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Série des enquêtes de Leaphorn et Chee tome 5 sur 12

Danièle Bondil (Traducteur)Pierre Bondil (Traducteur)
EAN : 9782743600723
357 pages
Payot et Rivages (19/04/1996)
4/5   101 notes
Résumé :
Un professeur d'atelier de l'école de Thoreau a été mortellement frappé à la tête. C'est un meurtre extrêmement important selon les critères de la réserve. Chee, récemment muté dans le service du lieutenant Joe Leaphorn, espère retrouver un écolier en cavale au pueblo de Tano, le jour des cérémonies annuelles. Après la danse des kachinas, c'est le moment des koshares, les clowns sacrés des habitants des pueblos. Avec leur corps zébré de rayures noires et blanches, l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
AU SERVICE DU LÉGENDAIRE LIEUTENANT


Ma lecture récente de Coyote attend s'étant avérée un très bon moment, je me suis dit que je pouvais profiter de l'été pour avancer sans trop attendre dans la série des polars navajos de Tony Hillerman. Et dans l'ordre, du coup : voici donc Les Clowns sacrés, onzième (tout de même) titre de la série, mettant en scène le complexe et si humain binôme constitué par le « légendaire lieutenant » Joe Leaphorn, l'homme froid et rationaliste, et Jim Chee, l'homme entre deux mondes, qui aimerait tant être à la fois un « chanteur », un hataalii, gardien des traditions du Dineh, et un policier à la mode des Blancs ; en fait, dans ce onzième roman, la déchirure essentielle au personnage de Jim Chee est peut-être plus que jamais marquée, qui l'amènera à prendre les pires décisions comme les meilleures – en fonction d'un point de vue nécessairement fluctuant.


Mais la relation entre les deux flics navajos a évolué radicalement. Dans les six premiers volumes de la série, ils agissaient indépendamment : les trois premiers étaient consacrés à Joe Leaphorn, les trois suivants à Jim Chee. Puis Tony Hillerman s'est mis à les associer, tout en conservant une certaine distance le cas échéant ; la scène où Leaphorn confie à Chee le soin d'assurer les rites pour sa défunte épouse, aussi forte soit-elle, relevait tout de même de l'exception. En fait, les deux hommes, à les réduire à des archétypes comme je l'ai fait en ouverture de chronique, sont passablement incompatibles… Et Coyote attend, juste avant le présent roman, en témoignait encore : les deux enquêtaient pour l'essentiel séparément, et une bonne partie de l'astuce de la narration dans ce roman consistait à les faire aboutir aux mêmes conclusions en empruntant des pistes différentes. Et les relations entre Leaphorn et Chee pouvaient s'avérer tendues – « le fumier » et « le sale petit con »… Mais elles évoluaient dans le bon sens, sans doute ; car, avec tout ce qui les séparait (et peut-être avant tout, rapport aux traditions mis à part, le caractère impulsif et incontrôlable de Chee, de nature à agacer profondément le très posé et rigoureux Leaphorn), la certitude que l'autre était un enquêteur doué, voire tout bonnement brillant, s'affichait toujours un peu plus…


Les Clowns sacrés, même publié avec un trou de quelques années, suit de très près, dans la chronologie interne de la série, Coyote attend – en témoigne notamment ceci que Joe Leaphorn, dans sa relation encore ambiguë avec l'anthropologue Louisa Bourebonnette, prépare dans le présent roman leur voyage commun en Chine, supposé imminent, et qui avait été décidé à la toute fin du précédent roman.


Mais, dans la relation entre Leaphorn et Chee, ce très brève intermède a suffi à apporter un bouleversement radical : Joe Leaphorn a sa propre unité, maintenant, une sorte de brigade spéciale au sein de la police navajo ; mais cette brigade, outre lui-même, ne comprend en fait qu'un seul autre policier… qui est Jim Chee. C'est tout récent, et ce dernier est d'emblée convaincu qu'il n'y fera pas long feu… Tellement, en fait, qu'il semble presque sciemment enchaîner les boulettes susceptibles de le faire virer ! Et pourtant Leaphorn se montre étonnamment conciliant – même quand une gaffe particulièrement colossale de la part de Chee aboutit à la mise à pied temporaire du « légendaire lieutenant », avec des conséquences personnelles plus qu'ennuyeuses en sus… C'est que Leaphorn sait, au fond, que Chee est un bon flic ; mais le cadrer s'annonce difficile. Et lui faire miroiter des galons de sergent ? Jim Chee, qui avait brièvement obtenu le grade à titre temporaire, en retirerait assurément de grands bénéfices, professionnels et intimes – mais c'est comme s'il choisissait de tout faire foirer…


On s'en doute : Jim Chee est en fait le personnage essentiel de ce roman. Et il est ce qui le fait tenir. Car, disons-le, l'intrigue proprement policière des Clowns sacrés est tout de même un peu terne, et la narration autrement convenue que dans le très malin Coyote attend.


