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3,62

sur 1991 notes
Avec Houellebecq appelons un chat un chat, surtout si on fait de préférence allusion à la femelle de l'espèce. Il est certain que si on lit Houellebecq au premier degré on restera au niveau de cette partie de son anatomie qui rime avec citrouille. C'est avec pareille écriture décomplexée, dépouillée de l'adverbe, proche de la langue parlée que Houellebecq a séduit son lectorat. Une écriture affranchie de toute censure, propre à libérer l'homme de la violence et la licence qui bouillonnent au tréfonds de son être. Avec Houellebecq, seul le bonheur est absent du tableau. Comme tabou. Le réalisme sombre dans la déréliction et clame à longueur de pages le malaise existentiel de son héros. Une lecture qui laisse un goût de cendre dans la bouche.

Avec lui, l'accouplement est le seul acte de la vie humaine qui détourne vraiment de l'obsession de la mort. Forcément, il est créateur de vie. Et pour ceux de l'espèce humaine qui en douterait la Nature y a fait correspondre le plaisir. Ces moments d'extase trop rares, trop courts, trop peu partagés, deviennent pour le coup l'unique objectif de l'existence humaine.

Oui mais voilà, l'individu n'est pas programmé pour l'éternité. Il reste subordonné à l'espèce qui seule survivra. Piètre consolation. Le dépérissement du corps va jusqu'à le priver de ses fugaces instants de grâce, ses seuls instants d'éternité. Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable a pu écrire Romain Gary qui a bien exploré le sujet, comme tant d'autres. C'est le drame du vieillissement. Le monde s'écroule quand la Nature prive le mâle de ses "matins triomphants" chers à Victor Hugo.

Mais au fait, elle, qu'en dit-elle ? Houellebecq ne s'en soucie que trop peu. "Celui qui aime quelqu'un pour sa beauté, l'aime-t-il ?" S'en culpabilise-t-il toutefois en catimini. Cet ouvrage est celui du décalage de l'amour et de la sexualité. Isabelle aime Daniel mais n'aime pas le sexe. Daniel aime Esther qui n'aime que le sexe. La possibilité d'une île est le roman de l'insondable solitude de l'Homme face à son destin. "On nait seul, on vit seul, on meurt seul".

A cette écriture désinhibée, Houellebecq allie une puissance conceptuelle exceptionnelle. Une imagination galopante, tout azimut, méprisante de la bienséance ringarde qui a essoufflé ses prédécesseurs dans l'art d'écrire. Quant à être visionnaire, on ne saurait dire tant le paysage est sombre. Mais peut-être a-t-on peur qu'il ait raison. Si dans un futur plus ou moins proche le clonage remplace l'accouplement pour reproduire l'individu, sûr que l'amour qui peinait déjà à s'imposer n'aura plus de raison d'être. Misère sexuelle, misère affective seraient-elles l'avenir de l'espèce. A moins que ce ne soit déjà le cas ?

