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EAN : 9782253009801
364 pages
Le Livre de Poche (30/11/-1)
3.91/5   39 notes
Résumé :
De l'existence quelque peu marginale que Jean Hougron vécut en Indochine dans les années 1950 comme planteur de tabac, ramasseur de benjoin ou de cornemolle de cerf et marchand de bière, apprenant à parler laotien et chinois, il a su dépeindre un pays envoûtant comme une drogue, dans un décor où la boue et le sang de la colonisation se mêlent aux aléas de la vie quotidienne, à l'amour et à l'amitié.


En Indochine, le destin tragique d'un petit ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Etoiles Notabénistes : ******

ISBN : 9782221101919

Comment peut-on mourir en fraude ? Ma foi, tout bêtement, surtout lorsque, jeune homme encore inexpérimenté et désireux à la fois de fuir sa famille ou le peu qu'il lui en reste et d'aller faire un tour aux colonies, l'on accepte, comme le fait Paul Horcier, d'emporter lors de la traversée Marseille-Saigon, un paquet de devises qu'il est chargé de remettre à certaines personnes lorsqu'il aura débarqué. Mais, avant même que le malheureux ait posé le pied sur la passerelle de "La Marseillaise", ceux qui l'ont chargé de cette "mission", des amis de sa soeur et du compagnon de celle-ci, un certain Groslier, ont déjà prévu de lui dérober les devises un peu avant Saigon et de le laisser ensuite se débrouiller tout seul, face à ceux qui devaient légitiment les recevoir.

A l'étonnement du lecteur, on ne peut pas dire que Horcier se fasse beaucoup de souci en se voyant ainsi dépouillé lorsqu'il arrive en vue de Saigon. le pauvre garçon est si naïf (et si intègre) qu'il s'imagine que, malgré tout, les personnes qu'il doit contacter croiront en sa bonne foi et ne feront pas d'histoires. C'est bien mal connaître les mafieux du coin qui décident tout simplement, après avoir entendu sa petite histoire, de l'exécuter.

Voilà Horcier obligé de prendre la fuite en pleine nuit pour Cholon. Là, il abandonne le cyclo-pousse qui l'y avait emmené, se précipite dans la première ruelle venue et, de fil en aiguille, à force de monter des escaliers qui lui semblent interminables, tombe sur une jeune Viêt-namienne, Ahn, dans la chambre de laquelle il trouve provisoirement refuge avant de la suivre dans son village natal. Leur communication est d'autant favorisée que la jeune fille parle un français parfait. Fille d'une Viêt-namienne et d'un Français de passage, elle avait trouvé un emploi à Cholon mais, Horcier lui proposant tout l'argent qu'il a sur lui, soit trois mille piastres, elle ne peut que saisir l'aubaine et en faire profiter un peu sa famille.

Le séjour dans le village d'Ahn se prolongera bien plus que prévu et, surtout, il fera découvrir à Horcier, tout à fait novice en la matière, ce qu'est l'Indochine rurale, surtout lorsqu'elle se trouve plus ou moins sous le contrôle du Viêt-minh, dont les membres, solidement armés et bien entraînés, contraignent les malheureux paysans, déjà peu aisés, à leur livrer la quasi totalité de leur récolte et sélectionne parmi eux les jeunes gens susceptibles de venir se battre à leurs côtés, que ceux-ci aient embrassé ou non l'idéologie communiste.

Tout le souffle, toute la beauté de ce roman au titre intrigant proviennent de ce village, tantôt rutilant sous le soleil, tantôt accablé par les pluies, où la morale est désormais "Chacun pour soi", où l'un, qui a découvert par miracle un bon coin pour pêcher, y va de nuit sans prévenir ses voisins, où l'autre abrite en secret des réserves de riz sous la terre battue de sa paillote et où tous se résignent à voir mourir un à un les plus faibles d'entre eux, privés non seulement de ce riz tant révéré, base première de leur alimentation, qu'ils ne peuvent plus cultiver faute de semences (et pourquoi, d'ailleurs, peiner dans les rizières si seuls les membres du Viêt-minh en profitent ?) mais aussi de ces médicaments, dont cette quinine bénie des dieux que les Occidentaux avaient aussi apportés dans leurs bagages.

C'est le Village qui apprend à Horcier l'Indochine, la colonisation, la lutte pour l'Indépendance mais aussi la lutte au jour le jour, pour la simple survie, des paysans que pillent et terrorisent les communistes faute de meilleur moyen pour les forcer à combattre à leurs côtés. C'est le Village qui lui apprend également l'intensité que peuvent revêtir les relations humaines et leur importance, surtout en situation de crise. C'est encore le Village qui lui enseigne - pour qu'il essaie de l'enseigner aux autres - la Révolte contre tous ceux qui les exploitent, le Viêt-minh en premier, bien sûr. Et c'est toujours le Village qui lui fait comprendre que l'espoir, lequel jamais ne meurt, se mêle inextricablement aux désillusions comme aux réussites aussi inattendues les unes que les autres.