ADO FUGUEUR, HOMMES DE VALEUR ET POLITICIENS POURRIS


Le roman débute dans le pueblo (imaginaire, exceptionnellement) hopi de Tano, où Jim Chee est censé mettre la main sur un ado fugueur – pas exactement de la haute police, c'est frustrant quand on sait qu'il y a eu un meurtre sur la réserve navajo, celui d'un Blanc, un professeur de technologie dans une sorte de lycée professionnel… Mais non, Leaphorn préfère l'envoyer pister un gamin rebelle !


Or, à Tano, c'est la fête : les Hopis sortent leurs poupées kachinas, et, au milieu des célébrants, les koshares exercent leur fonction de « clowns sacrés », raillant les travers des hommes avec leur comportement burlesque. Un joli spectacle ! Chee a eu le malheur d'en parler à Janet Pete, dont il est maladivement amoureux, et qui en a parlé à d'autres rencontres de circonstances : la mission de police à Tano s'est transformée en excursion touristique… Bon, l'ado fugueur est bien là, c'est déjà ça. Sauf que Chee, perdu dans ses pensées (portant toutes sur Janet Pete, ou presque), en perd la trace… Et, pire encore, a peine a-t-il le temps de s'en rendre compte qu'un meurtre est commis à quelques dizaines de mètres à peine, quasiment sous ses yeux ! Et c'est un des koshares qui est abattu… dont on suppose bien vite qu'il est lié à l'adolescent volage – et peut-être même au meurtre du professeur de technologie ?


Mais voilà : ce nouveau meurtre a eu lieu sur le pueblo de Tano, et donc hors de la juridiction de la police navajo, c'est au FBI de prendre en main l'affaire. Les conflits de juridiction sont décidément un trait récurrent des intrigues de Tony Hillerman, Les Clowns sacrés ne fait certes pas exception. L'astuce, alors, est de dériver des liens éventuels entre les victimes et les suspects des opportunités d'enquête de tel service qui, normalement, ne devrait pas s'en mêler.


Or il s'agit d'une double voire triple enquête passablement compliquée – notamment en ce que les deux meurtres ont des implications plus amples, et, même s'il est envisagé pour la forme, et avec un coupable beaucoup trop idéal, le motif crapuleux ne paraît guère convaincant. D'autant, peut-être, que les deux morts présentaient un point commun pas si courant ? le professeur blanc comme le koshare hopi sont tous deux envisagés par leur entourage comme ayant été des « hommes de valeur », presque des saints – et ce n'est pas là le discours habituel de condoléances, où les proches forcent le trait pour honorer des hommes récemment décédés et qui, en vérité, n'étaient pas si bons que cela… Non, cette fois cela relève de la conviction parfaitement sincère.


D'où ce contraste si marqué avec une autre dimension de la double voire triple enquête : rien de très clair pendant un bon moment à cet égard, mais on y devine bien vite des soubassements politiques sordides – les accusations de corruption ne tardent guère, a fortiori dans ce contexte de lutte acharnée entre des entreprises cyniques, désireuses d'enfouir des déchets radioactifs dans la réserve, et des militants soit traditionalistes (dont Jim Chee lui-même, qui publie une lettre ouverte dans un journal local, un comportement pas vraiment en phase avec ses attributions de policier), soit écologistes, qui n'ont pas forcément beaucoup plus de scrupules…


Mais Jim Chee n'est pas vraiment censé enquêter sur tout cela. Leaphorn, en tout cas, le lui a dit – mais y croyait-il lui-même ? Non, le sergent en puissance est supposé se concentrer sur deux missions précises : choper le putain d'adolescent-anguille, bordel… et faire la lumière sur un accident de la route, fatal, aggravé de délit de fuite : le genre d'enquête censé assurer à Chee ses galons de sergent, sauf qu'il n'y a absolument aucune piste… Et les deux meurtres, alors ? Ne pas travailler dessus serait sacrément frustrant. Mais, via le gamin, et en usant de certains contacts… Joe Leaphorn, quand il sort de son bureau, ne fait pas autre chose, au fond ; mais ailleurs que Jim Chee.


