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Franck Laurent (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253160595
447 pages
Le Livre de Poche (26/04/2000)
4.01/5   195 notes
Résumé :
L'auteur de ce recueil n'est pas de ceux qui reconnaissent à la critique le droit de questionner le poète sur sa fantaisie, et de lui demander pourquoi il a choisi tel sujet, broyé telle couleur, cueilli à tel arbre, puisé à telle source. L'ouvrage est-il bon ou est-il mauvais ? Voilà tout le domaine de la critique. Du reste, ni louanges ni reproches pour les couleurs employées, mais seulement pour la façon dont elles sont employées. A voir les choses d'un peu haut,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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Je ne me sens pas très qualifié pour rédiger une critique des poésies de Victor Hugo. J'ai lu « Les orientales » et brièvement parcouru « Les Feuilles d'Automne », dans l'édition poésie/Gallimard.
J'ai beaucoup aimé « Les Orientales ». Je m'y suis plongé comme dans un tableau orientaliste. Bien que n'ayant jamais visité l'Orient, Victor Hugo nous fait vivre tous les aspects de cet Orient mythique et fantaisiste, comme dans un rêve. Il suffit de s'y laisser plonger. « Les Feuilles d'Automne » sont beaucoup plus sombres. Il s'agit plutôt d'une réflexion sur l'Humain, le vicissitudes de la vie. Nous sommes avec ces deux recueils, dans la plus pure poésie française du XIXe siècle. Cette poésie sait encore me parler et ce qu'elle me dit me ravit.
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Victor Hugo venait de découvrir l'art pour l'art, bien avant le Parnasse contemporain: Les Orientales était un recueil paré pour être un pur joyau de recherches formelles étincelantes, dans l'exotisme au goût du jour...

Las, voilà la guerre qui éclate entre Grecs et Turcs, impossible de jouer au poète retranché dans sa tour d'ivoire...la Grèce attaquée, c'est le berceau culturel de tout le monde méditerranéen qu'on saccage....les Romantiques s'engagent: certains vont se battre, comme le poète Byron, qui va se faire tuer là-bas. D'autres prennent la plume...

Voilà le paradoxe des Orientales: une poésie formelle, novatrice, brillante, qui se met bientôt au service d'une idée et d'un peuple...
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Une critique où je reprends en résumant ce que j'ai indiqué sur la page de chacune des oeuvres séparément.

Dans les Orientales, Hugo est encore un jeune poète, pas encore un maître. Il cherche donc à révolutionner l'art. On le voit dans la musicalité des vers, avec un jeu très poussé sur les sonorités et sur les longueurs - le poème "Djinns" est assez connu pour cela, à juste titre, il faut le lire à voix haute.
J'ai aussi bien apprécié la préface, où il se justifie de choisir l'Orient, pour ses images évocatrices - on est en plein dans ce que Edward Saïd nommera l'orientalisme. Effectivement, rien ne manque, du sable du désert, aux fontaines des oasis, des esclaves voluptueuses du harem, à la peau cuivrée ou diaphane, aux sabres dégoulinant de sang noir et rouge, dans un croisement incessant entre sensualité - qui est presque de l'érotisme - et violence, de l'héroïsme des Grecs aux massacres des conquérants turcs...
Enfin, il est révélateur de l'évolution politique de Hugo : le poème "Lui" montre que tout ramène au géant de ce siècle, Napoléon. Même en parlant d'Orient, le poète pense au conquérant.

