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Critique de GODON


GODON
25 septembre 2016
Le côté obscur ce n'est pas le Mal, ce serait trop simple ou trop ambigu : le Mal porte trop facilement les vêtements du Bien. Le côté obscur c'est l'inconscient, le non advenu, le non compris, le non-monde, la non-vie : Solitude et terreur, paroxysme de la sensation. Bref, le coté obscur, c'est du Lovecraft! Et là, une autre ambigüité surgit, la terreur a la même intensité fascinante que l'émerveillement.
Peu de gens finalement semblent se poser cette question qui fait peur : Pourquoi le monde ne nous apparait pas comme rigoureusement incompréhensible? Ce serait naturel étant donné sa complexité. le bébé qui ouvre pour la première fois les yeux, doit en tâter un peu et ça doit déchirer…
Même si l'on ne s'en fait pas, il y a toujours cette menace d'un jour qui viendrait où comme pour ces aveugles de naissance à qui l'on rend la vue…. Miracle? Pas sûr! Toute la structure de compréhension s'écroule, pour ouvrir sur un ça innommable. Ainsi, pour cet aveugle qui avait sa représentation, soudain : Non-sens des informations visuelles, agression des couleurs, non-sens des limites, il ne sait pas qu'il y a le vide derrière la fenêtre : Terreur, terreur!
Ce qui est remarquable chez LPH, c'est quand il fait sentir qu'on ne peut pas comprendre, que c'est hors de portée de se rassurer avec une explication qui, de toutes les façons nous détruirait par sa toute puissance.
C'est ce que Lovecraft nous propose, une expérience limite terrifiante et donc fascinante : C'est Edgar Poe au carré. Mais attention ce n'est pas du «gore» : Zombis, morts- vivants, vampires ou fantômes ne fonctionnent pas longtemps, il n'y a vite plus de piles… On les reconnait vite pour ce qu'ils sont : Farces et attrapes. Non, Lovecraft atteint à autre chose : A l'énigme du rêve, qui crée et manie les symboles, ces choses absolument unes, qui ne sont pas coupées en deux sens complémentaires, qui sont symboles purs : La langue des entités pré ou post humaines, comme il dit.
Je tente une illustration par le récit d'un de mes rêves «lovecraftien» :
Pourquoi suis-je dans cet immeuble sinistre, ce n'est pas ma maison! Il fait nuit, dans ces couloirs inquiétants, on a peur de rencontrer on ne sait qui, mais ce serait surement des vrais méchants avec qui on aurait aucune chance. Dans ces couloirs où l'on ne peut se cacher, seulement faire demi-tour, la peur ne cesse jamais. Et pourquoi suis-je là alors que je n'ai jamais eu d'appartement ici… Personne, personne, j'erre… Ah! Quelqu'un à cet étage, une fille, avec un pull rouge, elle veut me vendre quelque chose que j'achète même si je n'en veux pas, mais c'est pour pouvoir lui demander : Comment sort-on d'ici? - Mais on ne peut plus, vous ne savez pas?! Et elle s'éclipse, toute pressée, de quoi? Et je n'ai pas eu le temps de lui demander de la revoir. Mais où suis-je… pourquoi condamné ici, tellement seul? Ou suis-je?
Dans un rêve… Dans un rêve… Je reprends conscience. Un rêve, mais si inquiétant, si vrai! Qui veut dire quoi? Quoi? J'en suis torturé.
Alors je cherche. Ah! Peut-être une piste, de ma machine à chercher du sens; je tente de casser ce symbole énigmatique, je l'ouvre et… C'est plutôt terrible : Cet immeuble maléfique ce serait mon corps! Et mon esprit cherche à le parcourir et aussi à lui échapper; il faudrait le sauver, sauf que je ne sais comment… Et puis il n'y a presque plus personne qui peut écouter, aider. Alors comprendre est presque pire que d'oublier simplement. C'est «lovecraftien» : de la terreur, mais aussi la fascination du récit… Un signe «unnatural»… Une voix désespérément improbable et perdue a pu parler…
HPL parle couramment la langue symbolique, celle de l'inconscient et cette maitrise fait qu'on l'entend et qu'on l'entendra longtemps encore, comme l'a bien vu MH.
“Unnatural deeds do breed unnatural troubles.” (Shakespeare, Macbeth).
… Ces visions malsaines infecteront le réel…
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