Et c'est enfin grâce au Village et à ses habitants, tous tant qu'ils sont, les plus lâches comme les plus braves, que notre héros développe une personnalité qui, il le sait en repartant pour Cholon, restera à jamais à mille lieux du Paul Horcier de la métropole, ce jeune homme maussade, ennuyé et ennuyeux, qui ignorait tout de la Vie et des êtres humains et qui s'imaginait pourtant les bien connaître.

J'en ai assez dit. La fin, bien sûr, est prévisible et elle ne pourra que peiner le lecteur qui, de son côté, s'était attaché autant aux personnages principaux (le "petit" frère d'Ahn est inoubliable, son grand-père, si plein de bon sens, aussi, tout comme sa mère, d'ailleurs, qu'aveugle, depuis la naissance d'Ahn, la haine contre les Occidentaux) qu'à ce Village, si éloigné dans le temps et l'espace, et qu'il ne connaîtra jamais.

"Jean Hougron ou l'Indochine coloniale", ricaneront certains avec aigreur avant de tenter de se lancer dans l'habituel discours que nous serinent depuis trop d'années des bobos et des gauchistes qui, en général, ne l'ont pas connue (ils n'étaient pas nés), cette Indochine bouleversante, ou alors ne l'ont jamais envisagée que sous la seule optique communiste. Eh ! bien, que ces gens-là sachent que leur esprit borné apporte ainsi la preuve soit qu'ils n'ont pas lu Hougron, soit, s'ils l'ont fait, qu'ils déchiffraient chaque ligne avec des a priori infondés.

Plus qu'aucun écrivain jusqu'ici, Hougron m'a fait sentir quelquefois "citoyenne du monde" - et, croyez-moi, pour me faire ressentir cela, à moi qui en ai soupé de ce qu'ont fait de cette expression, cependant si belle, tant de gouvernants, aussi bien au Nord qu'au Sud, que des medias pourris jusqu'à l'os, il faut non seulement un sacré talent mais aussi une incomparable humanité.

D'ailleurs, quand nous aborderons "Les Asiates", avant-dernier tome de "La Nuit Indochinoise", que je tiens personnellement pour l'apogée de cette série qu'il faut lire, vous constaterez vous-mêmes, lecteurs, que Jean Hougron était bel et bien impartial dans sa vision de cette partie du monde qu'il aima tant : l'Indochine. :o)
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Les héros de la nuit Indochinoise sont en général des français en échec en métropole qui tentent leur chance en Indochine, des hommes qui n'ont rien à perdre et sont presque prêts à tout. Paul Horcier ne fait pas exception à cette règle. Il quitte Marseille avec une lettre d'embauche à Saigon mais aussi de la fausse monnaie qu'il doit juste convoyer pour des trafiquants. Évidemment Horcier va se faire avoir et devenir une cible pour des truands de Saïgon qui ne plaisantent pas.
A peine arrivé il doit fuir et s'enfoncer dans la campagne vietnamienne avec l'aide une jeune indigène rencontrée par hasard.

L'intérêt du roman n'est pas dans une intrigue policière assez simpliste mais dans la découverte par un français naïf de la réalité de la vie dans les campagnes du Vietnam. Il découvre des paysans faméliques, apeurés et peu hospitaliers pour un européen inconnu. La guerre faisant rage entre les soldats français et ceux du Viêt Minh, les paysans sont rackettés par ces derniers qui non contents d'enrôler les jeunes hommes de force leur prennent jusqu'au dernier grain de riz.
Horcier se retrouve exilé au milieu d'hommes et femmes déprimés, décimés par les fièvres tropicales et surtout passifs devant les évènements. Mais soudain Horcier, l'homme sans qualités, décide de se révolter et de secouer la torpeur de ses hôtes.
Le livre prend toute sa dimension quand le volontarisme de l'étranger se heurte à l'inertie des indigènes, il doit vaincre le fatalisme d'une population habituée au malheur, pour cela il faut payer de sa personne et prendre des risques. Mais convaincre les paysans d'agir c'est aussi les exposer, leur faire prendre partie au milieu d'une guérilla, Horcier ne mesure pas vraiment les conséquences de ce qu'il a déclenché.

