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Critique de Eve-Yeshe


L'histoire commence le 15 avril 1956, une petite fille est allée chercher du fromage pour sa mère et tout le monde la dévisage, ce qui la met très mal à l'aise. Cette fillette s'appelle Leïla. Elle a huit ans et cinq soeurs et deux frères. Elle vit dans un quartier habité surtout par des colons parce que son père a hérité du cinéma du quartier. On va la suivre ainsi jusqu'en juillet 2011, soit sur une cinquantaine d'années...

Ce que j'en pense
J'aime beaucoup l'héroïne, Leïla et sa façon de raconter son pays l'Algérie qu'elle aime, et qui peu à peu se transforme en cauchemar.
Pendant, les vacances, comme sa soeur, elle doit faire les travaux dans la maison, c'est le rôle des filles : laver les sols, les mouchoirs, à la main, les conserves de tomates… sa grand-mère raconte des histoires. Les voisines échangent des plats cuisinés, des desserts. Même s'il y a des moqueries, tout se passe bien, mais leurs vies sont différentes.

La violence monte de manière graduelle avec le couvre-feu, puis des exactions dans les deux camps, les arrestations la nuit, d'abord son frère Majid, puis c'est au tour de son père qu'elle va voir en prison avec sa mère et qui lui demande d'être la meilleure dans les études.

on a une description de la situation des femmes et des filles les unes par rapport aux autres dans la fratrie : la grande soeur Zahra n'a pas eu le droit de continuer ses études malgré ses bons résultats. Elle doit aider la mère et se retrouvera mariée malgré elle, car il est dangereux d'avoir une jeune fille de vingt ans à la maison en période guerre.

Leïla subit les contraintes d'être une fille, les premières menstruations et tout ce qui en découle : les serviettes qu'il faudra laver à la main, et cacher ; le ramadan qu'il faudra interrompre parce qu'elle est impure. "C'est un roman d'espionnage. Je suis l'héroïne. En prime, la honte, c'est d'être une fille". P 66

Il y a aussi les amitiés qui évoluent, son amie Camille, d'origine Bretonne dont le père est militaire, et avec laquelle elle restera toujours en contact. La peur qui peu à peu change de camp.

Elle évoque la fatalité, voire le fatalisme dans l'Islam, sa révolte que personne ne comprend ; on fait même appel au grand-père pour la raisonner, en vain. Elle veut pratiquer l'Islam autrement, donc en épousant Martin, son père va la renier et ne plus vouloir la revoir. Mais elle va trouver sa voie en enseignant dans une école pour sourds-muets. Comme elle, ils sont différents, incompris.

Les deux auteures nous décrivent l'Algérie en guerre, puis toute l'histoire de la reconstruction qui est très bien racontée. L'époque communiste avec l'aide de Moscou, les politiciens corrompus et la montée des Frères Musulmans, le changement des mentalités: les Frères musulmans qui versent de l'argent aux familles pour que les femmes cessent leur travail et restent à la maison. Sa meilleure amie qui a passé sa vie en jeans, opte pour le foulard et la soumission.

On comprend très bien l'importance de la langue française, du refus des rituels musulmans au profit d'une pratique religieuse différente, presque la laïcité, en fait et la liberté.

Leïla et sa famille sont en danger et doivent partir en France en 1981.
Et dans la dernière partie, trop courte hélas, la vie en France, son mari, ses filles. Parfois une phrase pour une année, comme s'il ne se passait rien.

C'est un premier roman écrit à quatre mains, pour retracer les multiples facettes de leur vie, abordant avec subtilité les guerres, l'exil, la transmission et l'identité. J'ai bien aimé l'écriture, c'est la petite fille puis l'adolescente et enfin la femme qui parle.

Il y a un bémol, j'ai été déçue par la brièveté de la troisième partie, car les auteures avaient un sujet en or, avec l'identité, la langue maternelle dans laquelle on s'enracine, la relation mère-fille et elles ont peu développé la transmission. comment la jeune Maïssa va-t-elle se construire alors que Leïla échange si peu avec elle. Je suis donc restée sur ma faim. Est-ce par pudeur ? Est-il trop tôt encore pour raconter leur relation ? Peut-être ont-elles prévu une suite ?

J'ai lu ce livre en parallèle avec « Soumission » de Michel Houellebecq, ce qui fut une expérience fort intéressante…
Note : 7/10
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