Dans les Feuilles d'automne, il y a moins d'innovations stylistiques, Hugo n'a pas encore mis le "bonnet rouge au vieux dictionnaire", pas encore de grande rupture dans le style, les alexandrins semblent relativement sages dans la forme - réserve-t-il à cette époque l'audace à son théâtre ? La thématique de la beauté de la nature, n'est pas ce que je préfère chez lui, ce certain sentimentalisme parfois un peu fleur bleu...
On retrouve cette admiration pour l'Empereur chez cet Hugo qui a déjà évolué politiquement. Et surtout, on lit déjà une pitié bienveillante pour les pauvres - qui ne sont pas encore misérables. Il salue aussi déjà la liberté, refusant la tyrannie et l'oppression, prêt à se battre - à sa manière, par sa lyre, pour cette valeur suprême.
Et puis ce n'est plus un jeune amoureux chaste, c'est un père de famille, qui a déjà eu des joies et des douleurs, des tromperies aussi. Il se sent déjà au milieu de sa vie, dans "son automne". Il se sent comme un exilé, qui n'est plus à sa place dans sa patrie, qui n'est pas apprécié et qui est critiqué.
Mais finalement, faut-il dire comme l'écrivit Alexandre Dumas en découvrant les Contemplations "qu'il était bon que Hugo souffrît" pour pouvoir écrire une oeuvre si belle ? Lire tout l'amour qu'il porte à la jeune Léopoldine est déchirant par avance, lire l'opinion que Victor Hugo porte sur ses livres - pensant avoir déjà atteint le sommet de son oeuvre est émouvant, alors qu'il lui reste tant de souffrances personnelles et collectives à vivre, tant de douleurs intimes et nationales à partager, mais aussi tant de chef-d'oeuvres à écrire.
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Je le dis par avance, j'ai abandonné. Et pourtant je m'étais préparée à lire de la poésie d'Hugo.
Je le dis par avance, je n'aime pas Hugo. Ces romans ne m'ont pas plu (exception faite au « Roi s'amuse » qui est une pièce grandiose) . Je me suis donc préparée à lire Hugo tout court.
Et j'y ai mis du mien, j'ai lu, je me suis intéressée, j'ai lu les notes de bas de page, j'ai tenté de relire encore et encore certains passages.
Et pourtant ça ne passe pas. Lire Hugo, c'est probablement l'exercice le plus difficile pour quelqu'un qui, comme moi, fonctionne uniquement à l'émotion lors de la lecture de poésie.
Et je pense que là est mon vrai souci avec Hugo. le sujet n'y est pas pour moi. Il y a comme un relent de tragédie grecque mais avec trop de mots, trop d'odeurs, trop de sons. Hugo m'a donnée un peu la nausée avec ses Orientales.
Ce n'est pas mauvais, loin de là, et le consensus tend à lui attribuer un génie incroyable. D'ailleurs, lui même s'attribuait ce mérite sans trop rechigner. Lire Hugo, c'est affirmer et accepter le fait que la lecture de la poésie est dure et douloureuse. Et ce n'est pas ma manière de consommer de la poésie. Quand je lis de la poésie, je n'ai pas envie de tout comprendre, loin de là. Mais j'ai envie de ressentir, de soupirer, d'aimer. Avec Hugo, le contexte derrière est trop dense, trop inaccessible, ce qui m'empêche personnellement d'apprécier ses vers.
En bref, Hugo est fait à mon avis pour les gens qui aiment étudier la poésie. Moi j'aime la ressentir. Donc je passe.
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Des poèmes de Victor Hugo qui sentent le sable, la chaleur et l'odeur capiteuse des harems de jadis. On entend aussi des remous de la guerre entre les vers qui défilent sous nos yeux.

Victor Hugo est très fort pour faire passer la couleur locale d'un ailleurs, un ensemble bien agréable qui nous permet de voguer doucement vers ce pays qui est inconnu, du moins pour ceux qui n'y ont pas été).

Un recueil vraiment sympathique, à savourer !
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Citations et extraits (56) Voir plus Ajouter une citation
OH ! QUI QUE VOUS SOYEZ, JEUNE OU VIEUX, RICHE OU SAGE

Quien no ama, no vive.

