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EAN : 9782020063937
248 pages
Seuil (01/11/1982)
3.76/5   274 notes
Résumé :
Un des derniers soirs de l'été 1936 deux jeunes adolescentes disparaissent sur la grève. Dans le village de Griffin Creek, face à la mer et au vent, chacun sait que cette tragédie vient de loin : de l'histoire d'un peuple soumis aux commandements de Dieu.
C'est à Faulkner sans cesse que l'on pense, un Faulkner boréal, dont le bruit et la fureur se cacheraient sous les mots.
Mathieu Galey, l'Express

Source : Points, Seuil

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Critiques, Analyses et Avis (38) Voir plus Ajouter une critique
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Lecture quelque peu déroutante et étrange, surtout la première moitié, mais envoûtante... les pages se tournent toutes seules, rythmées par plusieurs voix. Hébert nous amène dans les non-dits, la folie et les secrets d'un village du Québec riverain où deux cousines sont mystérieusement disparues. Des policiers venus de Québec débarquent au village pour élucider le mystère qui plane autour de cette disparition. Ils se rendent compte, de même que le lecteur, combien une atmosphère mystérieuse plane dans les familles concernées. Hébert signe avec sa plume magnifique une grande oeuvre. On sent le vent du large, on entend les vagues qui déferlent, ça embaume l'air salin. Des images très fortes sont provoquées par la plume fluide et majestueuse d'Hébert. A lire, pour peu qu'on s'intéresse à la littérature québécoise.
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"Stevens debout, inondé de lumière, l'ombre noire de son chapeau sur ses yeux, vient de faire son apparition dans l'encadrement de la porte. À partir de là tout va aller très vite à Griffin Creek. Mon oncle Nicolas, ma tante Irène, Stevens, Perceval, Olivia et moi serons tous emportés par le mouvement de notre propre sang, lâchés dans la campagne, au grand galop de la vie et de la mort."

En 1982, le grand galop de la vie et de la mort a desséché les façades de bois des maisons de Griffin Creek, dont la plupart sont à l'abandon.
Griffin Creek, entre Cap Sec et Cap Sauvagine, où s'étaient installées quatre familles fuyant la révolution américaine, deux siècles plus tôt.
Leurs descendants sont tous cousins, recroquevillés sur leur vie réglée par les contraintes et la peur d'un Dieu tout-puissant dont le pasteur Nicolas Brown tonne les lois du haut de sa chaire.

Il est vieux et seul, hormis les deux jumelles qui s'occupent de sa maison depuis qu'elles ont douze ans. Leur présence légère ne suffit pas à empêcher les souvenirs de l'été 1936 de venir le hanter.

Après lui, quatre personnages prendront successivement la parole, pour raconter ces trois mois d'été précédant la disparition de Nora Atkins et Olivia Atkins, le 31 août 1936, et après aussi.

Anne Hébert sait distiller le malaise goutte à goutte, entre les hommes jeune et vieux qui perdent la tête devant les jeunes filles et celles-ci qui ne semblent pas vraiment comprendre qu'elles sont en danger, ou aimeraient peut-être en jouer, ou les deux.

Elles n'ont de toute façon que le droit d'obéir, et celui de rêver au prince charmant, de se marier et de faire des enfants avec la bénédiction de leurs familles.
En attendant, elles sont surveillées par leurs pères et leurs frères, et Anne Hébert fait bien sentir le poids de ces regards les épiant sans cesse.

C'est d'une belle plume que la romancière québecoise accompagne ses narrateurs, adaptant son style à chacun d'entre eux et nous permettant par là même de ressentir ce qui les agite.
Elle laisse parfois traîner quelque indice, mais la culpabilité de la disparition de Nora et d'Olivia pèse autant sur tout Griffin Creek que sur l'un ou l'autre de ses habitants, jusqu'aux dernières lignes.

J'ai eu un peu de mal à rentrer dans cet ouvrage, longtemps après une première lecture qui m'avait enthousiasmée, à l'époque de sa publication.
Puis je me suis intéressée davantage à ces quelques maisons fouettées par les vents et à leurs habitants, fermés au monde extérieur, emmêlés dans leurs liens familiaux inextricables, bercés, encerclés, malmenés par les éléments.

