Un message n'est pas délivré tant qu'il n'est pas compris.
Il secoua la tête d'un air apitoyé. "Plus que tout, c'est ça que je n'ai jamais compris chez vous : vous jouez aux dés et vous comprenez que le sort du jeu puisse dépendre d'un seul jet ; vous vous distrayez aux cartes et dites que la fortune amassée en une soirée peut partir en fumée sur un pli. Mais un homme, ça, vous le reniflez d'un air dégoûté et vous laissez tomber : quoi, ce néant d'humain? Ce pêcheur, ce charpentier, ce voleur, cette cuisinière, allons, mais qu'est-ce que ces gens là pourraient bien accomplir dans le vaste monde ? Et, telles des chandelles dans un courant d'air, vous vivez de petites existences crachotantes, vacillantes.
- La gloire n'est pas pour tout le monde, observai-je.
- En es-tu sûr, Fitz ? En es-tu sûr ? A quoi bon une petite vie qui ne change rien à la vie du monde ? Je ne conçois rien de plus triste. Pourquoi une mère ne se dirait-elle pas : Si j'élève cet enfant, si je l'aime, si je l'entoure d'affection, il mènera une existence où il dispensera le bonheur autour de lui, et ainsi j'aurais changé le monde ? Pourquoi le fermier qui plante une graine ne déclarerait-il pas à son voisin : Cette graine que je plante nourrira quelqu'un, et c'est ainsi que je change le monde aujourd'hui ?
- C'est de le philosophie, fou. Je n'ai jamais eu le temps d'étudier ces choses là.
- Non, Fitz : c'est la vie. Et nul ne peut se permettre de ne pas y penser. La moindre créature doit en avoir conscience, songer au moindre battement de son coeur. Sinon, à quoi sert de se lever chaque matin ?
Si la botte ne va pas, impossible de la porter, quel que soit le cordonnier qui l'a faite.
N'y pense pas. Fais-le, c'est tout. Même respirer devient difficile lorsqu'on se concentre sur chaque respiration.
Un message n'est pas délivré tant qu'il n'est pas compris.
Le trait le plus distinctif de ton style au combat, c'est ta façon effarante d'y survivre.
On peut apprendre certaines choses d'une page de livre, mais il est des savoir-faire qui s'acquièrent d'abord par la main et le coeur, et ensuite seulement par la tête
Burrich m'avait protégé ; Umbre aussi, et même Vérité, à sa façon ; et, naturellement, Subtil m'avait fait jurer allégeance très tôt. Mais tous, chacun à sa manière, avaient à gagner à ma survie. Même Burrich aurait considéré comme un camouflet que je me fasse tuer alors que j'étais sous sa garde. Seule cette femme, qui aurait eu toutes les raisons de me détester, était venue assurer ma protection pour moi-même. Souvent, elle se montrait tête en l'air, indiscrète, voire parfois excessivement agaçante ; mais, lorsque nos regards se croisèrent, je sus qu'elle avait abattu la dernière muraille que j'avais maintenue entre nous. Je doutais fort que sa présence eût découragé si peu que ce soit les mauvaises volonté pour me nuire ; son intérêt pour moi avait dû constituer pour Royal un rappel constant de mon ascendance. Cependant, ce n'était pas le geste, mais l'intention qui m'émouvait. Elle avait renoncé à son existence paisible, à ses vergers, à ses jardins et à ses bois, pour s'installer ici, dans cet humide château de pierre juché sur des falaises au-dessus de la mer, dans une cour remplie de gens qui ne l'intéressaient pas, pour veiller sur le bâtard de son époux.
Il y avait de l'apaisement à regarder le malheur en face et à dire : "Je te connais. Tu m'as fais du mal, tu m'as presque tué, mais je suis toujours vivant. Et je vais continuer à vivre".
Je connais peu d'hommes assez patients pour empoisonner une bouteille de vin, puis la mettre à vieillir.