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Bernard Leuilliot (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253160786
575 pages
Le Livre de Poche (11/04/2001)
4.1/5   1793 notes
Résumé :
Initialement prévu comme le dernier volet d’une trilogie consacrée à la Révolution française, le livre se situe aux heures les plus noires du soulèvement populaire : la Terreur.
La Convention a « abdiqué » après un bain de sang orchestré par les girondins et comme emportés par une folie meurtrière, les vainqueurs - Danton et Robespierre – vont s’affronter à mort.

Victor Hugo place son décor en Vendée où les royalistes tentent un dernier coup ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (118) Voir plus Ajouter une critique
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Voici mon roman favori de Hugo. C'est celui qui m'a fait la plus belle impression, malgré la très vive concurrence que lui font Les Misérables et de Notre-Dame de Paris.
Je suis conscient de la singularité de ma préférence et j'aimerais tenter de vous la faire comprendre.
Tout cela tient à ma perception de Hugo. Pour moi, c'est l'homme magistral des lettres françaises. À mon avis, il a su, mieux que personne, écrire en prenant une perspective à la fois élevée et pleine d'une compréhension généreuse et touchante. Cette particularité tient du génie, du miraculeux. Je ne crois pas qu'on puisse l'expliquer. Il a pu disposer d'un esprit tout naturellement grand, exactement comme d'autres disposent d'une grande taille, d'une grande fortune, etc., c'est tout.
Cette grandeur se manifeste de la manière la plus parfaite dans ses poèmes, mais je la sens même dans ses pamphlets, ouvrages dont le style et les sujets sont, par définition, on ne peut plus terre à terre. Et parmi ses romans, celui où cette particularité, qui fait pour moi le charme unique des ouvrages de Hugo, apparaît de la manière la plus éclatante, c'est Quatrevingt-treize.
Hugo s'est très bien documenté sur la période de la terreur pour écrire ce livre, dont l'horizon est la lutte entre révolutionnaires et monarchistes. Malgré ses convictions personnelles favorables à la révolution, Hugo dépasse sa perspective de simple citoyen pour exposer d'une manière juste et généreuse les tares et qualités de chacun des partis.
On s'y sent, tout en douceur, transporté en survol au-dessus des évènements terribles de cette période troublée.
Un pur délice.
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Je viens de découvrir tardivement mais avec bonheur ce qui fut le dernier roman de Victor Hugo. Quatrevingt-treize claque comme une date fatidique, celle de la Terreur, cette courte mais fulgurante période de l'Histoire de France que certains ont résumé par ces seuls adjectifs : affreuse, inévitable, nécessaire...
« Les Révolutions font un bien éternel dans leur mal passager. » J'aimerais tant y croire.
La Terreur, c'est la réplique de la Monarchie dans toute son horreur absolue, mais sans doute pire encore... Alors, forcément sous la plume de Victor Hugo, cela prend des proportions gigantesques.
Quatrevingt-treize , c'est une béance, l'écart, le pas de côté, la suspension du temps qui fait L Histoire, le temps qui sort de ses gongs, la violence des éléments déchaînés et des astres qui se cognent entre eux, puis le temps qui se retire et revient comme une vague après la tempête.
Quatrevingt-treize décrit les affres d'un pays déchiré entre révolutionnaires, contre-révolutionnaires révoltés, la difficulté de faire avancer de concert Revolution et République, au-delà de cette date fatidique.
Quatrevingt-treize, c'est tout d'abord une affiche de choc, le casting de rêve. Trois géants, trois titans assoiffés d'idéal et de pouvoir, - Robespierre, Danton, Marat, sont à la manoeuvre pour tenter de faire survivre la Révolution française et le rêve républicain, mais à quel prix ? Ils ont chacun une vision différente du chemin pour y parvenir. La Convention est en place animée par la férocité du devoir, la tyrannie de l'exigence, tenir le désir collectif et le transcender. L'ombre de la guillotine se dessine à chaque instant dans ce contexte politique effroyable dont Victor Hugo a su saisir toute l'ambiguïté : comment expliquer que d'un élan collectif généreux viennent ensuite la peur et le sang pour faire survivre cette cause , comment nous convaincre que sur ce chaos de la barbarie puisse se construire un jour la civilisation ?
Si je devais exprimer une seule citation du roman qui le résume avec force, ce serait celle-ci : « Ce qui fait la nuit en nous peut laisser en nous les étoiles. »
J'ai tenté de saisir au cours de ma lecture les rayons de lumière de ces pages, d'avancer dans les ténèbres de ce texte et j'en ai été ébloui.
Victor Hugo va entrelacer les itinéraires de trois personnages essentiels du roman dans le fracas de la grande Histoire et c'est là que le roman prend une dimension vertigineuse et magistrale.
