Archétype de la classe moyenne américaine, la famille Alderman, Richard et Loïs les parents, Arthur et Robbie les fils, vit à Chalmerston et mène une vie paisible et heureuse jusqu'au moment où des événements concomitants dynamitent son équilibre. le jour où Robbie échappe à la mort à la suite d'une maladie infectieuse, Richard rencontre Dieu, connaît une nouvelle naissance et rejoint les Chrétiens régénérés. Au même moment, Maggie, la petite amie d'Arthur âgée de 16 ans prend la décision d'avorter puisque la loi américaine autorise encore les femmes et jeunes filles à disposer de leur corps. Tous les éléments sont en place pour permettre à
Patricia Highsmith d'écrire en 1983 un roman éblouissant, cruel, virulent, et surtout visionnaire.
Arthur, adolescent amoureux, respectueux, travailleur, brillant élève qui croit en lui-même, en son avenir, et rêve d'intégrer l'université de Columbia pour y étudier la biologie, devient la cible de son père récemment illuminé, qui prétend sauver l'âme de son fils en empêchant par tous les moyens l'avortement de Maggie. Tout ce que la paroisse de la Première Evangile du Christ compte de bigots fondamentalistes accourt au chevet d'Arthur pour lui débiter son discours fétide. le pasteur Bob Cole, spécialisé dans la diffusion de ragots et rumeurs durant ses sermons, précède d'une courte tête Eddie Howell, prédicateur suave, lisse, visqueux, dont le sourire éternel et figé est une menace. Il ensevelit Arthur sous ses brochures pieuses axées sur les dangers physiques de l'avortement, les risques de septicémie, les hémorragies et l'abîme de dépression qui s'ensuit qualifié de « calvaire » et dans lesquelles les infirmières et médecins sont traités d'assassins. Mais le plus grave n'est pas que Richard renie Arthur, lui coupe les vivres, le prive de ses études, le jette à la rue, mais qu'il effectue un lavage de cerveau sur Robbie, enfant encore vulnérable et influençable. le plus grave n'est pas que Richard s'érige en justicier, mais que lui-même est bien loin d'être irréprochable.
Avec un talent inouï et un style sous forme de frappes verbales chirurgicales,
Patricia Highsmith décrit une Amérique névrosée, conservatrice, hypocrite, dans un roman où la violence religieuse suinte dans chaque page, où le dénouement brutal apparaît dès le départ inéluctable sans que l'on puisse deviner quelle forme il prendra. Une nouvelle fois,
Patricia Highsmith réalise un chef-d'oeuvre, asphyxiant, réaliste, qui dénonce les dérives fanatiques et les régressions obscurantistes, et qui dès 1983, pressentait l'indigne et nauséabonde loi votée contre les femmes en Alabama récemment par
Ces gens qui frappent à la porte. Un roman virtuose d'une actualité brûlante !