Née en 1916, décédée en 2000, Anne Hébert a compilé dans ce livre 6 nouvelles écrites entre 1939 et 1963.
Si parfois la nouvelle peut être un genre léger, ici ce n’est pas le cas. Les thèmes abordés : mère destructrice dans « Le torrent », destin de « vieille fille » dans « La maison de l’esplanade », ambitions personnelles, faux-semblants et trahisons dans « Un grand mariage ».
Toutes ces histoires sont écrites dans une langue tellement forte, sans fioritures qu’il faut pouvoir les lire dans un moment de réelle tranquillité pour pouvoir les apprécier pleinement.
De la nouvelle « La mort de Stella », j’apprécie particulièrement ces deux passages :
« De la mémoire pourtant, Stella n’en avait jamais eu de reste. Ni Etienne non plus. De là peut-être venait une certaine forme de malheur, une certaine forme d’espérance aussi ? On recommençait les mêmes sottises, sans se lasser, on rattrapait les mêmes joies, les mêmes peines, comme si on les inventait à mesure. Les souvenirs mis en commun, on ne s’y retrouvait guère, la part de l’un perdue dans celle de l’autre. Les méfaits et les magies de l’oubli, l’intervention souterraine de l’imaginaire, et voici que quelques soirs, Etienne déballait des souvenirs fabuleux. Et cela tournait à sa gloire, ou à sa ruine, selon l’humeur de l’auditoire »
« Debout sur le petit perron de bois, Marie attend, le bébé dans les bras, Yvonne serrée contre elle. Julia s’en revient sur la route. La voisine est avec elle. On voit les deux lampes de poche qui se rapprochent dans le noir. Il y a des flaques partout. La beauté odorante de la plaine, murmurante d’eau et d’insectes, a repris son chant de paix. Marie presse le bébé contre sa poitrine, penche son visage endormi. L’enfant grimace en rêve sous une averse salée. » (Stella, leur mère, vient de mourir).
Magnifique moment de lecture.
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Certaines nouvelles sont meilleures que d'autres, mais elles sont toutes plus ou moins difficiles d'accès, le style étant très particulier, de même que les thèmes.
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C’est un court texte sur la filiation (une relation mère-fils) assez violente, sur les liens invisibles qui nous unissent et nous traversent par l’hérédité. Comme si on ne tombait pas réellement très loin de ses parents et d’un chemin un peu tracé par ceux qui nous ont précédés. À la fois beau et troublant.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
En dehors des leçons qu'elle me donna jusqu'à mon entrée au collège, ma mère ne parlait pas. La parole n'entrait pas dans son ordre. Pour qu'elle dérogeât à cet ordre, il fallait que le premier j'eusse commis une transgression quelconque. C'est-à-dire que ma mère ne m'adressait la parole que pour me réprimander, avant de me punir.
Je considérais la formation d'une tragédie classique ou d'une pièce de vers telle un mécanisme de principes et de recettes enchaînés par la seule volonté de l'auteur. Une ou deux fois cependant la grâce m'effleura. J'eus la perception que la tragédie ou le poème pourraient bien ne dépendre que de leur propre fatalité intérieure, condition de l'oeuvre d'art.
Je me croyais défait de ma mère et je me découvrais d'autres liens avec la terre.
Mes yeux s'attachaient sur notre maison, basse, longue, et, lui faisant face,
les bâtiments de même style identifié au sol austère. ......Et sur tout ça, la présence de l'eau. Dans la fraîcheur de l'air, les espèces de plantes, le chant des grenouilles. Ruisseaux, rivière molle, étangs clairs ou figés et, tout près de la maison , bouillonnant dans un précipice de rocher, le torrent.
On ne peut pas plus parler de l'hiver que de la mort. De la faim, de la soif. De l'amour aussi. Et de la pauvreté. Poussée à de certaines limites, la vie se passe derrière la porte du silence. L'aventure trop forte nous saisit, nous submerge, nous transforme, s'accomplit si intimement, si totalement en nous, qu'elle se met à exister à notre place, nous dispensant de toute parole, de toute plainte.
