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Critique de Blackrosesforme


Vous auriez l'idée de résumer le mouvement punk à une épingle à nourrice ? Non ? Alors pourquoi se contenter d'associer les mods à des costumes en mohair et des scooters rutilants ? Tout simplement parce qu'on connaît très mal ce courant – qui utilise le vêtement, mais pas seulement, comme moyen d'expression – pourtant à l'origine de la culture pop anglaise, comme nous le démontre Paolo Hewitt, dans ce document rassemblant des témoignages de première main et des analyses fouillées.

Quand la France découvre les mods, le mouvement en est déjà à sa troisième renaissance. Entre 1979 et 82, coïncidant au succès des Jam, avec un Paul Weller sapé près du corps, chic, sharp, et la sortie de Quadrophenia, film adapté du concept album des Who, les froggies se fascinent pour ces dandys urbains, ces faces tirés à quatre épingles qui fusionnent l'énergie du punk et un classicisme d'esthètes. Mais d'où viennent-ils ? Qui sont-ils ? Que cherchent-ils ?

La fin de la deuxième guerre mondiale a bouleversé profondément la société anglaise. La working class, ayant pris une part plus qu'active à la résolution du conflit, refuse désormais de s'en laisser conter par l'élite. L'heure n'est plus à l'asservissement, et l'élection d'un gouvernement travailliste témoigne de cette volonté nouvelle de lutter contre les inégalités sociales. Cette graine semée, les enfants n'ont plus qu'à récolter. Récolte, révolte, certains ados décident alors que plus jamais on ne les fera se soumettre, qu'ils feront tout pour s'arracher à leur condition de prolétaire, qu'ils élèveront leur existence au rang de l'art. La culture de leurs pères étant d'un ennui mortel, ils empruntent à d'autres des formes artistiques leur permettant de contester les modèles traditionnels. La musique d'abord. Finie la variétoche, ils écouteront du jazz, du modern jazz, d'où leur nom, venu des USA, avec son insouciance, sa vie nocturne, ses drogues. La philosophie ensuite, avec l'existentialisme français et Sartre qui replacent l'individu au centre. le look enfin, cet italian look symbole de leur volonté d'être unique, irremplaçable, au-dessus, avec comme principe absolu cette attention particulière portée aux détails. Faire de sa vie une oeuvre d'art. Et pour s'acheter ces fringues chères, il leur faut trouver du fric, bosser (ce que leur permettra le marché du travail de l'époque), s'insérer dans cette société minable pour se payer leur rêve. Amis de certaines communautés (les juifs de l'East End londonien, les jamaïcains, les homos), ils seront aussi haïs pour leur préciosité et leur ouverture, notamment par les rockers, qui leur feront comprendre leur désapprobation à grands coups de pied dans la gueule. Ce modernisme originel prendra d'ailleurs fin en 64, quand, lors d'un week-end férié, des affrontements sur une plage entre teddy boys et mods feront la une des tabloïds, révélant au grand public leur singularité et les rendant populaires, faisant fuir par là même les puristes.

Cherchant sans cesse à se renouveler, à l'image de leur garde robe, les mods existent encore. Influents, cultivant leur individualisme, crispants d'arrogance et de raffinement, Oscar Wilde ne les aurait pas reniés. So british.
Lien : https://blackrosesforme.word..
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