Oh ! qui que vous soyez, jeune ou vieux, riche ou sage,
Si jamais vous n'avez épié le passage,
Le soir, d'un pas léger, d'un pas mélodieux,
D'un voile blanc qui glisse et fuit dans les ténèbres,
Et, comme un météore au sein des nuits funèbres,
Vous laisse dans le coeur un sillon radieux ;

Si vous ne connaissez que pour l'entendre dire
Au poète amoureux qui chante et qui soupire,
Ce suprême bonheur qui fait nos jours dorés,
De posséder un coeur sans réserve et sans voiles,
De n'avoir pour flambeaux, de n'avoir pour étoiles,
De n'avoir pour soleils que deux yeux adorés ;

Si vous n'avez jamais attendu, morne et sombre,
Sous les vitres d'un bal qui rayonne dans l'ombre,
L'heure où pour le départ les portes s'ouvriront,
Pour voir votre beauté, comme un éclair qui brille,
Rose avec des yeux bleus et toute jeune fille,
Passer dans la lumière avec des fleurs au front ;

Si vous n'avez jamais senti la frénésie
De voir la main qu'on veut par d'autres mains choisie,
De voir le coeur aimé battre sur d'autres coeurs ;
Si vous n'avez jamais vu d'un oeil de colère
La valse impure, au vol lascif et circulaire,
Effeuiller en courant les femmes et les fleurs ;

Si jamais vous n'avez descendu les collines,
Le coeur tout débordant d'émotions divines ;
Si jamais vous n'avez le soir, sous les tilleuls,
Tandis qu'au ciel luisaient des étoiles sans nombre,
Aspiré, couple heureux, la volupté de l'ombre,
Cachés, et vous parlant tout bas, quoique tout seuls ;

Si jamais une main n'a fait trembler la vôtre ;
Si jamais ce seul mot qu'on dit l'un après l'autre,
JE T'AIME ! n'a rempli votre âme tout un jour ;
Si jamais vous n'avez pris en pitié les trônes
En songeant qu'on cherchait les sceptres, les couronnes,
Et la gloire, et l'empire, et qu'on avait l'amour !

La nuit, quand la veilleuse agonise dans l'urne,
Quand Paris, enfoui sous la brume nocturne
Avec la tour saxonne et l'église des Goths,
Laisse sans les compter passer les heures noires
Qui, douze fois, semant les rêves illusoires,
S'envolent des clochers par groupes inégaux ;

Si jamais vous n'avez, à l'heure où tout sommeille,
Tandis qu'elle dormait, oublieuse et vermeille,
Pleuré comme un enfant à force de souffrir,
Crié cent fois son nom du soir jusqu'à l'aurore,
Et cru qu'elle viendrait en l'appelant encore,
Et maudit votre mère, et désiré mourir ;

Si jamais vous n'avez senti que d'une femme
Le regard dans votre âme allumait une autre âme,
Que vous étiez charmé, qu'un ciel s'était ouvert,
Et que pour cette enfant, qui de vos pleurs se joue,
Il vous serait bien doux d'expirer sur la roue ; ...
Vous n'avez point aimé, vous n'avez point souffert !

Les Feuilles d'automne
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Enfant, vous êtes l'aube et mon âme est la plaine
Qui des plus douces fleurs embaume son haleine
Quand vous la respirez ;
Mon âme est la forêt dont les sombres ramures
S'emplissent pour vous seul de suaves murmures
Et de rayons dorés !

Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies,
Car vos petites mains, joyeuses et bénies,
N'ont point mal fait encor ;
Jamais vos jeunes pas n'ont touché notre fange,
Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds ! bel ange
À l'auréole d'or !

Vous êtes parmi nous la colombe de l'arche.
Vos pieds tendres et purs n'ont point l'âge où l'on marche.
Vos ailes sont d'azur.
Sans le comprendre encor vous regardez le monde.
Double virginité ! corps où rien n'est immonde,
Âme où rien n'est impur !
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LES FEUILLES D'AUTOMNE

Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,
Et du premier consul, déjà, par maint endroit,
Le front de l'empereur brisait le masque étroit.
Alors dans Besançon, vieille ville espagnole,
Jeté comme la graine au gré de l'air qui vole,
Naquit d'un sang breton et lorrain à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix ;
Si débile qu'il fut, ainsi qu'une chimère,
Abandonné de tous, excepté de sa mère,
Et que son cou ployé comme un frêle roseau
Fit faire en même temps sa bière et son berceau.
Cet enfant que la vie effaçait de son livre,
Et qui n'avait pas même un lendemain à vivre,
C'est moi. -