Le nom de Dieu est sec et s’effrite. Aucun Dieu n’habita jamais ce nom pour moi. Je n’ai connu que des signes vides. J’ai porté trop longtemps mes chaînes. Elles ont eu le loisir de pousser des racines intérieures. Elles m’ont défait par le dedans. Je ne serai jamais un homme libre. J’ai voulu m’affranchir trop tard.
« Une anthologie de femmes-poètes ! - Eh oui, pourquoi pas ?
[…]
On a dit du XIXe siècle que ce fut le siècle de la vapeur. le XXe siècle sera le siècle de la femme. - Dans les sciences, dans les arts, dans les affaires et jusque dans la politique, la femme jouera un rôle de plus en plus important. Mais c'est dans les lettres surtout, - et particulièrement dans la poésie, - qu'elle est appelée à tenir une place considérable. En nos temps d'émancipation féminine, alors que, pour conquérir sa liberté, la femme accepte résolument de travailler, - quel travail saurait mieux lui convenir que le travail littéraire ?! […] Poète par essence, elle s'exprimera aussi facilement en vers qu'en prose. Plus facilement même, car elle n'aura point à se préoccuper d'inventer des intrigues, de se créer un genre, de se faire le champion d'une idée quelconque ; - non, il lui suffira d'aimer, de souffrir, de vivre. Sa sensibilité, voilà le meilleur de son imagination. Elle chantera ses joies et ses peines, elle écoutera battre son coeur, et tout ce qu'elle sentira, elle saura le dire avec facilité qui est bien une des caractéristiques du talent féminin.
[…]
Et puis, au moment où la femme va devenir, dans les lettres comme dans la vie sociale, la rivale de l'homme, ne convient-il pas de dresser le bilan, d'inventorier - si l'on peut dire, - son trésor poétique. Les temps sont arrivés où chacun va réclamer le bénéfice de son apport personnel. […] » (Alphonse Séché [1876-1964])
« Il n'y a pas de poésie féminine. Il y a la poésie. Certains et certaines y excellent, d'autres non. On ne peut donc parler d'un avenir spécial de telle poésie, masculine ou féminine. La poésie a toujours tout l'avenir. Il naîtra toujours de grands poètes, hommes ou femmes […]. Où ? Quand ? Cela gît sur les genoux des dieux, et nul ne peut prophétiser là-dessus.
[…]. » (Fernand Gregh [1873-1960])
0:00 - Jeanne Neis Nabert
0:53 - Jeanne Galzy
1:24 - Anie Perrey
2:06 - Katia Granoff
2:45 - Louise de Vilmorin
3:32 - Yanette Delétang-Tardif
4:31 - Anne Hébert
5:13 - Générique
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Références bibliographiques :
Alphonse Séché, Les muses françaises, anthologie des femmes-poètes (1200 à 1891), Paris, Louis-Michaud, 1908.
Françoise Chandernagor, Quand les femmes parlent d'amour, Paris, Cherche midi, 2016.
Jeanne Galzy, J'écris pour dire ce que je fus…, poèmes 1910-1921, Parthenay, Inclinaison, 2013.
Katia Granoff, La colonne et la rose, Paris, Seghers, 1966.
Images d'illustration :
Jeanne Galzy : https://pierresvives.herault.fr/1377-jeanne-galzy.htm
Anie Perrey : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/d2/Btv1b8596953w-p060.jpg
Katia Granoff : https://www.antikeo.com/catalogue/peinture/peintures-portraits/katia-granoff-1895-1989-19219#gallery-1
Louise de Vilmorin : https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/louise-de-vilmorin-en-1962-supprimons-la-circulation-automobile-20191225
Yanette Delétang-Tardif : https://www.memoiresdeguerre.com/2019/03/deletang-tardif-yanette.html
Anne Hébert : https://artus.ca/anne-hebert/
Bande sonore originale : Arthur Vyncke - Uncertainty
Uncertainty by Arthur Vynck
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