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Yves Malartic (Autre)
EAN : 9782264006066
10-18 (08/07/2006)
4.25/5   34 notes
Résumé :
Par un jour de printemps de l'année 1943, c'est à Los Angeles, en Californie, que l'on aurait trouvé le plus heureux des hommes -Lee Gordon que le comité syndical vient d'engager pour recruter de, adhérents parmi les ouvriers noirs employés à la Conrstoch Aircratt Corporation. Il obtient pour la première fois un poste cor-respondant à ses aptitudes et à ses diplômes universitaires.
L'obstacle qui l'a empêché jusqu'à présent d'accéder à un poste digne de son i... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
La Croisade de Lee Gordon (ou La Croisade solitaire) est le livre le plus intime de Chester Himes. Lors de sa publication en 1947, sa femme Jean le menaça de divorcer, car elle se reconnaissait trop dans la femme du héros Ruth Gordon.

Le livre traite du mur intérieur et extérieur que représente la ségrégation raciale et expose comment Lee Gordon, jeune noir américain, se cogne à ce mur sans jamais pouvoir le détruire, même en s'engageant dans les mouvements politiques les plus progressistes, même avec tout l'amour des femmes et la fidélité de ses amis.

Cela rend un son de tragédie antique. Quoique fasse le héros il est marqué par son destin, matérialisé dans la couleur noire de sa peau. Fils de la malédiction qui pèse sur sa race, Lee est paradoxalement libéré face à toutes les conventions sociales, les idéologies, les discours, les prétentions des divers groupes politiques.

Pourtant il n'est pas cynique. Il travaille pour un des syndicats qui tentent de rassembler les ouvriers à Los Angeles, en 1943. Il est chargé de recruter et d'organiser les travailleurs noirs. Tout pourrait marcher à peu près correctement, mais bientôt il se confronte à l'immoralisme des dirigeants locaux du Parti Communiste qui veulent noyauter le syndicat et n'hésitent pas à sacrifier les leurs si cela peut servir la cause du parti. Lee refuse d'accepter cette forme de réalisme politique, mais le parti demeure de toute façon plus fort que lui.

Car le drame de Lee Gordon c'est qu'il est isolé, comme sans doute tout être humain sur cette Terre. le syndicat, le parti, ne résolvent pas cette réalité fondamentale. En somme L.G. n'est pas seulement un noir. C'est aussi un individu et comme tel il ne se reconnaît dans aucune cause commune. Ici c'est l'individualisme américain qui résiste à l'idéologie socialiste et communautariste.

