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EAN : 9782370670236
73 pages
Plein jour (15/09/2016)
3.83/5   3 notes
Résumé :
" Au lendemain de ses nuits passées sur mon canapé, il repartait vers de nouvelles chimères, petit soldat de l'impossible, jamais découragé par la malchance. Sa silhouette s'éloignait au bout de la rue. Ce rêve de roman que j'avais caressé lors de mes premiers voyages en province, il l'incarnait à sa manière. D'une manière que je n'avais pas prévue, dérisoire et grandiose. "

Certains attendent le soir pour s'habiller en femme. D'autres combattent un... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique

Écrivain, professeur à Paris VIII, historien du cinéma, Noël Herpe rédige ici un tout petit livre, un « récit » dit-il en première page, qui relate son arrivée à l'université de Caen, la découverte d'un monde où la critique est aisée et la rumeur vite dégainée. Il s'attache à un jeune Romaric, au grade de « PRAG », c'est-à-dire professeur de lycée détaché dans l'enseignement supérieur. Alors commence ce que Herpe appelle l'aventure de Don Quichotte au pays de Flaubert. Noël Herpe est un original, il dé-range, au sens strict du terme, les conversations vont bon train à son sujet autour de la photocopieuse, « on » l'empêche d'accéder à telle salle, son matériel pédagogique est systématiquement « en panne », « on » lui fait sentir qu'il fréquente et défend un sous-prof de fac, Romaric, et la guéguerre prend des allures de conflit de classe de sixième. Ce serait drôle si ce n'était si désolant : Romaric finit par être viré du Département et mis à pied, quasiment sans salaire. Sa part de féminité, son originalité l'auront pointé comme indésirable.
L'épisode consacré à Guillaume-Gloria, travesti pathétique recruté sur internet, n'est pas plus réjouissant. Il joue à mélanger les styles H/F, moderne/ancien, ce qui en soi ne serait pas gênant s'il n'était entraîneur sportif : là encore, rumeur, suspicion de pédophilie, cancans à tout va et...viré! Par un curieux hasard, cette rencontre ramène notre auteur cinéphile en Normandie, lieu qu'il déteste entre tous, entre bien-pensance provinciale et hideurs architecturales (la basilique de Lisieux l'afflige absolument).

« Dissimulons » fait référence à ce que disaient les traîtres en 1830. « Dis, simulons », pourraient dire ici tous ceux qui attendent le soir pour se vêtir de collants soyeux et de robes fourreaux, à la façon du Monsieur Hire de Villejuif peint par Simenon et incarné plus tard dans « Panique » de Julien Duvivier par un Michel Simon, si laid, si repoussant, si maladroit, qu'il ne qu'être un malfaisant, un pervers.

« Qu'est-ce qui me touche tant dans ces ^personnages de parias ? Peut-être un souvenir de mon père […]. Quand Henri Herpe rentrait ivre, à huit heures du matin, je guettais sur lui enfin endormi des traces d'enfance abîmée. »