Un point de départ qui en vaut bien un autre, avec son lot de mystères, sur des bases parfois improbables, et une implication intime des personnages dans l'affaire (ou les affaires). Ce qui fonctionne le plus souvent très bien chez Tony Hillerman, et Coyote attend, juste avant, en était une bonne illustration.


Et pourtant, cette fois, j'ai trouvé que cela ne fonctionnait pas vraiment… Certes pas au point où le roman serait mauvais, car il a heureusement d'autres atouts. À vrai dire, ce n'est même pas forcément ennuyeux non plus – un peu terne, oui, mais pas à ce point. Reste que la mise en scène des différentes enquêtes, et notamment dans leur relation aux préoccupations anthropologiques propres à la série, a quelque chose d'un peu trop convenu et mécanique, jusqu'à une conclusion assez brutalement expédiée et finalement guère satisfaisante…


Non, l'enquête n'est vraiment pas le point fort des Clowns sacrés. Si le roman doit fonctionner, c'est au regard de deux autres critères – les mêmes que d'habitude, quand l'enquête policière patine ? La dimension anthropologique, bien sûr – et le mélo. Car Tony Hillerman est étonnamment doué pour le sentimental – et pas qu'un peu.


Et dans ces deux cas, bien sûr, c'est Jim Chee qui prend la vedette.

LES INDIENS ET LES INDIENS


Un point intéressant du roman, dans sa perspective anthropologique, est la multiplicité des points de vue « indiens ». En tant que tel, ce n'est pas forcément très novateur dans la série : si nos flics sont des Navajos, ils ont, depuis le début, entretenu des liens parfois très forts avec des Indiens pueblos (soit sédentaires, là où la culture navajo était nomade) : des Hopis, des Zunis, etc. Une bonne occasion d'anéantir le cliché faisant des « Indiens » un groupe vaguement homogène, ce qu'ils n'ont jamais été. Les Clowns sacrés se déroule donc, pour partie dans la réserve navajo, pour partie dans le pueblo hopi de Tano (imaginaire, rappelons-le). Et ce sont des mondes très différents en dépit de leur proximité géographique. En fait, les Navajos sont tout aussi largués, quand il s'agit de comprendre les mentalités hopis, que les Blancs… ou les Cheyennes.


Car nous avons bien un troisième peuple indien dans cette affaire, avec l'étonnant personnage de Blizzard, un Cheyenne au service du FBI. le bonhomme n'est tout d'abord guère sympathique – mais peut-être plus particulièrement aux yeux de Jim Chee, qui nous sert ici de point de vue. Bouffé par les préjugés, le Cheyenne (et de la ville, en plus !) ne cesse de râler parce qu'il ne comprend rien aux Hopis, et pas davantage aux Navajos. Chee maugrée quand il est bien obligé de reconnaître que lui-même ne comprend « pas non plus très bien » les Hopis, et encore moins les Cheyennes – gardant pour lui que, dans ses souvenirs de quand il était gamin, et jouait aux cow-boys et aux Indiens (oui…), les Indiens étaient forcément... des Cheyennes.


