François Heisbourg traite moins la question qu'il pose qu'il ne dresse un état des lieux pessimiste des risques qui pèsent sur l'ordre international au début du XXIème siècle. Son diagnostic alarmiste a le mérite de la simplicité. Si jamais, depuis la guerre froide, « le monde n'a été plus près d'une confrontation planétaire » (p. 11), c'est en raison du choc de deux phénomènes que l'auteur présente successivement dans les deux premiers chapitres de son ouvrage
D'un part l'avènement de l'hyperterrorisme - concept que
François Heisbourg avait forgé au lendemain du 11-septembre et qui depuis a connu une belle notoriété - ce paroxysme meurtrier de violence terroriste qui pourra trouver demain dans les armes de destruction massive les instruments de son projet nihiliste.
François Heisbourg dresse à titre d'exemple quatre scenarii dont la funeste crédibilité le dispute à l'horreur : le détournement d'un ferry Transmanche sur les installations gazières du port de Dunkerque, l'explosion d'une « bombe sale » dans le RER aux Halles, la pulvérisation de spores de charbon dans le système d'aération d'un grand immeuble de la Défense, ou enfin (hypothèse la plus terrible mais la
moins vraisemblable) l'explosion d'une bombe atomique artisanale en plein coeur de Bruxelles.
D'autre part - même si l'auteur se garde de mettre ces deux « menaces » sur le même plan - la politique américaine impulsée par les Vulcains (l'expression est de James Mann ), ces conseillers de George Bush qui, soit qu'ils adhèrent aux thèses néo-conservatrices, soit qu'ils soient proches de l'aile droite du Likoud, soit qu'ils restent attachés à la Realpolitik de Bush père, font rimer unilatéralisme, exceptionnalisme et messianisme.
François Heisbourg a la dent dure avec la politique menée par les Etats-Unis, notamment au Moyen-Orient. Il y voit un des ressorts de l'hyperterorisme : la morgue des Américains nourrit la rancoeur des Islamistes et attise leur désir de vengeance. Cette politique étend ses effets néfastes au-delà du seul Moyen-Orient et est à l'origine de ce que l'auteur appelle « le grand schisme d'Ocident » (chapitre III). Il évoque à titre d'exemple trois défis planétaires que la mésentente transatlantique empêche de prendre à bras-le-corps : l'émergence de la Chine, le réchauffement planétaire et le « désastre africain ».
Que faire face à la conjonction de ces deux maux ? C'est un « choix de société » (chapitre IV) dit-il qu'il faut opérer. Sans surprise, on lit un plaidoyer en faveur d'une politique sécuritaire qui soit plus efficace mais toujours respectueuse des libertés publiques. le défi n'est pas mince : il faut à la fois prévenir les attaques terroristes (grâce au renforcement de la coordination des services de lutte antiterroriste, d'abord au sein de chaque État, ensuite entre États) et aussi réduire les effets des attentats terroristes qu'on n'aura pas réussi à éviter. On ne peut que suivre
François Heisbourg dans sa critique du « tout préventif » dont le moindre effet n'est pas de paralyser et de renchérir le transit des voyageurs dans les aéroports pour des résultats minimes (aucun terroriste n'a jamais été bloqué à un portique de détection anti-métal !). La priorité devrait être mise sur la sécurité civile chargée, en cas d'attentat, des secours.
Le dernier chapitre s'intitule « passages obligés pour une politique étrangère » où l'auteur appelle de ses voeux la reconstruction de la relation euro-atlantique. Selon lui, l'OTAN ne sera pas le forum pertinent d'une telle entreprise. Il voit plus d'avenir dans un « secrétariat euro-américain » (p. 216) chargé de la préparation et du suivi des sommets UE - EU. La France a un rôle à jouer dans ce projet. Sans la placer au coeur d'un monde mutipolaire que Chirac ou Villepin ont cru voir se dessiner au Conseil de Sécurité le 14 février 2003, sa distance par rapport à Washington lui confère sinon une puissance du moins une influence, notamment dans le monde arabe, qui peut être utile.