De ces trois personnages, le peintre qu'est Victor Hugo va en saisir avec sa palette toutes les nuances entre le blanc et le noir.
Car le clair-obscur de Victor Hugo, ce n'est pas le clair d'un côté et l'obscur de l'autre. C'est le ciel étoilé dans la tempête et le bateau qui tangue, laissant tour à tour se nouer et se dénouer les vagues, écarter et entrelacer les nuages, faire dégringoler la lumière, la dompter et l'apaiser...
La lumière et l'ombre sont partout, la lumière et les ténèbres, presque à chaque page de ce récit et se répondent comme si c'était un dialogue. Au-delà du fameux clair-obscur un peu réducteur pour enfermer le jeu d'écriture de Victor Hugo, cela n'est en rien manichéen. Tout est plus nuancé et imbriqué qu'il n'y paraît.
La Révolution, c'est une tempête, peut-être la tempête qui rince les pages du début du roman, qui nettoie le ciel et bouscule l'océan, la fureur du souffle et le ciel étoilé qui revient plus tard, une fois le ciel lavé de toute cette tourmente.
Alors ces trois personnages, qui sont-ils ? Non pas Robespierre, Danton, ni Marat. Eux sont là en arrière-plan pour planter le décor historique. Non, Victor Hugo va convoquer des acteurs du terrain qu'il a à peine imaginés, des héros dont la grande Histoire ne retiendra sans doute pas les noms et les faits...
Le marquis de Lantenac, royaliste, apparaît dès le début comme un personnage cruel et sans concession, prêt à faire fusiller femmes et enfants sans scrupules. Il est la monarchie même dans son horreur et dans son aspect impitoyable, pourtant dans la suite du roman il va se révéler bien plus noble et vertueux qu'il n'est en réalité...
Cimourdain est ce prêtre qui a rejoint la cause révolutionnaire, sa vision de la République est absolue, elle est en miroir celle de la royauté dans son horreur, impitoyable et sans concession. Pourtant dans son idéal de vie, j'ai aimé son côté pygmalion, c'est lui qui a éduqué et peut-être fait ce qu'il est cet enfant qui a grandi sous son ombre, au nom de Gauvin.
Gauvain, justement, bien qu'issu d'un milieu monarchiste, a choisi également le camp républicain, il a une vision plus clémente du monde tel qu'il le rêve. Il est le neveu du marquis de Lantenac, ce qui montre ici le déchirement des familles. Comment ne pas voir tout au long du roman la figure d'Hugo dans ce personnage d'archange épris d'humanité ?
Ils rassemblent à eux trois tout le spectre qui oscille entre violence et clémence, entre barbarie et héroïsme.
Et puis il y a cette jeune mère, Michelle Fléchard et ses trois chérubins perdus dans une forêt bretonne, découverts au détour d'une embuscade dans le trou d'un fourré par le bataillon du Bonnet-Rouge.
Sa trajectoire traverse celle de la guerre civile qui met à feu et à sang l'ouest de la France, de la Normandie à la Vendée en passant par la Bretagne.
Plus tard le corps traversé par les balles royalistes qui ne l'ont pas tuée, elle va se relever, marcher pieds nus dans la forêt et sur les chemins à la recherche de ses trois chérubins enlevés. Elle se moque bien de savoir de quels côtés sont le bien et le mal, elle veut à toute force les retrouver, c'est une quête farouche, animale qui la fait tenir debout, comme une louve...
C'est une mère, elle incarne toutes les mères, toutes les victimes qui meurent sans distinction d'opinions. C'est à elle seule le peuple opprimé qu'aime décrire Victor Hugo, ce peuple ici déchiré par la guerre civile, car la misère est des deux côtés, ce sont les pauvres gens...
Ses enfants sont là-bas, enfermés dans la Tourgue, cette sorte d'édifice médiéval perdu aux confins d'une forêt vendéenne où va se jouer une seconde fois la prise de la Bastille si loin de Paris.
Il y a quelque chose d'homérique dans cette bataille que s'apprêtent à se livrer ces extrêmes impossibles à réconcilier et d'où va surgir le théâtre essentiel du roman, là où Victor Hugo invite ses personnages à vouloir tout autant chercher l'affrontement que la clémence, dans ce souffle ultime qui peut encore sauver la Révolution. C'est comme un battement de coeur dans l'irruption du fer et du feu que vont croiser ses hommes presque ordinaires et qu'un idéal de vie va jeter au champ d'honneur, avec cette dimension irrationnelle et absurde que portent toutes les guerres et encore plus les guerres civiles, celles qui jettent femmes et enfants dans la boue des talus.
On aura beau dire que Victor Hugo c'est grandiloquent, que Victor Hugo c'est une langue excessive, lyrique, démesurée. Oui, tout ceci est vrai, mais ce qui est vrai aussi, c'est qu'il est un écrivain énorme au sens premier du terme. Ce qui est vrai aussi, c'est que j'ai été emporté dans le tumulte de ses mots et sa façon de me raconter une histoire.
La fin du récit est tout simplement sidérante, vaut tous les plaidoyers contre la peine de mort...
Quatrevingt-treize, c'est une écriture romanesque, poétique, vertigineuse, qui prend le parti de l'humanité, le seul parti qui vaille la peine de se battre.