Et après un bon tiers du livre, j'ai vraiment été emportée par la poésie étrange qui s'en dégage, comme par l'envie de savoir pourquoi-comment, et qui aussi, jusqu'au bout de cette histoire terrible.
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Quel étrange roman, à la fois original dans sa construction, déroutant mais tellement bien écrit.
Une histoire qui se tisse de par les différents personnages laissant des brides d'indice, bien que très vite, on se fait déjà son propre film.
D'un fait grave, l'auteur aurait pu faire un roman noir, classique, mais là, elle nous offre un roman choral, très surprenant, dans un climat de tempête, de vent, des forces de la mer, de la rage des éléments qui ont sans doute rendu fou le meurtrier.
C'est à la fois très beau dans le style et l'originalité, et à la fois très violent, noir et puissant dans les faits.
je dois dire que le début m'a semblé quelque peu étrange mais au fur et à mesure de ma lecture j'ai pu deviner le chemin que l'auteur nous dessine. Et là, j'ai hâte d'y courir au plus vite pour arriver au bout.
Un roman qui marque et qui restera une référence dans le genre.
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J'ai peu lu de littérature canadienne et la découverte de ce livre me le fait regretter.
"Les fous de Bassan" a obtenu le prix Femina en 1982. On démarre assez étrangement avec une narration décousue sautant d'une idée à l'autre, d'événements qui n'ont pas de liens apparents entre eux suivant les souvenirs du narrateur, un vieil homme, pasteur de son état. J'étais donc perplexe et ne me voyait pas aller comme ça pendant 250 pages. Heureusement, la construction du livre est ainsi faite que plus de six personnes différentes déroulent l'histoire en autant de parties.
Les événements de cet été 1936 à Griffin Creek, petit village situé entre cap Sec et cap Sauvagine, nous sont donc relatés sous plusieurs voix, un patchwork de pensées et d'éléments qui deviennent un peu plus clairs au fur et à mesure que des détails sont apportés par chacun des protagonistes ou spectateurs de ce drame, une version propre à chacun, des sensibilités différentes.
La plume d'Anne Hébert nous envoûte, nous étonne, il y a des passages très poétiques, un peu irréels. On met beaucoup de temps à voir où l'auteure veut nous emmener, elle campe le quotidien de ces hommes et femmes dans cette région à l'aspect sauvage, rude comme les éléments.
Une communauté de quelques familles repliée sur elle même, un microcosme qui va se retrouver confronté au pire. Chaque personnage est bien décrit, attachant surtout Stevens et son frère Perceval.
Bref, ce roman fait partie des bonnes surprises d'un livre tiré au hasard d'une étagère sans savoir de quoi il retourne à part un titre énigmatique. Je reviendrai donc avec plaisir à cette littérature québécoise que je devine si riche.
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D'une écriture poétique, Anne Hébert fait la chronique de la disparition de deux jeunes filles, Nora et Olivia, dans un petit village côtier du Québec dans les années 30. Plusieurs voix se succèdent, de l'oncle pasteur des deux filles à Stevens, vilain canard du village et de la famille qui peuple presque entièrement le village, de retour cinq ans après son départ précipité.
Anne Hébert étouffe le crime sans doute commis par l'un des membres de la famille dans une nature sauvage omniprésente, et les non-dits tacites partagés par les habitants.
Oui, un crime a été commis, mais le récit se déroule très lentement comme pour laisser à l'événement le temps de s'interroger, aux disparues de revivre une dernière fois.
La fin, à l'évocation puissante, est magnifiquement décrite et le récit dans son entièreté est une belle expérience de lecture.
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Citations et extraits (49) Voir plus Ajouter une citation