Mais pourquoi ai-je donc lu Houellebecq, moi qui vis sereinement ma vie d'autruche, la tête dans le sable à n'oser affronter la triste réalité de ce monde ? Sans doute parce qu'une femme a eu la force de conviction séductrice de m'ouvrir les yeux sur la seconde lecture qu'elle avait faite de cet ouvrage. Celle qui rime avec toujours, et pas avec citrouille. Où avais-je donc la tête ?
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Non ! Houellebecq, j'aime bien.
Alors voyons, la quatrième de couverture :
- .Qui, parmi vous, mérite la vie éternelle ?
Non ! Restez zen ! Ne vous battez pas ! T'te façon c'est moi qui commande... Personne ! Tout le monde ! Mais surtout ! Pour quoi faire ?
Oui ! Histoire de vous embrouiller un peu, je commence par la fin, une phrase seulement ; qui voulait s'en inspirer a perdu !
- .Alors qui ?
- .Le sauvage, régulant la limite d'âge à 50 ans par pratique du cannibalisme.
- .Clone 1er soit l'ancêtre de Daniel, puis des ‘Daniel' numéro 1 à 24 des néo-humains, dignes représentants de la secte des Élohim, puis enfin
- .Daniel 25, promis au phénomène de la réincarnation, l'ultime ‘Indélivré'...
C'est dans son Cyberspace que Daniel 24 se nourrit de mail et du récit de vie de Daniel 1er dont il est un représentant par copie génétique. Il s'attache donc à étudier l'historique de ce référentiel et pourrions-nous dire, en l'occurrence, les 3 âges de l'amour : Avant - Pendant - Après.
- .Avant : l'inconditionnel, le fougueux de la prime jeunesse, à ne point manquer, à ne point occulter.
- .Pendant : celui en cours, quand béatement on se donne du Monsieur ‘Untel' Madame ‘Untel' et ses petits, dudit sobriquet, (j'aimerais bien qu'on me considère en tant que tel) : de la famille Untel qui s'y perd, s'y dissipe où s'y disperse.
- .Après : le passionnel, celui de la dernière chance. Une éventualité pour laquelle on a bien réfléchi, pesant le pour et le contre, l'éphémère et le prévisible, tout cela pour s'y jeter à corps perdu et de façon totalement irraisonnée et en toute connaissance de cause.
Le Néo-humain n'est pas un hypocrite, c'est un ancien vous-même qui a rejoint la secte des Élohim et il arbore un langage cru, sans fioritures.
Le prophète en ces lieux qui prône une sexualité débridée, à commencer par la sienne, s'impose en mâle dominant, ce qui a un effet castrateur aussitôt ressenti par les émules qui de fait, se cantonnent plutôt dans la solitude. Puisque c'est permis, on n'en a plus envie, réaction infantile, somme toute. Mais, tandis que les néo-humains sont sensés atteindre un certain degré d'immunité pulsionnelle, il ne sied guère au bel italien, Gianpaolo, qu'on s'empare de son trophée, la sublime Francesca, lequel rectifiera de façon, sinon énergétique, énergique ce petit problème de dosage.
Alors ! En raison des recherches sus exposées, nous avons la possibilité de vous proposer les adaptations suivantes :
- .1er choix : une option pour l'eugénisme vers un vide abyssal pour néophyte insensible.
- .En 2ème choix : une ré-humanisation vers l'état second de l'ivresse, avec les effets secondaires, naturellement.
- .En 3ème choix, le retour aux origines étant impossible à mettre en application, vous avez la consécration, réincarnation à l'état animal, sachant qu'une bête aimante, à moins de tomber sur un néo-maître, a toutes les chances d'accéder par effet de miroir à un amour inconditionnel.
Peut-être bien que c'est pas si rigolo que j'dis, mais c'est super intéressant, en tout cas, moi, ça m'a plu.
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Rares sont les écrivains aussi "clivants" que Michel Houellebecq.
Génial visionnaire pour certains, vieux dégueulasse surcoté pour d'autres, on idolâtre ou on exècre.

Très bien, mais alors pourquoi cette note moyenne, mi-figue mi-raisin, pourquoi ces 3 étoiles plutôt tiédasses ? Ben tout simplement parce que jusqu'au bout, j'ai été incapable de me décider, incapable de choisir mon camp.
Emballé [youpi] par certains passages foutrement bien torchés et par certains points de vue carrément décapants sur notre monde à l'agonie, puis écoeuré [beurk] par le cynisme permanent et démesuré dont fait preuve Daniel, héros houellebecquien en (im)puissance, archétype du mâle blanc obsédé et dépressif...
Epaté [youpi] par la construction du roman et par ses thèmatiques originales et ambitieuses (l'anéantissement de notre société exsangue, le naufrage civilisationnel, la quête de la jeunesse éternelle et la mise au rebus des aînés, l'avènement par clonage d'une nouvelle espèce artificielle de néo-humains...), puis fatigué [beurk] de ce désenchantement tellement systématique qu'il en devient caricatural, et lassé de ces scènes de sexe gratuites et récurrentes...
Les montagnes russes, quoi. D'ailleurs, comme embarqué dans le plus endiablé des roller-costers, j'ai lu ces 500 pages à toute vitesse, et j'en suis ressorti un peu nauséeux. Plutôt content, mais pas pressé de repartir pour un tour.