L'homme cultivé qu'est Chester Himes est profondément individualiste. Certes la cause des noirs, celle des travailleurs, celle des femmes – toutes ces causes le touchent. Mais au-delà, il demeure un individu et est très conscient de l'être. C'est sa fierté d'intellectuel non conventionnel et non aligné. C'est surtout son unique façon de s'affirmer comme un être humain, par-delà toutes les ségrégations et les divisions sociales.
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Je n'avais lu de Chester Himes et il y a longtemps, que La « Reine des pommes » et il ne m'en était pas resté un grand souvenir, surement parce que n'y avais pas retrouvé l'ambiance et les figures du Roman Noir qui m'étaient familières dans les récits de Chandler, Goodis ou J.H Chase.
Avec ce livre ci , je réalise que je suis passé complètement à coté de cette première lecture.
« La Croisade de Lee Gordon » ou « La croisade solitaire » est tout simplement un livre extraordinaire, un vrai choc de lecture.
D'abord par son incroyable acuité et lucidité politique.
Et c'est justement en ne s'embarrassant pas du folklore des personnages habituels, des outrances et provocations de rigueur , que Chester Himes en grand styliste sans afféteries, parvient à épurer sa ligne , son trait, pour livrer bien mieux que le spectacle d'une violence complaisante et théâtralisé, celui infiniment plus dévastateur et dérangeant , de la violence symbolique tant sur son versant social que racial.
Ici Lee Gordon , jeune noir fraichement diplômé, déclassé au point de végéter au mitan de la 2nd guerre mondiale dans une usine d'armement aérien, et désireux de s'investir dans une carrière de syndicaliste , va non seulement se trouver en but au mépris de classe de sa hiérarchie mais va devoir affronter hostilité , et manipulation là ou il ne la soupçonnait pas.
C'est la ou Chester Himes frappe infiniment fort, dans cette façon limpide et implacable de mettre à jour l'instrumentalisation d'un individu déjà stigmatisé et isolé, par une direction syndicale opportuniste et trouble et un Parti Communiste américain, stalinolatre, converti à l'effort de guerre, et dans ce contexte peu réceptif aux désirs d'émancipations sociales et raciales.
Comme si ce racisme qui ne pas dit pas son nom, ne suffisait pas , Lee Gordon doit aussi en découdre avec sa communauté, démobilisée et désorientée, rongée par le sentiment de la haine de soi .
Dans ce tableau toujours actuel du marché de dupes entre les acteurs du mouvement social les minorités racisés, rien ne semble pouvoir échapper pour C.H, du moins en 1947 , à la désespérance la plus totale si ce n'est peut etre , la satisfaction que procure la lucidité du regard et de l'analyse ressort et levier pour réinventer un véritable projet de transformation sociale.
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Californie, début des années 1940. L'effort de guerre redonne du souffle à l'industrie, les usines -notamment d'armement- tournent à plein régime.
Lee Gordon, un noir instruit, que sa fierté l'a incité à refuser les seuls emplois de tâcheron qui lui étaient sempiternellement proposés, vient d'être embauché comme organisateur pour le conseil syndical, sa mission consistant à recruter des travailleurs noirs pour le syndicat, en faisant appel à leur "sentiment de race".
Car si dans les consciences ouvrières s'élèvent peu à peu le désir de revendiquer de meilleures conditions de travail, il est plus compliqué de convaincre les noirs de s'impliquer dans quelque activité risquant de leur porter tort, et de leur faire perdre un emploi parfois durement obtenu.

L'Amérique de Chester Himes est en effet une nation raciste, fasciste, où les noirs sont toujours les derniers embauchés, et aux postes les moins enviables, où les lynchages font planer sur la communauté "nègre" un sentiment d'insécurité permanent. Stigmatisés même dans les manuels d'histoire scolaire, où ils sont décrits comme des sauvages, des païens, voire des cannibales, on leur inculque ainsi dès le plus jeune âge la conviction de leur infériorité, les blancs étant à l'inverse convaincus de leur supériorité naturelle.
Cet endoctrinement insidieux place les rapports inter raciaux sous le signe d'une domination exercée par les uns, et subie par les autres, et condamne quasi systématiquement les noirs à l'échec permanent, en leur interdisant tout droit à l'intégrité, et à la reconnaissance de leur valeur et de leur singularité en tant qu'individus.

Lee Gordon est obsédé par par cette notion de domination, dont il se torture psychologiquement à tenter de comprendre les causes. Qu'est-ce qui manque aux noirs ? Comment est-il possible de les maintenir sous ce joug séculaire et cruel ? Lui-même est conscient d'adopter parfois un comportement qui répond à ce que la société attend de lui selon le critère de sa couleur. Sans cesse réduit à cette couleur par les autres, il en vient également à décrypter tout événement, toute attitude, sous le prisme de l'antagonisme noirs/blancs, parfois à tort, parfois à raison... Il encaisse certains affronts, certaines humiliations, pour s'en mépriser aussitôt, pris d'une rage qui le consume.

Oscillant entre la colère de devoir prouver en permanence qu'il est un homme, et une sorte de fierté obstinée, il est surtout hanté par une peur insurmontable... peur de ne pas être à la hauteur, notamment en tant que chef de famille. En effet, pour assurer leur subsistance, Ruth, sa femme, travaille, ce qu'il a du mal à accepter. Atteint dans son amour-propre, il reporte sa frustration sur Ruth, avec qui il se montre parfois brutal. Les préjugés, les vexations et surtout la crainte, ont sapé la confiance et le respect mutuel qui unissaient les deux époux.