Je me suis mis cela dans la tête, de vivre la tempête jusqu'au bout, le plus profondément possible, au coeur de son épicentre, semblable à un fou que je suis, jouissant de la fureur de la mer et m'y projetant, délivré de toute pesanteur, comme un bouchon de liège. Transi sur mon rocher, dans mes vêtements mouillés, je m'égosille à crier, dans un fracas d'enfer. Personne ne peut m'entendre et le cri rauque qui s'échappe de ma gorge me fait du bien et me délivre d'une excitation difficile à supporter. La mer déchaînée déferle sur la grève, se heurte aux rochers, rejette une nuée de cailloux et de bouts de bois, des débris de toutes sortes. Je retourne me sécher, manger et dormir chez ma cousine Maureen. A chaque apparition j'emprunte un nouveau pantalon, une nouvelle chemise dans la grade-robe du défunt de cette bonne vieille Maureen, et je retourne à mon poste, sur le rocher. Maureen me crie que je suis fou et que je vais attraper mon coup de mort. Rien à faire, il faut que je pleure et que je hurle, dans la tempête, que je sois transpercé jusqu'aux os par la pluie et l'embrun. J'y trouve l'expression de ma vie, de ma violence la plus secrète.
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Crier en toute impunité sur la grand-place de la nuit, face à la mer. Jamais eu un tel espace et la nuit tout entière pour l'emplir de tout moi dans un cri. Crier avec les autres. Mêlé aux autres. «Nora et Olivia». Crier tout d'abord avec plaisir. La voix poussée à sa limite extrême de voix vivante. Puissance délivrée dans ma gorge et ma poitrine. Le cri qui ricoche contre les rochers. Moi tout entier sorti dans mes cris. Mes cris dépassant mon corps, à travers mon corps, atteignant le monde, les rochers et la mer. Encore un peu et Nora et Olivia ne seront plus prononcés du tout pour moi. J'en viens au hurlement pur, sans mots distincts. Me déchirer la poitrine. Hurler pour tous ceux de Griffin Creek qui sont avec moi, prononcent encore distinctement «Nora Olivia», appellent trop doucement, ont besoin pour exprimer l'épouvante, plus que d'aucune syllabe distincte, du cri informe, profond de la bête qui appelle. Je crois que la lune se couche et va disparaître. Le ciel d'après la lune et d'avant le soleil est triste à mourir. Entre lune et soleil se glisse l'heure sombre, épaisse, gluante, plus poignante que la brunante. Si Nora et Olivia se trouvaient là cachées dans l'aube grise, à dix pieds de nous, on ne les apercevrait même pas. Je crois que je pleure à présent. La gorge brulée d'avoir trop crié. Je guette la première lueur de l'aube sur la mer.
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Mais il faut que je te parle de la tempête. Une belle grosse tempête de trois jours, comme je les aime. Rivières et ruisseaux débordés, ponts et maisons emportés, arbres cassés, grèves ravagées, quais arrachés. Les journaux ne parlent que de ça. Je garde le souvenir confus d'une sorte d'ivresse s'emparant de moi, peu à peu, à force de contempler la mer démontée, me réduisant au rôle d'un fétu de paille emporté par la fièvre, tandis qu'un espèce de chant se formait dans mes veines en guise d'accompagnement à la fureur des éléments. Je passais presque tout mon temps sur la grève. J'étais fou et libre comme le vent et je soufflais par la bouche, par le nez, un grand souffle vivace et fort semblable au vent. L'ivresse dont je ne parle n'a rien à voir avec la dive bouteille, du moins pas au début.
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Regagnons la haute mer. Légère comme une bulle, écume de mer salée, plus rapide que la pensée, plus agile que le songe, je quitte la grève de mon enfance et les mémoires obscures de ma vie ancienne. Pareille à quelque oiseau de mer, mollement balancé entre deux vagues, je regarde l’étendue de l’eau, à perte de vue, se gonfler, se distendre comme le ventre d’une femme sous la poussée de son fruit. Toute une masse profonde et épaisse fermente et travaille par en dessous, tandis que la vague se forme à la surface, un pli à peine, puis une muraille d’eau monte, se lève, atteint son apogée, très haute, puis se cabre, mugit, éclate, se jette sur la grève, s’affaisse en une frange d’écume neigeuse sur le sable gris de Griffin Creek.