Faut dire que Houellebecq sait y faire pour chahuter son lecteur, pour l'entraîner de force dans son univers désespéré, décadent, vulgaire et violent, en enchaînant les provocations et les prises de positions pour le moins contestables sur la nature fondamentalement malsaine, perverse et déviante de l'être humain. Pour lui c'est clair : "le seul fait d'exister est déjà un malheur". Quand je vous disais que c'était pas franchement l'éclate...

Cette fois, son héros Daniel_1 est un comique (si si, je vous jure !), dont l'humour polémique et grinçant cartonne.
Mais bien sûr Daniel_1 est malheureux (rappelez-vous, on est chez Houellebecq). Son dégoût de l'humanité n'a d'égal que son appétit sexuel insatiable ("pendant toute ma vie je ne m'étais intéressé qu'à ma bite ou à rien, maintenant ma bite était morte et j'étais en train de la suivre dans son funeste déclin, je n'avais que ce que je méritais". Voilà qui situe un peu le bonhomme...)
Par un concours de circonstances, il est aux premières loges pour assister à l'avènement d'une secte et de son prophète, présenté dans le meilleur des cas comme un hurluberlu soucoupiste, dans le pire comme le dangereux théoricien de doctrines flirtant avec l'eugénise et le nazisme.
Toujours est-il que la secte rencontre vite un immense succès, supplante les autres religions (que Houellebecq aime comme toujours à égratigner dans les grandes largeurs !), et que ses recherches sur le clonage finissent par aboutir : ainsi retrouvons-nous, plusieurs siècles plus tard, après la Pemière et la Seconde Diminution, après le Grand Assèchement, Daniel_22, Daniel_23 et quelques-un de leurs successeurs. Tous sont des copies conformes du Daniel-souche, à quelques améliorations génétiques près, qui évoluent dans une société nouvelle complètement virtuelle, désincarnée, dépourvue de passions et de contacts physiques...

D'un côté donc, le monde contemporain de Daniel_1, dépravé et glauquissime. De l'autre, d'étranges communautés de néo-humains, abstraites et glaciales, ou le rire et les larmes ont disparu.
Deux salles, deux ambiances.
Difficile de dire lequel de ces univers fait le plus froid dans le dos.
Difficile aussi d'imaginer contraste plus saisissant entre un si joli titre et un contenu si trash.
Difficile enfin d'écrire un roman plus sombre et plus désespérant, sans nulle part la moindre once d'optimisme. Seul Fox, le chien cloné qui accompagne chaque nouveau Daniel semble être animé d'un semblant de vie, puisqu'à la différence de ses maîtres "sa nature en elle-même inclut la possibilité du bonheur".

Une lecture compliquée, donc, idéale pour se préparer au suicide.
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Daniel et deux de ses clones nous livrent leur histoire au travers une sorte de journal. C'est d'un pessimisme excessif (d'un autre côté la conjoncture actuelle ne porte pas non plus a l'optimisme).
Un questionnement incessant sur les relations hommes-femmes, le sexe, le religieux, le sectaire...

