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Critique de CDemassieux


A tous les détracteurs vétilleux de Tintin au Congo, sans doute pas le plus réussi des albums d'Hergé, pétri d'une vision naïve du colonialisme belge en Afrique – lequel fut indéniablement sanglant –, j'opposerai Coke en stock, aventure éminemment morale, lucide et désenchantée sur son temps.
L'histoire, sur fond de trafic d'armes et de machinations politiques au Moyen Orient, révèle ainsi la perpétuation de l'esclavage, qui a toujours cours au XXe siècle – et au XXIe, si l'on se réfère aux nombreux ouvriers étrangers morts sur les chantiers des stades de la coupe du monde de football de 2022, au Qatar, à la suite de traitements dignes des champs de coton du Sud avant la guerre de Sécession !
L'adaptation en dessin animé dans les années 1990 gommera d'ailleurs certaines aspérités de l'album pour ne pas froisser les sensibilités, comme on dit de nos jours poliment !
Coke en stock, publié dans le Journal de Tintin à partir de 1956, est aussi un album visionnaire. En effet, le coup d'état dont il est question au Khemed, ayant permis à Bab El Ehr de renverser son ennemi juré, l'émir Ben Kalish Ezab – père du « petit ange » Abdallah qui, pendant ce temps et avec ces facéties bien à lui, dévaste Moulinsart où il s'est réfugié –, a été orchestré par le marquis di Gorgonzola – en fait Rastapopoulos, ici aux allures d'Onassis –, propriétaire de la compagnie Arabair, pour une raison qui frise le burlesque. Ce qui renvoie, rétrospectivement, au coup d'état du général Pinochet au Chili, « arrangé » par les services secrets américains et la multinationale ITT (International Telephone and Telegraph). C'était le 11 septembre 1973…ironie de l'Histoire ! Déjà, Hergé pointait la toute-puissance de l'argent privé sur le destin des nations.
Enfin : « Après avoir suivi, illustré, mis en images presque tous les mythes de son temps relatifs à la mer, Hergé leur dit adieu dans Coke en stock. » (Michel Pierre, in Tintin et la mer, Hors-série Historia)
C'en est bien fini des océans et, pour preuve : dans l'album suivant, Tintin ira tutoyer les cimes du Tibet, y rencontrant un monstre somme toute plus inoffensif que ses semblables d'en bas.
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