Merci à mes compagons de voyage pour cette aventure collective vers deux livres hors-norme du père Hugo qui ne l'est pas moins. Les chemins de Doriane et du mien ont bifurqué vers Quatrevingt-treize, tandis que nos autres camarades s'en allaient vers le bruit et la fureur de L'homme qui rit...
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Je vous ai présenté, dans l'ordre chronologique d'écriture, mes critiques de sept romans de Victor Hugo ( il en a écrit neuf ).
Ce dernier roman est fabuleux !
Le thème du roman est la résistance chouane de Lantenac, La Rochejaquelin, Jean Chouan, et le général Charette, aux Républicains incarnés par Gauvin et Cimourdin.
Nous sommes en 1793, en Bretagne du nord. Pas de grâce ! Pas de prisonnier ! Après une défense valeureuse du Claymore contre l'escadre républicaine, le capitaine sauve le marquis de Lantenac, royaliste, qui débarque à l'embouchure du Coueson pour rassembler les 500.000 Chouans et Vendéens qui luttent âprement contre les sans culottes...
.
"Il y avait une fois un roi et une reine. le roi c'était le roi, et la reine, c'était la France. On a tranché la tête au roi, et marié la reine à Robespierre ; ce monsieur et cette dame ont eu une fille qu'on nomme la guillotine, et avec laquelle il paraît que je ferai connaissance demain matin." , dit Lantenac.
.
Mais alors !
Victor Hugo a inventé, en 1874 le thriller !
On angoisse devant les situations improbables …
Les marins arrêteront-ils ce canon désentravé qui, au gré des heurts des vagues, court comme un taureau furieux sur le pont ?
Le Claymore sortira-t-il de cette situation improbable ?
La Flécharde, les pieds en sang, retrouvera-t-elle ses enfants ?
Le vieux marquis, tellement brave et chevaleresque, survivra-t-il ?
Pris en étau entre la loi et la raison, que décideront Tellmarch, Gauvin, Cimourdain ?
Devant le choix cornélien entre la liberté et le coeur, que fera le marquis ?
Etc...
Plus fort que Jean Christophe Grangé par les situations angoissantes et les rebondissements, plus fort même que Ken Follett par les mises en situation historique !
Et avec une qualité d'écriture supérieure, très actuelle, à plus d'un siècle de distance, avec des vérités courtes et tranchantes ; par exemple :
La Vieuville :
« Ah ! cette république ! que de dégâts pour peu de choses ! »
Plus loin, Tellmarch :
« Suis-je hors la loi ? Je n'en sais rien. Mourir de faim, est-ce être dans la loi ? »
Le même :
« Les pauvres, les riches, c'est une terrible affaire. C'est ce qui produit les catastrophes. »
Hugo :
« On sort de Louis XIV comme on sort de Robespierre avec un grand besoin de respirer. »
Sur Cimourdain :
« La science avait démoli sa foi. »
Sur Gauvain :
« C'était son fils ; le fils, non de sa chair, mais de son esprit. »
Etc ...
.
La plus belle phrase, pour moi, est la réponse de Gauvain, le soldat philosophe à la question de son maître :
-- Qu'y a-t-il au-dessus de la justice ?
-- L'équité. »
.
Victor Hugo est profondément républicain. Dans ce livre, il analyse la création de la première République, et met en scène Robespierre et Danton. Par la voix du républicain-philosophe Gauvain, neveu de Lantenac qui traque ce dernier, il analyse les outrances du système des sans-culottes, notamment incarné par Cimourdain, une sorte de Javert de ce roman.
.
.
Hugo Boss bien, et même très bien ! Ce dernier roman fut son le meilleur pour moi ! Je sais, je l'ai déjà dit avec « Notre-Dame », mais celui-ci le surpasse, et égale « Les Misérables ».
A la fin de l'écriture de « Les Misérables », Victor Hugo fait des recherches approfondies sur la Révolution, envisageant d'écrire son prochain roman là-dessus. Il sortira d'abord « Les Travailleurs de la Mer » en hommage à l'île qui l'a accueilli durant son exil.
Dans « Les Misérables », les amis de l'ABC, Républicains sous Louis-Philippe, font de nombreuses références à la Révolution Française, mère de la Première République. Victor était un peu Combeferre, il sera un peu Gauvin dans « Quatrevingt-treize ».
Le seul défaut sont les logorrhées, manie habituelle de l'auteur. Mais il n'y en a que deux, sur Paris et sur la Convention, et elles sont assez courtes.
.
La loi, la justice : c'est l'éternel combat de Victor Hugo, que
l'on retrouve dans tous ses romans :
la justice est mal faite !
L'auteur met en exergue l'absurdité de certaines décisions judiciaires. Je pense que malgré leurs différents littéraires, il aurait rejoint Emile Zola sur l'affaire Dreyfus.
.
A la fin du livre, par la voix de Gauvain, c'est un peu un testament politique qu'Hugo nous délivre, et je le trouve extrêmement moderne et écologique : )
.
Je dois ajouter, pour modérer mon enthousiasme pour ce roman, et pour être impartial que les Vendéens furent vraiment génocidés par les Bleus ; ce qui n'enlève rien à la qualité d'écriture de Victor Hugo.
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Dans Quatrevingt-Treize Victor Hugo nous parle d'un pan de l'histoire de France, de cette guerre civile qui ne dit pas son nom et qui opposa les Chouans, paysans royalistes principalement bretons et les républicains. Cette dualité est personnifiée par dCimourdain pour les républicains et le marquis de Lantenac pour les royalistes. Cela permet à Victor HUGO d'exposer les idéaux des deux parties de manière assez manichéenne. Les personnages deviennent ainsi l'allégorie de ces deux visions du pouvoir qui s'opposent radicalement. Ces deux hommes jusqu'au-boutistes me sont apparus comme personnifiant ce qu'il y avait de plus pervers à pousser une idéologie à l'extrême.