Ce qui suscite une scène très étonnante, mais aussi très bien vue, quand Jim Chee et Janet Pete vont au cinéma – et que la jeune avocate invite tant qu'à faire Blizzard, ce qui ne facilitera pas les tentatives de séduction de Chee, à l'évidence… le film qu'ils vont voir, dans un drive-in ? Les Cheyennes, de John Ford… Jim Chee l'avait déjà vu, mais ni Janet Pete, ni Blizzard (ni moi non plus, aheum). Or voilà : outre les rôles principaux incarnés par des acteurs blancs, les autres Cheyennes du film étaient en fait joués… par des Navajos, autrement plus nombreux. En fait, tous les spectateurs du film ne cessent de klaxonner, quand apparaît à l'écran tel membre de leur famille – c'est comme si tous les Navajos de la réserve avaient des parents dans le film ! Par ailleurs, ces « Cheyennes » ne parlent certainement pas cheyenne… mais navajo ; et ils ne prononcent « pas exactement » les répliques sous-titrées ! Mais le plus souvent improvisent des mauvaises blagues, souvent grivoises – pour autant de déchaînements de klaxons dans le drive-in… Cette scène établit pourtant comme une forme de communion chez nos trois spectateurs : le Cheyenne des villes, le Navajo des campagnes, et la mi-Navajo des villes mi-Écossaise… Et les relations entre les personnages évoluent – notamment le jugement de Blizzard, et sur Blizzard : tous, en définitive, laissent tomber leurs préjugés, dans une même fascination à la fois frustrante et enthousiaste pour la variété des cultures amérindiennes, qui les dépasse. C'est assez subtil, je ne me sens pas d'en dire davantage ici, mais ça fonctionne très bien – d'autant plus, sans doute, que la dimension anthropologique, ici comme ailleurs, est étroitement mêlée au mélo sous-jacent, l'autre grande réussite du roman.


Mais la perspective anthropologique ne s'arrête bien sûr pas là – même dans le seul registre de l'incompréhension mutuelle, qui concerne surtout ici la pratique religieuse. le fête au pueblo de Tano, dès le début du roman, introduit le thème, avec ses koshares dont les spectateurs navajos ne comprennent pas toujours très bien le sens de les blagues, mais, ce folklore « visible » mis à part, ce qui frappe Jim Chee avant tout (et Blizzard sur un mode un peu différent, forcément), c'est l'opposition radicale entre les Hopis et les Navajos concernant la publicité du culte. Les Navajos forment une immense famille composée d'immenses clans (ce qui a une importance cruciale dans le roman, mais est trop intimement lié à la dimension sentimentale du récit pour que j'en traite ici) : plus il y a de monde pour assister à un rite, telle ou telle Voie, et mieux c'est – pour le rite et pour tous ceux qui y assistent ou même participent. Au contraire, chez les Hopis, la vie spirituelle est associée à la kiva, chambre cérémoniale souterraine où se réunit un petit groupe dédié sur le mode de la société secrète. C'est une complication de taille pour l'enquête, car les Hopis ont ici une culture initiatique qui implique que l'on ne parle pas aux autres (les Hopis d'autres kivas finalement pas davantage que les Navajos, les Cheyennes ou les Blancs) de ce qui se produit au sein du groupe. C'est un trait culturel si marqué que simplement poser la question à un Hopi laisse ce dernier dans la stupéfaction la plus totale – pour le coup, Chee sait au moins ça, même s'il n'est pas facile de l'expliquer à Blizzard. Et cet interdit résiste à tout, il ne connaît pas d'exceptions : qu'importe s'il y a une enquête policière, on ne parle pas aux étrangers de ce qui se produit dans la kiva. Jamais.


Enfin, une autre dimension fondamentale de l'enquête est liée à cette problématique religieuse – à moins qu'elle ne paraisse seulement l'être ? Il s'agit de la pratique de la vente des objets sacrés – courante, car nombre des Indiens des réserves sont pauvres… le thème revient souvent, et apparaît très tôt – en fait, dès les mauvaises blagues des koshares, dont on comprend petit à petit qu'elles visent pour partie au moins à stigmatiser la cupidité des élites, toujours prêtes à faire de l'argent en reniant ce qu'elles devraient avoir de plus précieux ; et la comédie des « clowns sacrés » associe ce thème à celui de la corruption – ce qui parle sans doute à un traditionaliste tel que Jim Chee, bien que n'étant pas hopi. Mais, pour le coup, le roman se montre ici assez surprenant, finalement – car l'objet « sacré » en cause n'est certes pas du genre auquel on s'attendait...


JIM + JANET = ♥ ?


Enfin, reste une autre dimension du roman qui convainc bien plus que sa partie proprement « policière ». Et c'est le mélodrame. C'est une chose à laquelle j'avais plus ou moins prêté attention jusqu'alors, mais qui m'avait marqué dans ma lecture récente de Coyote attend. Hillerman est vraiment très doué dans ce registre – qui, chez d'autres, m'ennuie voire m'irrite facilement de manière générale, je plaide (putain de) coupable. Et Les Clowns sacrés en est une nouvelle illustration, particulièrement forte… car particulièrement douloureuse ?


