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EAN : 9782843983955
64 pages
Apogée (05/10/2011)
5/5   1 notes
Résumé :
Recueil de notes prises au quotidien par l’auteur auprès de son fils luttant contre la maladie. Il raconte le combat, les soins, l’espoir, les doutes, les livres qui aident à aller de l’avant, les rencontres, les projets en cours et la vie qui continue malgré tout.
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Olivier Hobé, le Journal d'un haricot, Editions Apogée – le journal que le poète Olivier Hobé nous livre aujourd'hui commence le 3/8/2007 et se déploie sur un peu moins d'un an. le père raconte un moment de l'histoire de Q., 15 ans, que l'initiale va seule désigner tout au long de cette étrange chronique. On ne connaîtra son prénom, Quentin, qu'à l'ultime page, la plus noire, la plus bouleversante, la seule que le ton, un mixte d'ironie et de feinte froideur, de burlesque aussi, cette manière de parler des choses graves de façon légère, voire triviale, ne parvient plus à sauver : « Je respire du Quentin, sa maladie me bouffe, m'envahit, je le sens, je le renifle, il n'a jamais été aussi proche de moi… »

Avec l'apparition du prénom qui surgit ainsi in extremis dans le dernier paragraphe le narrateur se libère et on peut penser que si le journal s'interrompt ce 26/6/2008, de façon aussi brutale, arbitraire, du moins quant à l'évolution de la maladie, c'est parce que les digues sont sur le point de lâcher, que le pathos ou même seulement le lyrisme, ce « développement d'une exclamation » comme le définissait Valéry, un lyrisme douloureux qu'il s'est refusé jusqu'à présent à laisser sourdre, remonte soudain et s'apprête à le traverser, à le vaincre.

Un mois auparavant, en juillet donc, on a diagnostiqué à son fils aîné un neuroblastome. Cette forme rare de cancer de l'enfant qui se développe à partir du tissu nerveux sympathique se caractérise par la présence d'une tumeur solide extra-crânienne. En l'occurrence, c'est dans le ventre de l'enfant qu'une sorte de « boule en bois » grosse comme une « orange » s'est installée, c'est de là qu'on devra l'extraire.

La première page est un écran, le générique de départ s'y affiche d'emblée: « bloc », « biopsie », « opération », « chirurgienne », le décor est planté. Bientôt suivront les « chimio » puis la radiothérapie en même temps que le « haricot » du titre et qui revient à quatre reprises dans le texte sera explicité : « On danse ici une valse à mille temps avec dans les bras des haricots de métal ou de carton. » On l'aura compris, le haricot désigne métaphoriquement ce récipient qui ressemble un peu aux plats à barbe d'autrefois mais aussi et de façon plus rigoureuse à la graine du légume sec qu'on connaît. le haricot d'hôpital contient les instruments dûment stérilisés du chirurgien. Précisons toutefois que dans sa dernière occurrence, le mot retrouve sa signification propre, originelle pour désigner cette fois la tumeur enfin résorbée. « le haricot de Q. paraît mort…il est invisible cette fois, et il n'y a plus aucune raison de lui ouvrir le ventre à nouveau. »

Mais aujourd'hui, à l'hôpital Morvan de Brest l'opératrice s'apprête à prélever les « deux centimètres cubes de mort vivante » qu'on soumettra à l'analyse. Ajoutons que dès la page d'incipit aussi, ce ton très particulier, très singulier est en place et donne le la. Alors que l'auteur a passé le pont de Recouvrance et se trouve par hasard devant la devanture d'un magasin de jouets pour enfants, son commentaire est déjà tout un programme : « Jeux Jouets Modèles, plus décalé tumeur. » On n'est pas très loin du « Je suis à Dubois dont on fait les cercueils » de Corbière. L'humour noir, André Breton dans une Anthologie célèbre l'avait bien vu, est souvent le plus efficace des antidotes.