Je vous dirai peut-être quelque jour
Quel lait pur, que de soins, que de voeux, que d'amour,
Prodigués pour ma vie en naissant condamnée,
M'ont fait deux fois l'enfant de ma mère obstinée,
Ange qui sur trois fils attachés à ses pas
Épandait son amour et ne mesurait pas !
Ô l'amour d'une mère ! amour que nul n'oublie !
Pain merveilleux qu'un dieu partage et multiplie !
Table toujours servie au paternel foyer !
Chacun en a sa part et tous l'ont tout entier !

Je pourrai dire un jour, lorsque la nuit douteuse
Fera parler les soirs ma vieillesse conteuse,
Comment ce haut destin de gloire et de terreur
Qui remuait le monde aux pas de l'empereur,
Dans son souffle orageux m'emportant sans défense,
A tous les vents de l'air fit flotter mon enfance.
Car, lorsque l'aquilon bat ses flots palpitants,
L'océan convulsif tourmente en même temps
Le navire à trois ponts qui tonne avec l'orage,
Et la feuille échappée aux arbres du rivage !

Maintenant, jeune encore et souvent éprouvé,
J'ai plus d'un souvenir profondément gravé,
Et l'on peut distinguer bien des choses passées
Dans ces plis de mon front que creusent mes pensées.
Certes, plus d'un vieillard sans flamme et sans cheveux,
Tombé de lassitude au bout de tous ses voeux,
Pâlirait s'il voyait, comme un gouffre dans l'onde,
Mon âme où ma pensée habite, comme un monde,
Tout ce que j'ai souffert, tout ce que j'ai tenté,
Tout ce qui m'a menti comme un fruit avorté,
Mon plus beau temps passé sans espoir qu'il renaisse,
Les amours, les travaux, les deuils de ma jeunesse,
Et quoiqu'encore à l'âge où l'avenir sourit,
Le livre de mon coeur à toute page écrit !

Si parfois de mon sein s'envolent mes pensées,
Mes chansons par le monde en lambeaux dispersées ;
S'il me plaît de cacher l'amour et la douleur
Dans le coin d'un roman ironique et railleur ;
Si j'ébranle la scène avec ma fantaisie,
Si j'entre-choque aux yeux d'une foule choisie
D'autres hommes comme eux, vivant tous à la fois
De mon souffle et parlant au peuple avec ma voix ;
Si ma tête, fournaise où mon esprit s'allume,
Jette le vers d'airain qui bouillonne et qui fume
Dans le rythme profond, moule mystérieux
D'où sort la strophe ouvrant ses ailes dans les cieux ;
C'est que l'amour, la tombe, et la gloire, et la vie,
L'onde qui fuit, par l'onde incessamment suivie,
Tout souffle, tout rayon, ou propice ou fatal,
Fait reluire et vibrer mon âme de cristal,
Mon âme aux mille voix, que le Dieu que j'adore
Mit au centre de tout comme un écho sonore !

D'ailleurs j'ai purement passé les jours mauvais,
Et je sais d'où je viens, si j'ignore où je vais.
L'orage des partis avec son vent de flamme
Sans en altérer l'onde a remué mon âme.
Rien d'immonde en mon coeur, pas de limon impur
Qui n'attendît qu'un vent pour en troubler l'azur !

Après avoir chanté, j'écoute et je contemple,
A l'empereur tombé dressant dans l'ombre un temple,
Aimant la liberté pour ses fruits, pour ses fleurs,
Le trône pour son droit, le roi pour ses malheurs ;
Fidèle enfin au sang qu'ont versé dans ma veine
Mon père vieux soldat, ma mère vendéenne !
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Lorsque l'enfant paraît

Le toit s'égaie et rit.
ANDRÉ CHÉNIER.


Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris.
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,
Innocent et joyeux.

Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre
Fasse autour d'un grand feu vacillant dans la chambre
Les chaises se toucher,
Quand l'enfant vient, la joie arrive et nous éclaire.
On rit, on se récrie, on l'appelle, et sa mère
Tremble à le voir marcher.

Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme,
De patrie et de Dieu, des poètes, de l'âme
Qui s'élève en priant ;
L'enfant paraît, adieu le ciel et la patrie
Et les poètes saints ! la grave causerie
S'arrête en souriant.

La nuit, quand l'homme dort, quand l'esprit rêve, à l'heure
Où l'on entend gémir, comme une voix qui pleure,
L'onde entre les roseaux,
Si l'aube tout à coup là-bas luit comme un phare,
Sa clarté dans les champs éveille une fanfare
De cloches et d'oiseaux.

Enfant, vous êtes l'aube et mon âme est la plaine
Qui des plus douces fleurs embaume son haleine
Quand vous la respirez ;
Mon âme est la forêt dont les sombres ramures
S'emplissent pour vous seul de suaves murmures
Et de rayons dorés !

Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies,
Car vos petites mains, joyeuses et bénies,
N'ont point mal fait encor ;
Jamais vos jeunes pas n'ont touché notre fange,
Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds ! bel ange
À l'auréole d'or !

Vous êtes parmi nous la colombe de l'arche.
Vos pieds tendres et purs n'ont point l'âge où l'on marche.
Vos ailes sont d'azur.
Sans le comprendre encor vous regardez le monde.
Double virginité ! corps où rien n'est immonde,
Âme où rien n'est impur !

Il est si beau, l'enfant, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,
Laissant errer sa vue étonnée et ravie,
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers !

Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j'aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,
De jamais voir, Seigneur ! l'été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants !

Mai 1830.
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IX
LA CAPTIVE

On entendait le chant des oiseaux aussi harmonieux que la poésie.
SADI. Gulistan.

Si je n'étais captive,
J'aimerais ce pays,
Et ces mers plaintives,
Et ces champs de maïs,
Et ces astres sans nombre,
Si le long du mur sombre,
N'étincelait dans l'ombre
Le sabre des Spahis.

Je ne suis point tartare,
Pour qu'un eunuque noir,
M'accorde ma guitare,
Me tienne mon miroir.

Bien loin de ces Sodomes,
Au pays dont nous sommes,
Avec les jeunes hommes,
On peut parler le soir.

Pourtant j'aime une rive,
Où jamais les hivers,
Le souffle froid n'arrive,
Par des vitraux ouverts.

L'été la pluie est chaude,
L'insecte vert qui rôde,
Luit. Vivante émeraude,
Sous les brins d'herbe verts.

Smyrne est une princesse,
Avec son beau chapel;
L'heureux printemps sans cesse
Répond à son appel,
Et, Comme un riant groupe,
De fleurs dans une coupe,
Dans ces mers se découpe,
Plus d'un frais archipel.

J'aime ces tours vermeilles,
Ces drapeaux triomphants,
Ces maisons d'or, Pareilles
A des jouets d'enfants;
J'aime, pour mes pensées,
Plus mollement bercées,
Ces tentes balancées,
Aux dos des éléphants.

Dans ce palais de fées,
Mon cœur, plein de concerts,
Croit, aux voix étouffées,
Qui viennent des déserts,
Entendre les génies
Mêler les harmonies,
Des chansons infinies,
Qu'ils chantent dans les airs!

J'aime de ces contrées,
Les doux parfums brûlants,
Sur les vitres d'orées
Les feuillages tremblants,
L'eau que la source épanche,
Sous le palmier qui penche,
Et la cigogne blanche,
Sous les minarets blancs.

J'aime en lit de mousses,
Dire un air espagnol,
Quand mes compagnes douces,
Du pied rasant le sol,
Légions vagabonde,
Où le sourire abonde,
Font tournoyer leur ronde,
Sous un rond parasol.

Mais surtout quand la brise,
Me touche en voltigeant,
La nuit j'aime être assise,
Être assise en songeant,
L’œil sur la mer profonde,
Tandis que pâle et blonde,
La lune ouvre dans l'onde,
Son éventail d'argent.

7 juillet 1828.
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