Entre ces deux hommes il y a Gauvain, un Républicain mais avant tout un homme. Il représente pour moi l'être humain, celui qui fait passer sa conscience et son coeur avant les idées qu'elles qu'elles soient. Il agit en son âme et conscience plus que par conviction. Il fait ce qui lui semble juste d'abord et avant tout. Il fait écho à Tellmarch aussi appelé le caimant qui lui n'est ni Royaliste, ni Républicain. Il veut juste faire ce qui est bien.

J'ai trouvé que Victor HUGO prêtait parfois à ses personnages une grandeur d'âme qui relève plus de l'idéal que de la nature humaine.

Je reste par exemple sceptique quant à la réaction du matelot Halmalo qui fait preuve de beaucoup de magnanimité vis à vis de Lantenac. On peut se dire que Lantenac a su le convaincre mais là non plus je ne suis pas convaincue. de même je m'interroge sur l'attitude, presque sainte, de Tellmarch vis à vis de Lantenac. Attitude dont il se mordra les doigts et qui l'amènera à une grande introspection. Une occasion de plus pour l'auteur de décortiquer la nature humaine, ce qu'il affectionne tout particulièrement.

Un HUGO parfois grandiloquent et extrêmement bavard. C'est un euphémisme de dire qu'il y a des longueurs car l'auteur aime se perdre dans les méandres de l'âme humaine et dans le labyrinthe des tiraillements de l'esprit humain. Toutefois je dois bien reconnaître que c'est fait avec classe et l'écriture dénote d'un esprit affûté et terriblement érudit. Je n'aurais jamais saisi toutes les allusions faites sans les précieuses notes de bas de page. le texte regorge de références, de clins d'oeil autant historiques, mythologiques que littéraires. Pour autant Victor HUGO ce n'est pas que ça, c'est aussi un homme de convictions qui manie l'ironie et la critique avec une aisance déconcertante.

