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Critique de Yassleo


Fuck America. Je traduis? Parce que ça ne me gêne pas de rendre service, j'ai fait anglais première langue : Brian is in the kitchen and fuck America. Première leçon si je ne m'abuse.
Bon, pas de Brian ici. Juste Jakob Bronsky. Fils de Nathan, celui qui fuck l'Amérique. Why me direz-vous? Because serais-je tentée de répondre.

La famille Bronsky est allemande, de confession juive. Dommage, car elle vit précisément dans les années 30-40 en Allemagne, à l'ère où fait pas bon être juif. Car le nazi a dit : le juif tu haïras, le juif tu brimeras, et sur le juif tu t'acharneras. Pourquoi? Parce qu'un p'tit hystérique, moustache proprette et raie soignée, était tout colère? Allez savoir. Mais je m'égare.

Bronsky père a mis du temps à comprendre, persuadé qu'on leur ficherait vite la paix aux juifs. Mais perdu. Même joueur joue encore : devant l'urgence de sauver sa famille des griffes du loup hitlérien, il demande alors asile auprès des States. Mais quota oblige, et file d'attente digne d'un premier jour de soldes, pas possible de poser la deutsche savate sur le sol américain avant début des années 50. La famille ne débarquera donc qu'en 1953 aux USA. Après les soldes. Fuck America.
Le roman se situe en cette année, du point de vue narratif de Jakob, le fils alors âgé de 27 ans (qui n'est autre qu'Edgar Hilsenrath himself).
Jakob survit, fraude et ne bosse que ce qu'il faut pour subvenir à l'essentiel de ses besoins : se loger, se nourrir, baiser. Et consacre son temps libre à écrire, dans un coin de la cafèt' des migrants, son bouquin salvateur et curatif au titre prometteur : le Branleur. Seule l'écriture lui permettra de se (re)construire.

Dialogues hors-normes, humour grinçant, et situations saugrenues : pas mieux pour témoigner de la rapide déconvenue sur l'American Dream. Roman largement autobiographique, Edgar Hilsenrath s'y dévoile, avec un ton détaché, un regard désabusé, froid, et un style sans détour. Ecriture à la Bukowski, la bibine en moins, le langage est souvent cru et le sexe tient bonne place. Mais derrière cette vulgarité et cette apparente désinvolture se cache un homme délicat, certes paumé et bonimenteur, mais troublant de sincérité.
Eeeet ouais! Y a pas que le zob à Jakob, y a son ptit coeur aussi. Et il faudra attendre les quatre derniers chapitres pour enfin connaître l'histoire de Jakob-Edgar vécue pendant la guerre.

Difficile toutefois de faire la part entre fiction et réalité dans cette oeuvre romancée. Lire une bio rapide d'Edgar Hilsenrath permet de démêler un peu tout ça. Ou lire le Branleur peut-être (alias Nuit du même auteur).
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