Mais, à la différence de Coyote attend, le présent roman ne s'intéresse peu ou prou qu'à la vie sentimentale de Jim Chee – pas de Joe Leaphorn, ou plus exactement fort peu ; d'ailleurs, le personnage de Louisa Bourebonette, s'il est mentionné çà et là, n'apparaît significativement en chair et en os qu'à la toute dernière page du roman. Non, ce qui compte, ici, c'est Jim Chee et Janet Pete.


Leur relation est ambiguë depuis un certain temps – Les Clowns sacrés est le roman où on ne peut plus y échapper, il faut crever l'abcès (formulation romantique s'il en est). Mais ça ne se passe… pas très bien, comme on pouvait s'en douter. Et ceci parce que Jim Chee se montre d'une maladresse épique, liée à ses conceptions du monde. Pas les simples petites gaffes qui font le quotidien du personnage (il y en a bien des exemples dans Les Clowns sacrés), mais parce qu'il impose à celle qu'il aime ses préjugés éventuellement bornés. Au moment de « conclure », comme disent les gens (parait-il), le flic redevient brusquement hataalii : et si Janet était d'un clan associé au sien ? Il ne pourrait alors pas avoir de relations sexuelles avec elle, cela contreviendrait au tabou fondamental de l'inceste, si essentiel à la culture navajo… Et il le dit texto, ou presque : on comprend sans peine la colère de Janet Pete – et ce quand bien même son comportement jusqu'alors, mais parce que nous adoptions le point de vue de Jim Chee, pouvait parfois paraître cruel à l'encontre du policier confit d'amour. Un biais, évidemment : la vérité, c'est que Janet Pete est un vrai personnage humain, complexe, pas une vulgaire poupée associée au héros par principe et soumise à toutes ses frustrations.


A contrario, c'est ce qui fait de Jim Chee un si bon personnage, après tout : il est à la fois foncièrement sympathique et un enquêteur intelligent et même rusé, mais tout autant un homme entre deux mondes, qui ne semble pas en mesure de comprendre l'incompatibilité radicale des univers dont il se voudrait la synthèse, ce qui l'amène régulièrement à succomber comme par réflexe aux préjugés les plus vains.


Cet homme qui nous dit peu ou prou « combattre le futur pour les Navajos » (ce qui, accessoirement, est aux antipodes de ma propre vision des choses sans m'aliéner le personnage, du fait de sa belle humanité) opère ainsi, sur un coup de tête, une retraite en quelque sorte mystique et sans doute plus qu'un peu connotée de dépression, où il pose la question de l'inceste éventuel à des vieux sages qui sont autant de reliques d'un passé de longue date disparu… Assurément de quoi accentuer encore la dépression de Jim Chee, qui vo
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Depuis que les civilisations indiennes sont connues, musées et collectionneurs privés aiment bien trouver des objets typiques, légalement ou illégalement. C'est un thème qu'on retrouve souvent chez Hillerman et qui sert de fond à l'enquête.
Deux morts, deux hommes très différents mais foncièrement bons l'un et l'autre, des hommes de valeur...Pourquoi et comment ont-ils croisé la route d'un assassin...d'autant que l'alcool, raison quasi systématique des meurtres dans la réserve parait cette fois peu vraisemblable.
Joe Leaphorn et Jim Chee vont pour la première fois mener l'enquête ensemble.
Si Chee retrouve le coupable d'un accident de voiture avec délit de fuite ayant entraîné un mort le grade de sergent lui a été promis. Va-t-il réussi à se discipliner un peu ? Parce que, même s'il est efficace, il est quand même bien fantaisiste...
Le rythme est comme d'habitude assez lent. On s'arrête pour regarder le paysage, ou pour boire un café, ou pour réfléchir à ce qui fait notre vie...ou pour essayer de comprendre le méli mélo des services policiers dans la réserve...qui doit enquêter sur quoi ?
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Polar navajo terne comme un désert sans cactus.
Persuadé de tenir une pépite avec ce polar navajo susceptible de se trouver en bonne place aux côtés des polars samis de Olivier Truc, mongols de Yan Manook ou zoulous de Caryl Férey, je suis tombé de haut. Sans me faire mal, fort heureusement.
Les héros, Jim Chee et Joe Leaphorn, travaillent pour la police tribale navajo (à rapprocher de la police sami des rennes, d'Olivier Truc), ce qui laissait augurer de très bonnes choses.
Mais, problème, le côté Navajo de ce polar, ethnologique à l'extrême, est carrément universitaire. J'ai eu l'impression de lire une thèse de doctorat, intéressante, certes, mais réservée à des spécialistes : « Premièrement, personne ne pouvait affirmer avec certitude que cette fille de l'homme du Peuple de la faim était une soeur de clan de ce fils du Peuple à la Parole Lente et du Dinee de l'Eau Amère, et deuxièmement, la voie de la Beauté du Peuple Navajo était minée par de jeunes shamans qui étaient trop paresseux pour apprendre les règles que le Peuple Sacré avait enseignées, ou trop disposés à mal exécuter les rites cérémoniels et, par conséquent, à les adapter au monde des biligaana. » Glossaire obligatoire (disponible à la fin de l'ouvrage), ce qui altère forcément la lecture. Et, en ce qui me concerne, le plaisir.
Quant à l'intrigue, un trafic de cannes sacrés qui fait, là encore, penser aux tambours samis de Truc, elle se révèle terne à souhait et ne parvient malheureusement pas à faire décoller l'ensemble.
La série navajo de Tony Hillerman comportant dix-huit romans (celui-ci est le onzième), je retenterai ma chance. En commençant, tant qu'à faire, par le premier. Affaire à suivre...
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Un professeur a été tué, et Jim Chee, maintenant dans l'équipe de Joe Leaphorn, va mener l'enquête.