Sa mission pour le syndicat, si elle représente dans un premier temps pour Lee une reconnaissance de sa valeur, lui offre rapidement de nouvelles occasions de conflits intérieurs. Manipulations, alliances opportunistes, faux amis et impuissants alliés... dans cet univers ou il convient de ruser, de louvoyer sans cesse pour ne froisser personne, où accorder actes et principes moraux relève de l'utopie, l'entêtement De Lee à refuser toute compromission susceptible de remettre en cause son intégrité passe mal.

Les épreuves seront nombreuses, et le chemin difficile, avant qu'il finisse par comprendre qu'être noir est un fait, que ce n'est en soi un motif ni de honte ni de fierté, et que cela ne doit surtout pas être la justification à tous ses actes. Il lui faut aussi accepter le fait que se positionner en tant que victime est un choix, dont il est le seul maître.

Le roman de Chester Himes est centré sur son personnage principal, dont il décortique les pensées, les émotions, nous révélant l'ampleur de la souffrance qui hante son esprit torturé, et des névroses que provoque la politique de terreur raciale. le contexte dans lequel il évolue est dépeint sans manichéisme, ni aucune complaisance, l'auteur analysant avec une rare acuité les relations et les comportements qu'induisent une société discriminatoire.

Aussi, si "La croisade de Lee Gordon" pourrait être qualifié de roman historique, politique, et social, c'est avant tout à mon sens un roman psychologique.

Il est par ailleurs empreint d'une forte dimension tragique : l'attitude intransigeante De Lee, son désespoir rageur, ne peuvent que mener au drame... et le lecteur ne peut, impuissant, qu'assister au combat désespéré de cet homme qui, s'il ne nous est pas vraiment sympathique, finit par forcer le respect.

