour l'une des victimes, qui donne des scènes à la fois touchantes et ridicules.

Le livre est bien écrit . Il y a beaucoup d'humour; l'autodérision du narrateur (involontaire ?) m'a fait plaisir. Les allusions inutiles au contexte et aux personnalités historiques, défaut majeur des policiers historiques, sont peu présentes, Elle s'intègrent bien à l'enquête, sauf à la fin du livre.

Je trouve quand même dommage que les communes ne soient pas nommément désignées, même si j'ai pris plaisir à ne pas localiser précisément le village du crime. A part Brest, aucune localité n'est vraiment précisée.

J'espère qu'il y aura une nouvelle enquête de l'inspecteur Mathurin Capitaine.