Journal d'une maladie donc, journal de bord aussi et pas seulement celui d'un père affecté et dans ce Gethsémani de plastique et de verre, « triste jusqu'à la mort » mais d'un quotidien et d'une « vie ordinaire » qu'il faut bien assumer. Si du repassage des chaussettes qui donne lieu à un développement hilarant sur la mise en équation entre le nombre de neuroblastomes et celui des chaussettes à repasser, sur « l'énergie folle » aussi qu'engendre le « progrès médical » jusqu'au « Merde le linge » qui clôt la journée du 23 septembre cet ordinaire est naturellement lié à la maladie et au malade, certaines journées ne mentionnent ni Q. ni le protocole en cours. Dérives prophylactiques, trouées d'oxygène. Catharsis. « On écrit par hygiène, disait Michaux, pour sa santé. » Olivier Hobé, comme Deleuze dans ceux du « désir » écrit dans les trous de sa vie.

Ce journal ainsi n'a rien d'un huis-clos. On s'y déplace beaucoup du Haut-Bois où vit l'auteur, sur les hauteurs de Pont-Aven, à Brest, à Rennes ou à Châteaulin, ou encore à Cleut-Rouz, près de Fouesnant chez la mère des enfants pour ne rien dire du Camping de la Fresnerie où le père et le benjamin, le biduric, comme il l'appelle, ont loué un mobil-home. le « blues vendéen », cette « sorte de para-vie, une absence de désir qui se répand à la vitesse du son, un vent poétique qui vous évite soigneusement » y règne en maître et nous vaut une demi douzaine de pages qu'on croirait venues d'une sorte d'avatar moderne de Huysmans mais le plus gris, le plus désabusé, le plus caustique, celui du « terre à terre de l'âme », celui d'En Rade.

Sont mentionnés les travaux en cours, ce poème sur les ruines de Rustéphan par exemple qui paraît effectivement sous l'hétéronyme de Benjamin Duval dans le numéro de novembre 2007 de Trémalo, la belle revue fantasque et qui « ne mange pas de ce pain là » aux destinées de laquelle il préside ou le texte sur François Boulic, Boulig coz son « héros » et dont quelques extraits de la « vie romancée » paraissent eux aussi dans la revue. On trouve dans le numéro daté de mai 2008 et sous le masque de Benjamin Duval de nouveau, quelques extraits du Journal.

Beaucoup de bistrots aussi, de lectures du moment et d'amis comme les peintres Jean Tirilly ou René Barraud. Ils passent, souvent dissimulés derrière l'initiale ou le prénom. La journée du 16 décembre 2007 est toute entière consacrée à Jacques Josse désigné seulement par son prénom, tout comme Gil, Alain, Marc et d'autres dont on devine aisément l'identité. Les événements contemporains comme l'exposition Yves Tanguy au musée de Quimper ou tel match de football ou encore, à Quimper toujours une manifestation pour la pérennité de l'hôpital de Carhaix, une invitation pour « le concert d'un trio répondant au disjoncté nom d'EDF (Ewen, Delahaie, Favennec) » ou même les états d'âme de Blanchette, sa chèvre, scandent les jours, organisent le temps.

Et puis il y a la rage, cette colère froide qui découpe le réel au scalpel, des images à grand écart, des glissades « automatiques » où perce l'héritage des surréalistes dont il est proche mais des oiseaux aussi, des fleurs et des arbres. On trouvera même, au Passage du Gois, à Noirmoutier, une belle pêche de palourdes à marée basse.

Même si de son propre aveu cet ouvrage aura assouvi un désir déjà ancien de « journaliser » et que la rencontre du « thème », aussi tragique soit-il tient du miracle, ce journal est d'abord un livre de poète et d'une grande écriture, originale, inclassable, maîtrisée. Pour certaines connivences secrètes et malgré les différences évidentes, on le rangera auprès de ceux de deux autres bretons, entre le fils de Michel Rostain et cet admirable journal sans date qu'est l'Ardoise magique, l'ultime opus de Georges Perros.

Marc le Gros

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« Je respire du Quentin, sa maladie me bouffe, m'envahit, je le sens, je le renifle, il n'a jamais été aussi proche de moi. On me regarde écrire. Dans un café, on se rend compte de la solitude des loutres. Il me semble être l'une d'elles ». Ainsi s'achève, dans une langue horizontale tendue comme la moire, tirée au cordeau, où presque rien ne dépasse, mais qui ne rompt jamais sa texture sensible, le Journal d'un haricot qu'Olivier Hobé a tissé de notes prises au quotidien.

Un drôle de titre, qui pourrait, de prime abord, dérouter le lecteur friand de mises en bouche truculentes. On s'attend à parcourir un énième conte de la collection Milan Jeunesse, mais sûrement pas le récit d'une loutre tentant de se tenir au plus près de celui qui, le plus souvent, est nommé par la lettre Q.