Pour être foncièrement honnête je n'ai pas aimé du tout ce livre. Pas la forme , parce que l'écriture de Houllebecq est quand même très agréable. Mais au niveau du fond j'ai vraiment eu du mal. Ce sont des plaintes répétitives et ennuyeuses... et comme j'ai besoin de voir les choses positivement je pense que peut être je l'ai lu au mauvais moment.
D'un autre côté j'aurais du m'y attendre puisque ce livre a été primé (prix Interalliée en 2005) et que les livres primés (sauf rares exceptions) font un grand bide chez moi.
Je ne dis donc pas que je ne lirais plus cet auteur, je retenterais sur un autre roman... avec l'espoir que celui là me plaira
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Michel Houellebecq, né Michel Thomas à la Réunion, en 1956 selon son acte de naissance ou en 1958 selon lui ! Son nom de plume est le nom de jeune fille de sa grand-mère paternelle qui l'éleva. Michel Houellebecq est poète, essayiste, romancier et réalisateur de cinéma. Depuis la fin des années 1990, il est l'un des auteurs contemporains de langue française les plus connus et traduits dans le monde. En 2010 il reçoit le prix Goncourt pour La Carte et le Territoire.
La Possibilité d'une île, son quatrième roman, a été publié en 2005 et il reçut le prix Interallié. Trois ans plus tard l'écrivain en fera un film qu'il réalisera lui-même avec Benoît Magimel dans le rôle principal. Sa sortie sur les écrans en 2008 se soldera par un échec commercial autant que critique.
La possibilité d'une île est un roman d'anticipation. Daniel est artiste de scène, humoriste, provocateur et cynique, estimant que le plus grand bénéfice de son métier « c'est de pouvoir se comporter comme un salaud en toute impunité ». Un premier mariage raté, sa femme l'a plaqué et son fils s'est suicidé.
Quand le roman débute, Daniel écrit le récit de sa vie, mais c'est là aussi que le bouquin entre dans la catégorie « anticipation » car il ne s'agira pas uniquement de sa vie. Ce seront les vies successives de tous les Daniel qui les uns après les autres viendront remplacer le précédent au cours des siècles futurs, s'enrichissant chacun du vécu des autres. Michel Houellebecq faisant du clonage et de la création artificielle aboutissant à la vie éternelle, le thème central de son roman, une vaste fresque courant de l'Homme d'aujourd'hui au néo-humain du Futur. Les chapitres du livre sont autant de point de vue, principalement de Daniel 1 (celui d'aujourd'hui) que de ses successeurs, Daniel 23 ou 25 (plusieurs siècles plus tard).
A travers cet épais roman recouvrant un temps non moins grand, l'écrivain a tout loisir pour développer sa réflexion sur notre société et ça fuse de toutes parts. Critiques sur la presse et le cinéma, considérations sur l'art moderne et les idéologies politiques ou bien du rire comme représentation de la cruauté. Sachant que ce sont les relations entre hommes et femmes qui restent son sujet de prédilection et donc le sexe.
Les scènes sexuelles très détaillées ne manquent pas, balançant entre but éducatif et argumentation sur sa manière de voir la vie. de façon plus générale, pour l'auteur, nos corps expliquent nos actes, « l'état de nos corps constitue la véritable explication de la plupart de nos conceptions intellectuelles et morales ». C'est évidemment aussi l'occasion de placer une analyse sur l'amour de nos jours, « Esther n'aimait pas l'amour, elle ne voulait pas être amoureuse, elle refusait ce sentiment d'exclusivité, de dépendance, et c'est toute sa génération qui le refusait avec elle ».
Michel Houellebecq aborde aussi les thèmes, du bonheur, de la religion, de la morale, de la mort et de la résurrection donc de la vie éternelle par le biais d'une secte qui ressemble fort au mouvement Raélien. L'euthanasie des vieillards ou l'inceste sont aussi évoqués mais sans trop insister heureusement car parfois son manque d'empathie et ses analyses froides laissent un goût amer dans la bouche du lecteur. L'écrivain est un maître dans la dissection de l'âme/nature humaine, ce qui le rend particulièrement éprouvant à suivre quand il met à nu nos pensées les plus intimes et les moins reluisantes.
Un roman qui se lit très bien, écrit avec virtuosité par un écrivain qui n'hésite pas à mettre beaucoup de lui-même dans son texte tout en nous embarquant personnellement dans son sillage, parfois contre notre volonté, et qui nous force à réfléchir tout au long de ces cinq cents pages denses et riches en thèmes abordés. Philosophe ou moraliste provocateur, Michel Houellebecq ne peut laisser indifférent et en cela son livre est grand.
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Personnage mystérieux, clivant, polémique sur bien des sujets, Michel Houellebecq ne peut laisser le lecteur ou le simple quidam indifférent. Avec "La Possibilité d"une île", il s'agissait en ce qui me concerne de la première rencontre avec cet auteur. Il est assurément clair et certain que l'on ne ressort aucunement indemne après avoir entrepris la lecture de ce livre, tant le style abordé par l'auteur est cru, sinon trash et cash !
Avec ce roman aux allures d'anticipation car il est question de clonage humain et de résurgence de personnes sous des numéros, au terme de leur courte existence, Houellebecq dresse une satire de la société mais livre également une réflexion sur la force de l'amour et des relations hommes-femmes.

A vrai dire, je ressors particulièrement floué par le récit de Daniel, un antihéros richissime (qui n'est autre que l'auteur) dans son histoire et son parcours et ses relations. Que l'on aime ou pas Michel Houellebecq, ce dernier a toutefois le talent d'être un vrai visionnaire du futur qui se dessine avec la création d'un être nouveau et la quête de l'immortalité.