Un roman qui, par de nombreux aspects, est toujours, malheureusement, d'actualité...
Lien : http://bookin-ingannmic.blog..
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La croisade de Lee Gordon a été écrit et publié en 1947, traduit en français en 1952. C'est le second livre de Chester Himes après S'il braille, lâche le et le moins qu'on puisse dire, c'est que, si à ce stade de sa carrière littéraire, il se cherche encore en partie, par contre, pour ce qui est du contenu, ça foisonne d'idées et de thèmes : les communistes américains, les syndicats et leur rapport avec les premiers, la situation des noirs dans un monde dirigé par des blancs, le rapport qu'un male noir peut entretenir avec sa femme noire et le fantasme de la femme blanche, tout cela bien sûr abordé à travers l'histoire et la vision du personnage central Lee Gordon.
Comme dans S'il braille, la plupart des événements rapportés ici sont de nature autobiographique, à tel point que sa femme Jean, en lisant le roman, fera une dépression en se reconnaissant de manière trop explicite dans Ruth, l'épouse légitime noire de Lee Gordon. Elle ne sera pas la seule avec qui Chester se fâchera suite à ce roman, en fait à peu près toutes les catégories citées précédemment : il faut dire que l'image que donne Chester des associations, partis politiques et même simplement communautés est fidèle à son individualisme forcené. Pour lui, tous ces gens qui s'agitent pour changer la société sont prêts à sacrifier l'individu à la cause commune et surtout à instrumentaliser les souffrances des minorités noires pour gagner des adhérents, des élections et autres sujets de prédilections des meetings révolutionnaires.
Mais tout cela est factuel, et l'essentiel est ailleurs : les tourments existentiels de l'homme noir obsédé par la possession et même l'humiliation de la femme blanche, comme une forme de revanche mais en même temps d'incapacité – symptomatique de l'incapacité de toute la communauté noire - à surmonter un complexe d'infériorité que la société américaine de l'époque crée et valide. le noir, victime évidente du racisme de l'époque, y compris dans les milieux ouvriers, est en même temps acteur de son infériorité par sa propre attitude : autant dire que ce message passera mal auprès de la communauté noire, de même que la misogynie outrageuse de Chester Himes (il dit dans ses mémoires « La seule façon de faire entendre raison à une Blanche, ou à n'importe quelle femme d'ailleurs, c'est de la cogner »).
Comment sortir de ce cercle vicieux, Chester ne donne pas vraiment de réponse dans ce roman (le final en faveur de l'action syndicale et politique m'a paru assez peu crédible), mais sa propre vie et son départ pour aller vivre en Europe quelques années plus tard sera, à mon sens, la réponse claire d'un individualiste : changer de société plutôt que de changer la société – ce qui ne signifie pas pour autant qu'on laisse ses problèmes sur place…
Au final, un livre complexe et passionnant – dont je livre mon interprétation personnelle, confuse et discutable certainement – mais un livre qui me confirme dans l'idée que Chester Himes est un auteur d'une grande originalité et bien supérieur à que ce que sa production de romans policiers chez Gallimard à partir de la fin des années 50 pourrait laisser penser.
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Du vrai concentré de réalisme !!! La vraie littérature relatant la souffrance humaine.
Un Chester Himes Magistral.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Lee Gordon reconnut immédiatement la vielle tactique politique employée à l'égard des noirs depuis des temps immémoriaux - donnez leur quelque chose à perdre, des miettes , une misère et en acceptant ils ne se rendront pas compte de tout ce dont on veut les déposséder. (...) Donnez leur un général dans l'armée , songea Lee Gordon et ils vous mangent au creux de la main pendant qu'ils traiterons comme des chiens des centaines de milliers d'autres Noirs en uniforme.
Accordez leur un comité anti - discriminatoire sans pouvoir et ils vénéreront en vous le grand chef blanc, sans meme se rendre compte que si vous n'aviez pas négligé d'imposer des conditions régissant les contrats gouvernementaux , il n'aurait pas été nécessaire créer un comité anti- discriminatoire
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Rester seule : impossible ! Un homme : lequel? Il en existait un, mais elle ne voulait même pas penser à lui.
Et dans cette terrible Solitude, elle tendait toute sa volonté pour dominer le sort. "Que quelqu'un m'appelle au téléphone !... Que quelqu'un m'appelle au téléphone !" Repetait-elle. Et son cœur ne demandait pas plus : quelques mots de qui que ce soit. A minuit personne ne l'avait appelé. Nul ne s'intéressait à elle. Elle se retourna sur elle même, écrasa l'oreiller sous son visage, et pleura, toute seule, dans la nuit.
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S'il ne gagne pas vingt mille dollars au moins, un Nègre a moins de prestige et n'est pas aussi sur du lendemain que le Blanc qui gagne seulement cinq mille dollars. Pourquoi? Tu le sais : parceque le Nègre est convaincu que, même s'il vaut deux fois plus qu'un Blanc, on le considèrera encore comme un être inférieur. Inutile d'essayer de le nier. C'est ainsi. Le Nègre ne se sent l'égal du Blanc que si le Blanc se résoud à le considérer comme tel. Pour que le Blanc en arrive là, il faut que le Nègre soit son supérieur et que le Blanc s'en rende compte.Voilà pourquoi, dans un mouvement démocratique, le Nègre constitue toujours un problème.
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- Le problème noir ne peut être dissocié du problème des masses. Vous n'avez pas de problème spécifique. Et la Russie est le seul pays au monde ou les droits de l'homme passent avant le droit de propriété. Tant que la Russie sera - forte , l'espoir existera pour les masses.
- Pas pour les Nègres en Amérique. Notre seul espoir est ici, ou l'influence de la Russie sera toujours dénuée de sens.
- Tu ne sais rien des implications internationales de cette guerre ...
- Et je m'en fous !
-
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Il lui avait fallu un certain temps pour comprendre l'attitude des travailleurs noirs en vers le syndicalisme. C'était un étrange mélange d'antipathie instinctive et d'espoir démesuré. Car tandis que la froide logique leur disait que le syndicat était également une barrière raciale, leur profonde aspiration à la démocratie les incitait à en attendre non seulement l'occasion de participer pleinement mais également une considération spéciale, des privilèges.
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Quel écrivain américain, ancien taulard, a su capter l'âme du petit peuple de Harlem tout en alertant sur la ségrégation dans un polar où l'on retrouve une reine et une pomme ?
« La reine des pommes », de Chester Himes, c'est à lire en poche chez Folio.
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