Ce roman comprend, comme pour les autres mais peut-être avec plus d'intensité, des cérémonies traditionnelles, danses, chants et clowns, que l'on dit sacrés.

C'est toujours dépaysant, on se voit dans les paysages désertiques. Et le jour où on se trouve dans un hot tub, avec vue sur les Kachinas Peaks, comme j'ai eu la chance de le vivre, on a un peu l'impression de vivre sur la carte postale.
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J'ai lu ce livre voici presque un mois, j'étais persuadée d'avoir rédigé un avis, et puis je me suis aperçue que non. Pas grave : me voici lancé dans la rédaction d'un avis en mode « c'était il y a un mois, et je n'ai pas pris de note ».
Dans ce roman, nous sommes vraiment en plein dans les traditions navajo puisque l'action prend place au cours d'une cérémonie -l'action, et bientôt deux meurtres. Fait rare dans l'univers du roman policier, les deux hommes qui ont été tués étaient des hommes bien, des hommes qui n'avaient pas d'horribles secrets dans le placard. Qui a voulu supprimer ces hommes ?
Jim Chee se retrouve à enquêter sous les ordres de Joe Leaphorn, et pour quelqu'un qui ne respecte quasiment jamais les règles, cela n'indique pas forcément un tournant dans la carrière, non. Pourquoi faudrait-il qu'il change, puisque ses méthodes fonctionnent ? Enfin, jusqu'à un certain point, et Jim Chee va causer un sacré imbroglio, avec sa manie de n'en faire qu'à sa tête. Heureusement, Tony Hillerman n'est pas un auteur qui délaie inutilement ses intrigues: prendre son temps ne signifie pas faire perdre son temps à ses lecteurs.
Dans ce volume, l'on voit Joe Leaphorn se rapprocher de Louise, une professeur d'université qu'il a rencontrée lors d'une précédente enquête. Se rapprocher ne signifie pas forcément nouer une nouvelle histoire d'amour : Emma est toujours bien présente pour le lieutenant.
J'aime toujours autant passer du temps du côté des Four Corners.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
C'était déjà un grand garçon quand il a entendu dire que "la punition doit être adapté au crime" ou entendu parler d' "œil pour œil, dent pour dent". A la place on lui parlait d'une conception différente du châtiment. Si on fait subir un préjudice à quelqu'un, on s'assied avec sa famille, on détermine l'étendue de ce préjudice et on le compense. De cette façon, on restaure hozho. On obtient à nouveau l'harmonie entre deux familles....Si quelqu'un te cause un préjudice par méchanceté, par exemple...On ne t'apprends pas qu'il faut le punir. Il faut le guérir. Lui redonner son équilibre vis-à-vis de ce qui l'entoure. Lui rendre la beauté...
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Sur la carte qui couvrait le mur derrière son bureau, il enfonça une épingle au pueblo de Tano, une autre entre Crownpoint et Thoreau, à peu près à l’endroit où Kanitewa avait habité avec son père. Chee remarqua qu’elles avaient des têtes roses, la même couleur que celles qui étaient déjà enfoncées dans la carte à Thoreau et à l’endroit de Coyote Canyon où vivait Ahkeah. Leaphorn laissa retomber son surplus d’épingles dans leur boîte.
– Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi je fais joujou avec ces épingles ?
– Ouais, répondit Chee.
Il avait entendu parler de la carte de Leaphorn constellée d’épingles dès le premier jour où il avait travaillé dans la police navajo. Le capitaine Largo, son supérieur quand il travaillait sur la région de Tuba City, lui avait dit que Leaphorn s’en servait pour trouver des solutions mathématiques aux crimes qu’il n’arrivait pas à comprendre. Largo était incapable d’expliquer comment cela marchait. Il en allait de même pour Chee.
– Je ne le sais pas très bien moi-même, poursuivit Leaphorn. J’ai pris cette habitude il y a des années. On dirait que des fois ça m’aide à réfléchir. Ça donne une certaine perspective aux choses.