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Le fou de Bassan modère soudain sa vitesse, ferme à moitié ses ailes, se laisse tomber, tête première, comme une flèche, à la verticale. Ne ferme ses ailes qu’au moment de toucher l’eau. Faisant gicler dans l’air un nuage d’écume. L’air si souvent contemplé cet oiseau superbe. Le retrouver intact et bien dessiné. Il suffit d’une image trop précise pour que le reste suive, se réveille, recolle ses morceaux, se remette à exister, tout un pays vivant, repêché au fond des eaux obscures. Griffin Creek, remué dans ses eaux natales par une nuée d’oiseaux affamés, remonte à la surface, étale ses grèves, ses herbes marines, ses rochers abrupts là où autrefois grimpaient des escaliers de bois pour la pêche à la baleine.
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Vidéo de Anne Hébert
« Une anthologie de femmes-poètes ! - Eh oui, pourquoi pas ? […] On a dit du XIXe siècle que ce fut le siècle de la vapeur. le XXe siècle sera le siècle de la femme. - Dans les sciences, dans les arts, dans les affaires et jusque dans la politique, la femme jouera un rôle de plus en plus important. Mais c'est dans les lettres surtout, - et particulièrement dans la poésie, - qu'elle est appelée à tenir une place considérable. En nos temps d'émancipation féminine, alors que, pour conquérir sa liberté, la femme accepte résolument de travailler, - quel travail saurait mieux lui convenir que le travail littéraire ?! […] Poète par essence, elle s'exprimera aussi facilement en vers qu'en prose. Plus facilement même, car elle n'aura point à se préoccuper d'inventer des intrigues, de se créer un genre, de se faire le champion d'une idée quelconque ; - non, il lui suffira d'aimer, de souffrir, de vivre. Sa sensibilité, voilà le meilleur de son imagination. Elle chantera ses joies et ses peines, elle écoutera battre son coeur, et tout ce qu'elle sentira, elle saura le dire avec facilité qui est bien une des caractéristiques du talent féminin. […] Et puis, au moment où la femme va devenir, dans les lettres comme dans la vie sociale, la rivale de l'homme, ne convient-il pas de dresser le bilan, d'inventorier - si l'on peut dire, - son trésor poétique. Les temps sont arrivés où chacun va réclamer le bénéfice de son apport personnel. […] » (Alphonse Séché [1876-1964])
« Il n'y a pas de poésie féminine. Il y a la poésie. Certains et certaines y excellent, d'autres non. On ne peut donc parler d'un avenir spécial de telle poésie, masculine ou féminine. La poésie a toujours tout l'avenir. Il naîtra toujours de grands poètes, hommes ou femmes […]. Où ? Quand ? Cela gît sur les genoux des dieux, et nul ne peut prophétiser là-dessus. […]. » (Fernand Gregh [1873-1960])
0:00 - Jeanne Neis Nabert 0:53 - Jeanne Galzy 1:24 - Anie Perrey 2:06 - Katia Granoff 2:45 - Louise de Vilmorin 3:32 - Yanette Delétang-Tardif 4:31 - Anne Hébert 5:13 - Générique
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Références bibliographiques : Alphonse Séché, Les muses françaises, anthologie des femmes-poètes (1200 à 1891), Paris, Louis-Michaud, 1908. Françoise Chandernagor, Quand les femmes parlent d'amour, Paris, Cherche midi, 2016. Jeanne Galzy, J'écris pour dire ce que je fus…, poèmes 1910-1921, Parthenay, Inclinaison, 2013. Katia Granoff, La colonne et la rose, Paris, Seghers, 1966.
Images d'illustration : Jeanne Galzy : https://pierresvives.herault.fr/1377-jeanne-galzy.htm Anie Perrey : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/d2/Btv1b8596953w-p060.jpg Katia Granoff : https://www.antikeo.com/catalogue/peinture/peintures-portraits/katia-granoff-1895-1989-19219#gallery-1 Louise de Vilmorin : https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/louise-de-vilmorin-en-1962-supprimons-la-circulation-automobile-20191225 Yanette Delétang-Tardif : https://www.memoiresdeguerre.com/2019/03/deletang-tardif-yanette.html Anne Hébert : https://artus.ca/anne-hebert/
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