Thor Heyerdahl est un zoologue et géographe norvégien. Lors d'un séjour en Polynésie française avec sa femme, le jeune homme ne peut s'empêcher de penser qu'il y a de nombreuses similitudes entre les îles polynésiennes et certains sites d'Amérique du sud (gigantesques statues de pierre aux formes humaines qui rappellent celles de l'île de Pâques, de Pitcairn ou des Marquises, d'énormes pyramides en escaliers comme celles de Tahiti et des Samoa; divinité du soleil, Virakocha dieu-soleil au Pérou et Kon-Tiki dans les iles polynésiennes; présence de la patate douce en Polynésie). Il remarque également les nombreux vents et courants (dont celui d'Humbolt) qui longent l'Amérique du Sud avant d'aller vers la Polynésie.
Un vieil homme à Fatu Hiva lui raconte que c'est Tiki qui a conduit ses ancêtres dans ces îles, qu'auparavant ils habitaient un grand pays au delà des mers. C'est à partir de ce moment là que se forme sa théorie du peuplement de la Polynésie à partir du Pérou. A l'encontre de la théorie admise jusqu'alors d'un peuplement venant de l'Asie du Sud-Est, il fait de nombreuses recherches pour étayer sa thèse mais se heurte aux nombreux refus de la communauté scientifique qui se refuse à valider une telle hypothèse. C'est impossible que des hommes d'Amérique du sud aient pu traverser 8000 kilomètres sur de simples radeaux pour s'installer en Polynésie.
Il n'en fallait pas plus à notre explorateur norvégien pour tenter le défi ! Après avoir constitué son équipage de 6 hommes, lui compris, il s'attaque à la partie logistique. Construction du radeau en balsa selon les codes de l'époque (seul luxe permis à bord une station radio TSF en cas d'urgence) et direction l'Equateur pour trouver les 9 énormes troncs de balsa qui constituent la masse flottante du radeau Kon-Tiki. Ils partent des côtes péruviennes le 28 avril 1947 pour plus de 100 jours de navigation au raz de l'eau, plus déterminé que jamais. L'aventure chevillée aux corps, ces marins du dimanche vont vivre une aventure hors du commun. Tout d'abord sur le plan de la faune. Pendant plus de trois mois, ils contemplent baleines, requins, coryphènes, dorades, poissons volants, pilotes, maquereau-serpents et autres poissons mystérieux qu'ils ne peuvent identifier. Il y a certaines descriptions de ces moments qui nous subjuguent par leur beauté : "nous tressaillîmes en entendant quelque chose souffler derrière nous comme un cheval qui nage, et une énorme baleine vint nous regarder fixement, si près que nous vîmes l'intérieur de son évent briller comme un soulier verni. C'était étrange d'entendre vraiment respirer sur la mer, ou toutes les créatures vivantes se promènent silencieusement sans poumons, les ouïes frémissantes; tellement étrange que nous éprouvâmes un sentiment chaleureux pour notre cousine issue de germains, qui comme nous s'était aventuré si loin sur la mer".
Tout au long du voyage on partage les joies, les craintes, l'enthousiasme et l'émerveillement de l'équipage qui finit par atteindre le 7 août 1947 le récif de Raroïa.
L'expédition du Kon-Tiki est la quintessence du récit de voyage. Ce livre contient tout ce que j'aime dans ce genre d'aventure : des forêts équatoriennes pour la confection du radeau, du voyage en mer qui va durer plus de 100 jours avec tout ce que cela comporte de péripéties, en passant par la survie et l'organisation des ces hommes pendant leur traversée, l'observation de toutes ces espèces de poissons, les réflexions et pistes historiques d'
Heyerdahl pour formuler son hypothèse jusqu'à l'épilogue et la rencontre avec les polynésiens qui partagent avec eux leur culture et leur hospitalité légendaire. Un énorme coup de coeur pour ce qui est devenu un classique de la littérature de voyage. J'ai aussi beaucoup de respect pour cet homme, ce doux rêveur, qui n'aimait pas qu'on lui colle des étiquettes, qui envers et contre tous ira au bout de son rêve, ignorant les moqueries et suivant son instinct. Je risque de me laisser tenter par d'autres livres de
Thor Heyerdahl qui ont l'air d'être tout aussi passionnants !