Une plongée fascinante dans un monde original et inconnu. Quand on dit guerres indiennes, en général cela évoque les Sioux et Little Big Horn. Parfois les Apaches, occasionnellement, les Séminoles ou les Nez-Percés. Mais les Comanches font partie du No mans Land des dizaines de tribus indiennes dont on a vaguement lu le nom quelque part, et dont on se contente de supposer qu'ils avaient la peau rouge et qu'ils portaient des plumes.
Au travers de ce livre, c'est une nation saisissante qu'on découvre. Un peuple qui régna sur un véritable empire dans les grandes plaines, lança des raids de pillage dans tout le nord du Mexique et jusqu'à trois-cent kilomètres de Mexico, domina le commerce et l'économie dans une gigantesque zone, avala d'autres tributs pour créer un empire pluriethnique… Puis disparut en deux décennies sans laisser la moindre trace. Il est vrai que les Comanches s'avèrent paradoxaux.
Régnant sur un immense empire, ils n'eurent jamais d'autorité centralisée. Divisés en plusieurs tributs, ils disposaient d'institutions politiques complexes fonctionnant sur le compromis. Peuple de chasseur spécialisés dans l'exploitation du bison, ils contrôlaient cependant d'énormes réseaux commerciaux. Culture naturellement guerrière, ils s'effondrèrent pratiquement sans livre bataille.
Mais commençons par le commencement. Au début du XVIIème siècle, les grandes plaines du sud des Etats-Unis étaient peuplées de petits villages agricoles apaches, quand deux nouveaux venus firent simultanément leur apparition. le premier, venu du sud, était un quadrupède à l'air bonnard accidentellement introduit par les Européens : le cheval. le deuxième, venu du nord, était un petit groupe de Shoshone fuyant la famine : les Comanches. La rencontre entre les deux fut explosive. La domestication du cheval leur ouvrit de gigantesques perspectives. Les immenses troupeaux de bisons devenaient soudainement des proies faciles. Les grandes migrations étaient rendues aisées. La guerre prenait une nouvelle dimension.
Les Apaches ne leur résistèrent pas longtemps. Les Espagnols, qui occupaient un arc allant du Texas au Nouveau-Mexique, devinrent la proie de leurs raids de pillages. Volant les chevaux, enlevant les habitants pour en faire des esclaves, les Comanches savaient aussi commercer, exiger des tributs ou des rançons, accepter la paix en échange de cadeaux. Très vite, ils devinrent dépendants des produits manufacturés : armes (fusils, couteaux), outils en fer (haches, scies, marmites), textiles, produits de luxe. Ils nouèrent des réseaux commerciaux et des alliances pour maintenir leurs approvisionnements. Leur chute, brutale, fut certes l'oeuvre de l'homme blanc, mais également la conséquence de la surexploitation de leur écosystème.
Un livre passionnant, très agréable à lire, précis et objectif, analysant aussi bien les aspects économiques que militaires et social. A découvrir si vous voulez comprendre le monde des indiens des plaines.
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Oubliez "Danse avec les loups", ce livre nous donne un tout autre visage des tribus indiennes, par ailleurs très nombreuses et fort différentes les unes des autres. Ca reste un travail d'historien très complet mais facilement lisible pour un profane qui s'intéresse à l'histoire. Attention, quand on parle d'histoire, on ne parle pas de celles, romanesque, des rois et des courtisanes. On aborde la société dans son ensemble, dans ses aspects économiques, politiques, administratifs.
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Travail d'historien s'adressant à des historiens ...
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C'est un livre passionnant qui raconte l'ascension fulgurante d'un empire inconnu et sa chute [...] et raconte de manière envoûtante une histoire qui oscille entre enthousiasme et répulsion.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Loin de se limiter à réviser l’histoire d’une tribu, […] Empire comanche propose en effet une réécriture magistrale de tout un pan de l’histoire américaine ignorant les actuelles frontières nationales.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
Les Comanches avaient une approche essentiellement commerciale du pillage : ils le considéraient avant tout comme un acte de production, un moyen d'alimenter leur économie pastorale à vocation commerciale en chevaux, mules et ânes. Ils contrôlaient l'ampleur de leurs opérations de pillage pour assurer un rendement soutenu et éviter ainsi de vider des régions entières du Texas et du Nouveau-Mexique de leurs chevaux et de leurs mules, laissant aux ranchs et aux fermes suffisamment de bêtes pour maintenir une production durable de bétail. Cette stratégie était évidente au Texas, où ils menèrent des raids lucratifs des années 1760 jusqu'au début des années 1830, époque à laquelle les rendements en baisse de cette activité les obligèrent à se tourner vers le sud du Rio Grande. Bref, les ranchs, les missions et les implantations espagnoles et mexicaines étaient pour les Comanches une ressource économique qu'il fallait exploiter certes, mais non détruire. Aussi ironique que cela ait pu sembler aux contemporains espagnols et mexicains, le Texas fut durant près de trois quarts de siècle un réservoir de bétail soigneusement géré au plus grand profit de la Comancheria.
Afin de dépasser les histoires verticales conventionnelles qui évoquent les Indiens soit comme des seconds rôles dans le cadre des luttes impériales, soit comme les victimes tragiques de l'expansion coloniale, les chercheurs contemporains les dépeignent comme des acteurs historiques à part entière, qui jouèrent un rôle fondateur dans l'histoire des débuts de l'Amérique moderne. Plutôt qu'une séquence homogène, préordonnée, la colonisation des Amériques est désormais considérée comme un processus dialectique qui créa de nouveaux mondes pour tous ceux qui y furent impliqués. Les sociétés indigènes ne disparurent pas purement et simplement sous l'assaut des Euro-Américains. Nombre d'entre elles s'adaptèrent et résistèrent, reconstruisant de nouvelles économies et de nouvelles sociétés à partir des fragments des anciennes. Les Indiens se battirent et résistèrent, mais ils coopérèrent aussi et coexistèrent avec les nouveaux venus, créant ainsi de nouveaux mondes hybrides qui ne furent jamais ni complètement indiens ni complètement européens.
Les décennies de raids comanches au Texas et dans le nord du Mexique – qui à partir des années 1820 coïncidèrent avec les pillages apaches au Sonora, au Chihuahua et au Durango – eurent un héritage continental durable. L'escalade de la violence laissa le Mexique dangereusement faible durant les années critiques de son histoire, car elle se superposa à une pression accrue des États-Unis sur les frontières mexicaines. Les conséquences furent désastreuses pour la république vacillante : entre 1835 et 1848, le Mexique perdit plus de la moitié de son territoire au profit des États-Unis. Les historiens attribuent ordinairement la capitulation du Mexique à la supériorité militaire et matérielle évidente des États-Unis, mais ils ont ignoré un élément crucial : l'expansion des autochtones avait ouvert le chemin à celle des Américains. L'occupation du Sud-Ouest par les États-Unis fut particulièrement facilitée par le fait que les Comanches et les Apaches avaient déjà déstabilisé l'extrême nord du Mexique.
L'histoire des peuples est souvent écrite du point de vue des vainqueurs. C'est encore plus vrai pour les Amérindiens qui, du Nord au Sud, ont fait face à une forme d'apocalypse qui a failli les emporter dans les oubliettes de l'histoire. Comment écrit-on l'histoire de peuples qui ont été violemment colonisés, trop souvent considérés comme des sauvages et réduits au silence ? Comment changer le regard faussé que nous avons longtemps porté sur leur histoire et leurs cultures ? de quelles sources disposent les historiens ?
Pekka Hämäläinen, Charles C. Mann et Andrés Reséndez