On devine que le haricot en question est une plante herbacée d'un genre peu amène, dont gousses et graines n'ont rien de comestible, qui creuse avidement, dans le dédale des entrailles, une galerie de tchernoziom, avec pics et à-pics : « Sa douleur passe dans la mienne : il me faut vite l'apprivoiser avant de la lui rendre moins sauvage, comme apaisée, pur jus de fruit pressé entre mes mains », « Q. vient d'avoir 16 ans aujourd'hui…, je suis heureux d'être son père. Pensée légumineuse, jeux lumineux, jus de gueux ».


Ce haricot microscopique, alambiqué dans la chair de l'enfant, qui fait comme une « orange dans le ventre » ou une « boule en bois échappée de je ne sais quel bilboquet », et qui n'est pas sans rappeler le nénuphar dont Chloé tombe malade dans L'écume des jours, ne se dit qu'en creux, au détour des litotes, dans l'embrasure de la chambre d'hôpital ou du bloc opératoire, dans la trouée de soleils fuligineux où la narration confine parfois à la pose contemplative (« Il y a de l'espace pour quelque chose d'autre que soi ». « le soleil perce un trou de son caveau, à travers les nuages, je me gratte le tibia droit, forcément »).

Rarement, comme si le simple fait d'appeler un chat un chat conférait une façon de familiarité indécente, le mal apparaît, cru, mot sanguinolent, lâché avec parcimonie, s'excusant presque d'être là, telle la morsure du chien desserrant sa proie, avec juste ce qu'il faut de saillie caustique et de détails anatomiques : « le nul de Liverpool-Chelsea plombe nos pronostics. C'est la dernière veillée avant la seconde chimio. On vise, là également, le match nul : Q. résiste aux assauts du buteur fertile. Ses cellules, de fidèles supportrices, sorte de hooligans de la surrénale, doivent tomber une à une. Eric Cantona est convoqué dans la surface de la sonde, je le rassure il n'y a pas de grilles autour du système nerveux, tout pareil comme dans les stades anglais de football », « Suite aux traitements divers du cancer, on perd le goût des aliments puis on mâche de la matière diverse sans aucune sensation papillaire ».

Et quand l'angoisse est à son comble, à son zénith, celle d'un père qui voit son fils de seize ans s'enfoncer dans le marécage de la tumeur, il faut apprivoiser le drame, l'incertitude, au gré des lectures, des embruns, des hôpitaux, des impressions sensibles glanées ici ou là – à la terrasse des Ajoncs d'or (Pont-Aven), au café de l'Océan (Brest), aux halles de Quimper, au « jardin des amours mauves », dans cette topographie typiquement bretonne où le poète, citant Sagan, laisse pénétrer « Un peu de soleil dans l'eau froide ».

Curieux de tout ce qui se murmure à la jointure des mots, des blagues de comptoir, des habitudes, ne se résignant jamais au noir sidéral des cernes (« On peut avancer que tout est biologique, qu'on est rattrapé par ses trous, par des horizons vides de sens »), Olivier Hobé scrute l'envers du décor, là où la maladie a force de loi, quand on se demande quel effet ça fait d'être soi.

Au fil des « mois noirs », mais sans jamais perdre « l'envie de faire la révolution », ni celle de suivre le « canal mauve » qui « fouille son désir d'être canal », on se retrouve soudain, hagard, à déambuler dans un album d'Hubert-Félix Thiefaine, Dernières balises avant mutation, par exemple, ou dans Lost Highway de David Lynch : « Certaines infirmières promènent à leur bras un panier de perfusions sans blessés au bout, et ce, jusque dans la cour », tandis que « certains malades poussent le vice jusqu'à visiter d'autres malades » et que la banalité oppressante de la vie finit par se matérialiser sur la page : « “Tu m'enlèves les cheveux”, me disait Q. l'autre jour, alors que je lui caressais la tête ».

On se dit, en refermant ces pages qui fleurent la tourbe ravagée par les morsures océanes, où la beauté, jamais amère, s'arrange toujours pour darder au travers des abysses, on se dit qu'il y a bel et bien de « l'espace pour quelque chose d'autre que soi ». Rien, finalement, ne sera dit de la mort. Ce qui, pour un journal d'un haricot, est un peu fort de café.





