Citations sur L'oubli (32)
Je n'arrive pas à me débarrasser de l'idée qu'on m'attend quelque part. J'enfile mon manteau et je sors. Je ne sais pas où aller, mais peu importe, si je suis censée aller quelque part, je suis sûre que ça finira par me revenir.
Avant, on mettait des fleurs dans les livres pour les faire sécher, dis-je. Sukey et moi, quand on était petites.
On avait prévu de les encadrer, mais on n’avait jamais pris le temps de le faire. Des années plus tard, j’avais retrouvé les boutons d’or, les coquelicots, les violettes et les myosotis séchés coincés entre les pages des romans d’Ann Radcliffe de mon père. On avait aussi cueilli de grandes herbes et des trèfles.
Demain n’est jamais bien loin
Je ne me souviens pas de samedi, mais je ne me souviens pas non plus de ne pas m'en être souvenu. A cette pensée, j'inspire brusquement. Ces trous noirs sont inquiétants. Plus qu'inquiétants. Comment se fait-il que je ne me souvienne pas de samedi dernier ? Un sentiment familier m'envahit, je sens mon coeur battre la chamade, la honte me brûler le visage, la peur. Samedi dernier. Puis-je seulement me souvenir de la journée d'hier ? (p. 25)
Le papier est une arme de guerre : ne le gâchez pas. L’avertissement était difficile à oublier, même si la guerre était finie et que les armes ne servaient plus à grand-chose.
C’est plus sûr de marcher derrière quelqu’un d’autre. On peut vérifier si les marches sont stables, et, si quelqu’un les a testées juste avant nous, on ne risque pas d’en rater une.
Sur ce rayon, on a affiché une étiquette qui indique « POLICIER », et il y a plein de livres avec des os ou du sang qui dégouline sur la couverture. La plupart d’entre eux sont noirs avec le titre en lettres fluo. Ils ont quelque chose d’oppressant, d’effrayant, qui ne me donne pas envie d’entrer dans leur monde, mais j’en prends tout de même un pour en lire le résumé. Il parle d’une femme qui est poursuivie par un tueur en série. Je le repose. Juste à côté sont entreposés quatre livres à la couverture crème, des énigmes policières en Russie. Je ne pense pas que ça me convienne. J’ai déjà suffisamment d’énigmes à résoudre de mon côté.
Je déteste l’odeur des livres, poussiéreuse, sale, d’ailleurs je n’en emprunte jamais. Trop souvent, on en ouvre un pour y respirer une affreuse fumée froide de cigarette, ou découvrir des restes de nourriture écrasés entre les pages.
Nous observons souvent les oiseaux ensemble. Elizabeth sait les reconnaître rien que par leur forme, elle n’a pas besoin de voir les couleurs. Encore aujourd’hui, même au crépuscule, elle est capable de faire la différence entre un rouge-gorge et un moineau.
Je commence à regretter cette sortie. C’est vraiment dommage, parce que j’adorais faire les magasins, avant. Mais ils sont si différents, de nos jours, tout est mélangé, un vrai méli-mélo. Et tellement de couleurs étranges. Qui donc irait porter ces trucs orange vif ? On doit ressembler aux ouvriers qu’on voit au bord des autoroutes, avec ça. Mais, apparemment, les jeunes d’aujourd’hui porteraient n’importe quoi.