Pour ma part, j'ai abandonné la lecture au bout de 200 pages car je n'ai pas du tout accroché à l'histoire et au propos de l'auteur qui dés les premières pages balance (et semble s'amuser avec ...) de manière crue sur ses jeux sexuels, ses préférences et autres perversions du genre ... Assez glauque pour ma part et sentiment de malaise permanent ...
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J'ai mis un temps fou à me mettre à Houellebecq. Et je ne le regrette par car je n'étais pas prête. Mais là j'ai su vraiment l'apprécier. Houellebecq est quand même très fort, n'endéplaise à ses détracteurs, parce qu'il construit super bien son roman, il connait les ficelles pour faire un bon roman de science-fiction mais il ne fait pas que ça, c'est quelque chose de très contemporain, avec un véritable travail littéraire par la présentation de ses chapitres, la narration... Bref il est fort! Et puis c'est drôle, c'est pas cucul la praline. En ce qui me concerne j'ai été rapidement happée par l'intrigue, j'avais envie de savoir ce qui arriverait au personnage principal et j'avais plus du tout envie de m'arrêter.
En plus, voilà encore un livre qui réussi à être autre chose que juste un passe-temps parce que quand on le referme on ne peut pas ne pas avoir une sensation étrange, un peu inconfortable... Mais c'est ça qui est bon!
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Ce livre est un monument. Après lui, M. Houellebecq aura bien du mal à faire mieux.

D'abord je vais dire ce que je pense d'une accusation qu'on porte contre lui.
On le dit misogyne. Beaucoup d'entre nous, femmes, ne lui pardonnons pas la crudité de son regard sur les comportements et les corps féminins, et ne comprenons pas le rôle prédominant (voire étouffant) qu'il attribue à la sexualité dans la plupart des affects.
Je répondrai, tout d'abord, que c'est une parole d'homme qui exprime le seul point de vue qu'il connaisse bien : le point de vue masculin ; ensuite et surtout qu'il n'épargne pas non plus les hommes, non seulement eux aussi sujets au vieillissement, mais encore architectes d'un monde d'ignominies, de guerres et d'incommunicabilité. Les charges anti-mâles sont tellement innombrables dans ce texte qu'il est étonnant que nul ne les évoque. Ce qui est très révélateur du statut réel des femmes, tant il est vrai que les dominants prêtent rarement attention aux pamphlets qui les prennent pour cibles : ils ne pénètrent tout simplement pas leur derme épais. Ainsi, nul ne semble s'aviser de sa misandrie active.
Je ne citerai pas d'exemples de ces philippiques, le texte en est émaillé.
Femmes et hommes ne sont donc que les deux faces de l'Humain, pareillement pitoyables et fragiles, essentiellement marqués du sceau de leur finitude. Et là sans aucun doute ressurgit le primat de la sexualité.
M. H évoque tout au long du livre, avec empathie et lucidité ( et souvent avec une rage qui est une sorte de politesse du désespoir) tout ce qui fait la trame tragique de nos vies marquées par cette finitude, et il ratisse large : de la souffrance du nourrisson aux sévices infligés aux vieux en maison de retraite, en passant par la crainte de ne jamais trouver l'amour et celle de le perdre dès que nous croyons l'avoir trouvé, il n'oublie rien. Les idéologies étant mortes, l'homme chemine solitaire dans le désert du libéralisme devenu sauvage et indifférent à toute déontologie, sorte de chaos moral qui nous dévore au fur et à mesure tel Chronos.
A toute cette désespérance existe-t-il une consolation ? oui ; et elle est bien petite, mais nous n'avons qu'elle et c'est pourquoi il nous faudra être attentifs à ne pas la manquer. Elle se trouve dans le titre même de l'ouvrage : c'est "la possibilité d'une île" ; île où nous pourrons, si nous avons la chance de rencontrer l'amour, déposer nos valises pour une courte halte et vivre un bonheur provisoire, certes, (puisque rien ne dure), mais frappé du signe de l'éternité. Il faudra bien nous en contenter.
Notre île est la contrée heureuse de notre imaginaire, mais pour être imaginaire, elle n'en est pas moins là.
"Ah être une heure, une heure seulement, être une heure, une heure quelquefois, être une heure, une heure durant, beau beau, beau... beau et con à la fois" (Brel).