L'écriture teintée d'une certaine mélancolie malgré un sourire en coin de temps à autre restitue la souffrance, le chagrin, la révolte de ceux qui, sans être des êtres réellement « à part » ne parviennent pas à faire tout-à-fait partie de la société dans laquelle ils évoluent. Ils en jouent, en jouissent, en souffrent.
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C'est bien normal que Noël Herpe commence son récit en citant des films, c'est sa spécialité, on lui doit notamment une biographie d'Eric Rohmer, co-écrite avec Antoine de Baecque. Mais ce qui est étonnant, c'est que ce texte au penchant autobiographique qui aurait pu nous faire hausser les épaules et soupirer quelque chose comme "encore une autofiction à la petite semaine", et bien ce texte dissimule en lui les germes de ce qui fait un grand écrivain, celui-là même qui vous emmène là où vous ne pensiez pas aller et qui repense la littérature et la fiction (et le cinéma dans le cas). Ainsi, tout en nous faisant profiter de sa culture sans pédanterie aucune, Noël Herpe se dévoile dans un récit qui débute par ses années d'enseignant à Caen, en compagnie d'un "Don quichotte au pays de Flaubert" comme il le dit si bien, pour se terminer par un strip-tease de l'âme, escorté cette fois dans cette plongée en eau sombre par des d'hommes qui, comme lui, s'habillent en femme dans un monde qui ne veut pas de leur étrangeté. Impossible de ne pas penser à Laurence Anyways, le film de Dolan, dont l'atmosphère est proche, mais reste aussi cette plume dont la beauté brille dans le nuit solitaire des êtes en marge qu'elle décrit... ce livre est mince, certes, mais le poids des mots est là et la littérature ne pourrait pas mieux s'en porter d'ailleurs. Formidable.
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critiques presse (1)
Bibliobs
06 septembre 2016
L'écrivain et cinéphile Noël Herpe raconte la saison en enfer qu'il a passée sur ce campus normand, où sa culture donna des arguments à sa nature.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
"Je me souviens singulièrement d'un quadragénaire, qui se prénommait Thierry comme Thierry la Fronde, l'idole de ses quinze ans. À cet âge tendre, il s'était fait moquer par ses petits camarades, au vestiaire, parce qu'il portait des collants sous son pantalon. C'est là, me disait-il, qu'il avait compris : les garçons avaient le droit de porter des collants dans les films - mais pas dans la vie. Cet écart entre la fiction et la réalité me déchirait, comme me déchiraient ces bons bourgeois que leur conjointe ne saurait voir travestis.
Pour décliner ce pathétique, j'écrivis le scénario d'un film intitulé C'est l'homme. Le protagoniste émergeait de l'armée des ombres dont j'ai parlé, il osait sortir dans la rue et cherchait même le danger. Il ne manquait pas de le rencontrer, incarné par trois garçons qui lui faisaient subir toutes les humiliations. Et qui le livraient à une foule haineuse, en le faisant passer pour un pédophile. Outre mes travelos tirés du placard, j'avais mis là-dedans beaucoup de choses. les images soulevées par le rapt d'Ilan Halimi, qui venait d'horrifier la France. Les cauchemars que m'avait valus Funny Games de Haneke. Le souvenir aussi de Panique, dont j'essayais, avec mes moyens modestes, de reproduire le chemin de croix final, au pied de l'église, avec la grande meute des bien-pensants qui s'acharne sur un homme seul.
C'était un catalogue de mon répertoire, et surtout, pourquoi ne pas le dire ? de mes fantasmes masochistes. Il s'abreuvait au calvaire que je croyais vivre à Caen. Il se gonfla des refus essuyés auprès des festivals, ce qui prolongeait l'atmosphère paranoïaque du film. J'y trouvais le moyen d'exprimer un certain nihilisme christique, qui fait de la Passion l'unique défi à jeter aux mille têtes de la bêtise humaine. Au passage, je réfléchissais sur la phobie du désir masculin qui caractérise notre époque - et qui, au delà du bouc émissaire commode qu'est le pédophile, accable les pulsions considérées comme perverses : toutes les formes de libido, en vérité, coupables de ne point rentrer dans la norme du macho domestiqué.
Quand je songe aujourd'hui au film, ce n'est pas cette dimension sulfureuse qui me semble la plus précieuse. Elle me renvoie à un théâtre que je connais bien : celui qui consiste à contredire l'ordre établi, à résister à la répartition des rôles conventionnelle - quitte à se retrouver écrasé, non sans un sombre plaisir, sous l'édifice qu'on prétendait ébranler... Ce qui me touche à présent, ce sont plutôt les premières scènes. Mon alter ego en train de déambuler vainement dans les rues parisiennes, affublé d'un déguisement qui ne trompe personne, ne sachant pas au juste ce qu'il veut. Comme s'il y avait là un mouvement qui pourrait se suffire à lui-même. Le pur rêve d'un autre."
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" Au lendemain de ses nuits passées sur mon canapé, il repartait vers de nouvelles chimères, petit soldat de l'impossible, jamais découragé par la malchance. Sa silhouette s'éloignait au bout de la rue. Ce rêve de roman que j'avais caressé lors de mes premiers voyages en province, il l'incarnait à sa manière. D'une manière que je n'avais pas prévue, dérisoire et grandiose. "
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