Encore une réussite pour Jean Hougron avec un court roman qui est bien plus signifiant qu'il n'y parait. Les questions que soulèvent les actions de Horcier appellent des réponses cornéliennes, elles mettent aussi en avant les différences culturelles irréductibles entre colonisateurs et colonisés. Les guerres de libération, souvent présentées en combat entre le bien et le mal sont plus complexes à la lumière de la littérature.
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Petite déception que ce "Mort en fraude" . L'histoire est creuse et les personnages sont de réelles caricatures . Ainsi Horcier le personnage principal qui est l'exemple même du brave colon : intelligent, courageux et honnête ( enfin presque .....) face à des indigènes fourbes, lâches et souvent haineux .
Jean Hougron affiche ici visiblement ses idées qui étaient celles de l'époque plutôt colonialiste prônant la supériorité de l'homme blanc apportant la civilisation aux pauvres indigènes se complaisant dans un statut d'esclave. . Conception qui était moins ouvertement affichée dans les romans précédents et qui surtout était contrebalancée par la description de colons étant de vraies ordures.
Bien sûr on retrouve de très belles pages sur la réalité de l'Indochine de l'époque, je pense notamment au piquage du riz mais le personnage principal semble très/trop idéalisé par Jean Hougron qui dépeint un homme qui après s'être rapidement habitué à la vie pauvre du village où il se cache va tout comprendre et surtout juger pour se révéler meneur d'hommes et décideur du sort du village se jouant tout autant des troupes du Viêt-Minh que des forces d'occupation française et même de ce que veulent réellement les villageois.
Ceci dit le roman vaut la peine d'être lu pour se rendre compte des mentalités de l'époque et pour les superbes descriptions des paysages et de la vie en Asie du sud-est à l'époque.
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Il y a longtemps que j'ai lu ce livre et il m'a marqué. Dès le début, le personnage principal, un Français qui a obtenu un emploi en Indochine qu'on n'appelle pas encore Vietnam doit se cacher et disparaître provisoirement. Il accepte la proposition qui li est faite d'aller loin et se retrouve dans un village misérable, dans une zone de guerre, décrit de manière réaliste, authentique. Si, au début, il n'est là que pour se cacher, il s'attache peu à peu aux personnages, à la jeune femme qui l'a sauvée, voudrait apporter du bien être aux villageois. Il lui faut retourner à Saïgon et là ....
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
[...] ... - "Pourquoi avez-vous ordonné au chef de respecter l'ancien cérémonial pour l'enterrement de mon grand-père ? Beaucoup protesteront car le Viêt-minh peut l'apprendre.

- Il faut qu'un homme soit enterré comme il doit l'être et non pas comme une bête dont on se débarrasse. Depuis quelques années, les habitants de ce village ont oublié trop de choses. Demain, ils devront choisir, et ceux qui ne seront pas avec nous, je les déclarerai nos ennemis et je les combattrai."

Il s'était animé mais s'arrêta brusquement et fronça les sourcils pour mieux cacher sa gêne d'avoir parlé si longtemps et avec une telle force.

Ahn se redressa :

- "Vous parlez comme si vous vouliez que Vinh-Bao soit détruit. Croyez-vous que d'autres villages de la Plaine des Joncs n'aient pas tenté de se révolter ? Le Viêt-minh les a incendiés et leurs habitants ont été tués en exemple."

Horcier ne répondit pas. Cette nuit-là, il avait réfléchi jusqu'à l'aube, et, en quittant la paillote ce matin, il était persuadé que seules la violence et la contrainte redonneraient à Vinh-Bao son visage d'autrefois. Car si les hommes de ce village ne méritaient plus le nom d'hommes, seule la violence, qui ne laisse subsister que la peur, pouvait en rendre compte. Mais, maintenant, il en était moins sûr. Que pouvait une poignée d'hommes affaiblis contre des bataillons bien armés ? ... [...]
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Il avait obéi. Parce qu’il ne pouvait plus agir autrement. Non qu’il fût héroïque ou même simplement hardi. C’était quelque chose de différent, qui n’avait rien à voir avec une morale ou quoi que ce fût de ce genre. Il ne lui venait jamais à l’esprit que cette vérité qu’il avait conquise jour après jour dans le marais n’était peut-être valable que pour lui seul. Pas plus d’ailleurs qu’il ne prétendait l’étendre au reste des hommes.
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L'histoire de Nam et de Hong glissait sur la rizière, où la pluie levait de courtes étincelles brillantes. Elle montait vers le ciel gris, simple et éternelle, avec l'amour, le plaisir, la souffrance et la mort, tout ce qui fait le poids de la vie des hommes. Une autre voix très claire relaya celle de la vieille femme. Une voix pointue, ardente, de très jeune fille, qui filait d'un jet, s'élançait encore, puis devenait étrangement grave.
Dans la rivière, l'averse faisait bouillir l'eau sombre.
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Les hommes et les femmes avaient des visages fiévreux de malades. On les devinait lâches, prêts à toutes les concessions. Ils étaient mornes, avec cependant une étrange férocité d’êtres faibles dans leurs yeux agiles. Des bêtes trop souvent battues qui auraient sans cesse ravalé leur désir de mordre et d’égorger.
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Ça n’empêchait pas que c’était idiot d’être venu se perdre dans ce pays, avec une fille qu’il ne connaissait même pas et qui ne l’aidait que pour de l’argent. Sans compter le Viêt Minh… Si toutes les histoires que les journaux de France racontaient étaient vraies…
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Video de Jean Hougron (1) Voir plusAjouter une vidéo

Littérature
(Le débat commence entre le public et les chroniqueurs à propos d'un article écrit par Matthieu GALEY sur Jean-Paul SARTRE, après son refus du prix Nobel, et dans lequel, Matthieu GALEY explique "qu'il est devenu malgré lui, un auteur lu par les bourgeois"). Sont abordés, les livres :
- " Histoire de Georges Guersant", de Jean HOUGRON - " L' État sauvage", de Georges...
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