L'auteur retrace à travers ce court roman, l'existence d'une soeur, Françoise, avec laquelle il a peu vécut car celle-ci, à la suite de convulsions souffrait de problèmes mentaux et fut lobotomisée alors qu'il n'avait que 2 ans.
L'existence de cette soeur était tue, on n'en parlait pas et surtout pour sa mère était une charge inacceptable. Elle fut confiée à diverses institutions religieuses ou psychiatriques. En replongeant dans l'histoire de sa famille et plus particulièrement dans le passé de sa mère on comprend que celui-ci explique l'attitude de celle-ci.
Le traitement infligé, interdit maintenant, cruel et douloureux n'est en rien un remède aux maux de sa soeur.
Le roman se découpe en 3 parties : Disparition, Mère-Fille, Origines qui permettent d'appréhender au fil du temps la démarche du frère qui ignora ou voulu ignorer longtemps cette soeur, la relation mère-fille et les origines de cette famille et la peut-être explication des comportements des différents membres.
Révélation de secrets, de non-dits et enfin pouvoir parler de cette femme "inconnue" mais présente sans en parler que l'auteur s'évertue à mieux connaître et peut être comprendre pour pouvoir rompre enfin le cycle du silence.
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Une écriture sèche, cruelle qui éreinte le lecteur, l'indispose et le bouleverse. Pris dans cette intimité familiale, il est mis à mal, effrayé par tant de violence.
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La mère sauve le bébé à naître en la mettant dehors. Elle s’en sépare, elle la perd. Elle fait ce choix impossible, elle le fait. Il est vrai que le bébé donne des signes inquiétants, on redoute qu’il ne naisse mort-né. Il y a urgence. L’exil de la sœur est nécessaire pour sauver le bébé et sa mère qui ne vont pas bien fort. C’est à cause de la sœur, rien d’autre.
Le malheur une fois entré dans la maison, on ne peut pas rester comme ça, il est nécessaire de lui trouver une cause. Il faut qu’il y ait un sens à tout cela, même et surtout si la vérité toujours se dérobe. Le principal est pour ma mère de construire une histoire dont la vraisemblance suffit à donner une forme à l’inconnu, à imaginer une raison, à désigner un coupable. Ce sera la légende du lait maudit.
La légende ne s’écrit pas en une fois, elle connaît des versions, des hésitations, des remords. Une conviction demeure cependant, le lait est responsable de l’encéphalite convulsivante, à partir de quoi le malheur établi ne va cesser de prospérer, diaboliquement.
Une frontière s’abolit entre une vie dépourvue de sens à cause d’une succession d’épreuves et le conte entretenu depuis l’enfance, consolation intime, lieu virtuel où se tient l’Espérance.
La vie intérieure ressemble à un désordre continuel, les émotions se jettent les unes contre les autres, s’entrechoquent brutalement. Les convulsions se succèdent, ne laissant place qu’aux absences, aux moments d’évanouissement, de perte d’elle-même et du monde, où Françoise délaisse tout, se replie. Elle est prise de tics, comme autant de décharges involontaires, de crispations obligées ou de gestes abrégés. Leur répétition incessante épuise sa mère, c’est une agression sans fin.
L’arrangement permet de se réfugier dans l’habitude (on s’habitue à tout), dans la distance d’avec ça, de geler la scène invivable, de vivre sa petite vie en regardant ailleurs.
Alors ça reste en l’état, longtemps. Impossible de se défaire de cette sourde inquiétude, de s’en écarter ou de s’en rapprocher de trop près. On garde un œil dessus, c’est tout. On se maintient dans cette position intenable, jusqu’au jour où l’arrangement ne peut plus durer.