Pour ma part je classerais Houellebecq dans la catégories des auteurs hypersensibles, lucides, compassionnels et provocateurs.
Il est un humaniste pessimiste.
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Daniel 1, humoriste cynique et antipathique, se raconte dans "son récit de vie". Obsédé par le sexe, il décortique sa relation amoureuse et sensuelle avec Isabelle puis, plus tard, avec la jeune et belle Esther. Sa notoriété le mène sur le chemin de la secte des Elohimites qui croit en la vie éternelle via le clonage.

Daniel 25, plus d'un millénaire plus tard. Il est le clone de Daniel 1, qui avait congelé son ADN auprès des Raëliens. Leur pari a fonctionné, l'ère des Néo-humains est en marche. L'homme se reproduit désormais par clonage et est devenu une identité numérique floue, sans peur ni angoisse, tout à fait désincarnée. Daniel 25 est chargé d'étudier le "récit de vie" de son prédécesseur.

Ah... Houellebecq ! Je découvre ce roman dans sa version audio 16 ans après sa sortie. Je précise que je considère Houellebecq comme un grand auteur, je mets de côté sa provoc et ses idées polémiques. C'est sa littérature qui m'intéresse et j'ai été servie. Il a d'ailleurs reçu le Prix Interallié 2005.

La possibilité d'une île est terriblement bien construit. J'ai été fascinée et c'est pour moi mon préféré de ceux que j'ai eu l'occasion de lire de l'auteur.

De la science-fiction, de l'émancipation, mais tellement plus aussi... Car Houellebecq nous parle surtout des humains et de leur incapacité au bonheur. Comme toujours il porte un oeil critique et acéré sur ses contemporains. de nombreux thèmes sont abordés avec intelligence, humour et une pointe de poésie, comme les dérives sectaires, les relations de couple, le désir et la perte du désir, le vieillissement, la vanité de la vie...

Bon vous l'aurez compris, c'est un roman plombant, dépressif et cynique, que je qualifierais de "feel-bad". Mais j'ai apprécié lire le journal de cet anti-héros, sorte de clown triste, d'une grande honnêteté.

Alors oui, on est d'accord, le récit est sexiste. Les femmes sont beaucoup ramenées à leur physique, utilisées à des fins sexuelles. Mais franchement, il ne traite pas mieux la gente masculine, qui en prend pour son grade.

Si vous ne l'avez pas encore lu, je vous le conseille ! J'ai aimé le découvrir en audio, publié chez Audiolib, la lecture de Stéphane Ronchewski apporte de l'ironie et un ton naïf qui collent bien.
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Un roman soi-disant d'anticipation de 485 pages que j'aurai mis une semaine à lire. Il m'a paru long parfois, au point que je me demande si toutes ces pages étaient bien nécessaires? Je crois en fait que le livre a été fortement parasité par des descriptions pornographiques dont le lecteur, amateur de science-fiction, aurait pu se passer et qui n'apportent pas grand chose (voire rien) au texte et à l'histoire. Je reprocherais à l'auteur une trop grande concupiscence vis à vis des "lolitas" (ne portant pas de culottes sous des mini-jupes réduites au minimum de tissu), de la pédophilie et de l'inceste...
J'avais déjà remarqué en lisant "Soumission" que Michel Houellebecq semblait avoir une nature proche de celle d'un obsédé sexuel, cependant dans ce roman "La possibilité d'une île" écrit 10 ans plus tôt c'est encore pire! L'homme s'assagit peut-être en vieillissant.
A une personne qui voudrait découvrir l'anticipation, je ne conseillerais donc pas le livre de Houellebecq, mais des auteurs plus classiques tels que René Barjavel ou Jules Verne, dont les histoires tiennent en haleine le lecteur sans qu'il soit besoin d'y inclure des scènes sexuelles.
Je suis peut-être une vieille lectrice coincée, mais je pense que "trop de sexe tue le sexe" et je crois que ce roman aurait gagné a être un peu moins cru. Quant à moi, je ne me suis pas enrichie intellectuellement en le découvrant. Rendez-vous manqué!
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