Olivier Verdun


Lien : http://www.lacauselitteraire..
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Le journal d'un haricot
Olivier Hobé
éd. Apogée
62 pages
12€
en librairie
www.editions-apogee.com

Commencé le 3 août 2007, ce journal accompagne la maladie de Quentin - dénommé « Q » -, fils de l'auteur, alors âgé de 15 ans. le haricot mentionné dans le titre désigne une tumeur cancéreuse détectée dans le ventre de l'adolescent. Mais si elles révèlent bien l'inquiétude du père, ces notes ne sont pas exclusivement consacrées à la maladie de son fils. Outre ses visites à l'hôpital, l'auteur évoque d'autres de ses occupations quotidiennes, ses lectures surtout - de nombreux ouvrages sont cités -, ses écoutes musicales, ses rencontres avec des amis poètes - on devine ici Jacques Josse, Alain Jégou -, ses observations et anecdotes livrées au fil de ses déplacements en terre bretonne. le journal d'un haricot évite de sombrer dans une dramaturgie qu'aurait pu susciter la gravité du sujet. Olivier Hobé reste peu bavard sur son ressenti, celui de son fils, comme sur leur relation. Sans doute préfère-t-il ne pas alimenter par ses mots une angoisse qui ne ferait qu'aggraver la situation. La vie, oui, continue même dans les épreuves les plus difficiles. D'ailleurs, elle finira par avoir raison du « haricot malin ».

Je respire du Quentin, sa maladie me bouffe, m'envahit, je le sens, je le renifle, il n'a jamais été aussi proche de moi

finit par avouer l'auteur à la dernière page. le journal d'un haricot s'interrompt le 26 juin 2008, dans un bar de Châteaulin. Olivier Hobé, que les clients regardent écrire, se sent seul comme une loutre.

Alain Helissen

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Apprivoiser l'angoisse


Le journal d'un haricot, Olivier Hobé, Apogée, 54 pages, 12 €.
par Alain Jean-André

Comment apprivoiser, tenir à distance l'inquiétude, l'angoisse, le pire qu'un père peut vivre ? le journal d'un haricot d'Olivier Hobé utilise les mots, la narration poétique, le tissu d'une écriture où rien ne dépasse. Ou presque. Il dit beaucoup en creux, dès la première phrase : « Départ au bloc pour la première biopsie de Q. », jusqu'à la presque dernière : « Je respire du Quentin, sa maladie me bouffe, m'envahit ». le nom médical du « haricot » n'est jamais cité, mais toujours présent. Son fils a 16 ans.

Le récit restitue la tension entre le drame vécu par le fils, ses séjours à l'hôpital, ses transformations, et la vie du père qui continue, qui essaie de continuer, tant l'angoisse est grande. Les visites, brièvement évoquées, atteignent le paroxysme. « Sa douleur passe dans la mienne : il me faut vite l'apprivoiser avant de la lui rendre moins sauvage, comme apaisée, pur jus de fruit pressé entre mes mains. » Ou encore : « ˝ Tu m'enlèves les cheveux ˝, me disait Q. l'autre jour, alors que je lui caressais la tête. »

Ce drame, qui peut être de tous lieux, se déroule en Bretagne. L'auteur utilise une toponymie insistante, cite nombre d'auteurs bretons, emploie même quelques mots bretons. Au fil des pages se dessine une géographie régionale et mentale. Les livres jouent un grand rôle dans la vie de l'auteur. Mais, pendant cette période difficile, il se retrouve souvent dans un pub ou un café, seul, à regarder les autres autour de lui, à entendre les blagues lancés par des habitués. Alors il cite Sagan : « Un peu de soleil dans l'eau froide. »

Dans ce journal poétique, Olivier Hobé a trouvé un ton juste, loin de tout pathos. Ce livre court, qui va du « blues vendéen » à des scènes émouvantes, atteint, à certaines pages, une grande intensité. Il rend visible la fragilité et l'impuissance de notre condition. Avec des mots simples, des situations banales, sa vie envahie par une menace oppressante, il dévoile notre part tragique, souvent niée par la vie contemporaine.

© Chroniques de la Luxiotte
(5 décembre 2011
Lien : http://www.luxiotte.net/lise..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
On est pas sortis de l'espoir d'une auberge
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