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– Vous en avez fait un peu une sortie entre copains, on dirait, reprit Leaphorn. Un peu comme un pique-nique. Tous les trois ?
– Quatre, corrigea Chee. Asher Davis nous a accompagnés. Vous savez, le gros…
Leaphorn fit une entorse à ses propres habitudes et à la tradition navajo en lui coupant la parole. La journée ne s’annonçait pas bien.
– Le marchand ? Le grand costaud de Santa Fe ?
Chee fit oui de la tête. Sa semaine commençait de manière épouvantable. C’était la première dans ce nouveau poste, et ce serait peut-être aussi la dernière. Et même si c’était le cas ? Il reprendrait son poste précédent de simple policier. Il n’avait jamais été persuadé qu’il pourrait travailler avec ce type. Ce super-flic.
– On dirait que vous avez monté une vraie troupe. Pour attraper ce gosse ?
Les traits de Leaphorn étaient d’une amabilité parfaite.
Chee essaya de l’imiter, mais il sentit que son visage rougissait. Des policiers qui avaient travaillé avec Leaphorn avant que le lieutenant n’ait été affecté à ce nouveau Bureau d’Investigations Spéciales avaient prévenu Chee que le vieux saligaud pouvait faire preuve d’une sacrée arrogance.
– Non, lieutenant, dit Chee. Ça s’est trouvé comme ça. Vous m’avez chargé de le trouver. j’avais décidé de commencer par voir s’il allait se montrer chez lui. Pour la cérémonie. Si c’était le cas, je lui mettais la main dessus et je lui parlais pour savoir où il se cachait et pour lui dire d’appeler sa mamie. Comme vous m’en aviez donné l’ordre. Mademoiselle Pete a voulu voir la danse des kachinas, et elle a demandé à Dashee s’il voulait venir avec nous, et ensuite…
Il laissa son explication en suspens.
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- Je n'ai pas l'intention d'embêter qui que ce soit, déclara-t-il. Ton cher FBI veut que tu lui trouves le gamin. Mon patron m'a ordonné de mettre la main sur lui. Je suis juste censé donner à sa mamie qui est si importante, la possibilité de lui parler de sa fugue de l'école. Alors, comme je te l'ai déjà dit, si je le trouve je t'avertis d'abord et ensuite j'en parle à mon patron.Toi tu le dis au FBI à Albuquerque, en mon chef en réfère à la mamie qui est membre du Conseil Tribal. Après, je peux me remettre à faire quelque chose d'utile. Et tout le monde est content.
Harold Blizzard n'avait pas l'air content.
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Même quand le film avait été tourné au sud de Gallup et qu'on savait que les Cheyennes étaient en réalité des Navajos qui se faisaient un peu d'argent pour s'acheter de la bière en jouant les figurants, ils se voyaient parés de la gloire du guerrier sous ces bonnets à plumes. Quand avec ses amis du pensionnat, ils jouaient aux cowboys et aux Indiens, les Indiens étaient toujours des Cheyennes. Ce n'était pas un complexe dont il avait pu se débarrasser entièrement en grandissant. Aux yeux de Jim Chee adulte comme à ceux de Jim Chee enfant, le Cheyenne était l'archétype de l'Indien.
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