Écrivain, professeur à Paris VIII, historien du cinéma,
Noël Herpe rédige ici un tout petit livre, un « récit » dit-il en première page, qui relate son arrivée à l'université de Caen, la découverte d'un monde où la critique est aisée et la rumeur vite dégainée. Il s'attache à un jeune Romaric, au grade de « PRAG », c'est-à-dire professeur de lycée détaché dans l'enseignement supérieur. Alors commence ce que Herpe appelle l'aventure de
Don Quichotte au pays de
Flaubert.
Noël Herpe est un original, il dé-range, au sens strict du terme, les conversations vont bon train à son sujet autour de la photocopieuse, « on » l'empêche d'accéder à telle salle, son matériel pédagogique est systématiquement « en panne », « on » lui fait sentir qu'il fréquente et défend un sous-prof de fac, Romaric, et la guéguerre prend des allures de conflit de classe de sixième. Ce serait drôle si ce n'était si désolant : Romaric finit par être viré du Département et mis à pied, quasiment sans salaire. Sa part de féminité, son originalité l'auront pointé comme indésirable.
L'épisode consacré à Guillaume-Gloria, travesti pathétique recruté sur internet, n'est pas plus réjouissant. Il joue à mélanger les styles H/F, moderne/ancien, ce qui en soi ne serait pas gênant s'il n'était entraîneur sportif : là encore, rumeur, suspicion de pédophilie, cancans à tout va et...viré! Par un curieux hasard, cette rencontre ramène notre auteur cinéphile en Normandie, lieu qu'il déteste entre tous, entre bien-pensance provinciale et hideurs architecturales (la basilique de Lisieux l'afflige absolument).
«
Dissimulons » fait référence à ce que disaient les traîtres en 1830. «
Dis, simulons », pourraient dire ici tous ceux qui attendent le soir pour se vêtir de collants soyeux et de robes fourreaux, à la façon du Monsieur Hire de Villejuif peint par
Simenon et incarné plus tard dans « Panique » de Julien Duvivier par un
Michel Simon, si laid, si repoussant, si maladroit, qu'il ne qu'être un malfaisant, un pervers.
« Qu'est-ce qui me touche tant dans ces ^personnages de parias ? Peut-être un souvenir de mon père […]. Quand Henri Herpe rentrait ivre, à huit heures du matin, je guettais sur lui enfin endormi des traces d'enfance abîmée. »
L'écriture teintée d'une certaine mélancolie malgré un sourire en coin de temps à autre restitue la souffrance, le chagrin, la révolte de ceux qui, sans être des êtres réellement « à part » ne parviennent pas à faire tout-à-fait partie de la société dans laquelle ils évoluent. Ils en jouent, en jouissent, en souffrent.