S'il se sert de ses personnages comme les porte-lances d'une idéologie c'est très différent avec les personnages historiques. Ainsi nous assistons au fin fond d'un café parisien, à des passes d'armes entre Marat, Robespierre et Danton dont on pourrait croire que HUGO fut le témoin et même le scribe. Victor HUGO s'en sert pour mettre en avant les personnalités différentes de ces trois figures de la Terreur tant et si bien qu'à la fin je ne savais plus lequel était le plus inhumain et le plus imbu de lui même. Il poursuit les portraits de ces hommes en nous relatant des échanges officiels dans des lieux de pouvoir et nous montre ainsi leurs différentes facettes. C'est aussi révélateur de la tension qui régnait à l'époque où le moindre faux pas pouvait vous conduire à l'échafaud. Ces hommes sont tous des équilibristes qui tout en tentant de rester sur leur fil tentent de faire tomber leurs concurrents. Luttes de pouvoirs et d'égos qui en disent long.

Et puis l'histoire dans tout ça ? Et bien elle dit toutes ce que les histoires de Victor HUGO nous racontent ; que ce sont toujours les pauvres qui en bavent le plus, que ce sont eux qui sont en première ligne, que finalement que l'on parle d'aristocrate ou de bourgeois c'est du pareil au même pour les gens du peuple : ils sont toujours un cran en dessous. Royalistes ou Républicains ceux qui tombèrent en première ligne, ceux qui souffrirent le plus, ce sont les gens du peuples, pas ceux qui ont pris les décisions et ont prônés des idéaux. Victor HUGO nous offre une fin poignante laissant finalement percer l'homme sous le représentant des idées, qu'il s'agisse de Cimourdain ou de Lantenac. Preuve s'il en fallait vraiment une qu'il est fort le bonhomme !

Une lecture exigeante, intéressante, qui demande qu'on lui accorde du temps et de la disponibilité d'esprit. Une lecture qui, tantôt m'a emportée, tantôt m'a laissé sur le bord de la route. J'avoue avoir était beaucoup moins séduite que par Les Misérables ou le dernier jour d'un condamné par exemple mais le propos est très différent.

Merci aux copains qui ont fait la LC Victor HUGO avec moi même si nous avons lu des livres différents les échanges ont été enrichissants. Particulièrement ceux avec berni chou puisque nous lisions le même livre. D'ailleurs copain j'attends ton étude comparative entre ce que papi HUGO nous a raconté des Bretons et la vérité historique !
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Il y a des dates qui font frémir d'excitation et d'effroi par leur seule puissance évocatrice, par la marque sanglante et brûlante qu'elles ont laissée sur l'Histoire. 1793 en fait partie. 1793, c'est la Révolution Française dans ce qu'elle a de plus violent et de plus passionné, c'est la Terreur, la mise à mort de la royauté, les massacres, la guerre partout – à l'extérieur des frontières, bien sûr, mais aussi en Vendée où paysans et autres petites gens mènent une guérilla impitoyable contre l'armée républicaine. Et c'est bien en Vendée, terre de religion, de tradition et de violence, que se déroule le magnifique roman « Quatrevingt-treize » de Victor Hugo.

C'est en Vendée que le marquis de Lantenac, brillant général et féroce royaliste, est envoyé pour organiser les petites bandes de paysans révoltés en une véritable armée organisée. Sur place, il a la désagréable surprise de trouver à la tête des forces républicaines son neveu Gauvain, jeune noble rallié par idéalisme aux valeurs de la Révolution. Autant dire que les retrouvailles ne seront pas des plus chaleureuses… A ce duo, s'ajoute le personnage de Cimourdain, le père adoptif de Gauvain et également ardent républicain, aussi fanatique dans sa haine de l'aristocratie que le vieux Lantenac dans sa dévotion aveugle à la cause de la monarchie. Trois personnages, trois conceptions inconciliables de la France, de l'honneur et du devoir qui vont s'affronter dans les forêts de Vendée où la Nature elle-même semble être entrée en guerre aux côtés des belligérants. Vous aussi, vous vous doutez que tout cela se terminera fort mal, hein ?

Premier roman lu de Victor Hugo : première claque ! Deux ans après, j'en suis encore toute étourdie et il m'arrive régulièrement de relire un passage par-ci, par-là et de retrouver à chaque fois la même émotion brute qu'à la première découverte. J'ai lu plusieurs autres livres du sieur Hugo depuis, mais aucun ne m'a marqué aussi profondément que « Quatrevingt-treize », dernier roman de l'auteur et peut-être le plus pur et le plus dénué d'artifices littéraires (à vérifier, ceci dit, il me faut encore lire un ou deux de ses ouvrages pour avoir une opinion définitive). Tout est parfait dans ce livre : le style superbe, le contexte historique restitué avec fougue et passion, les sentiments humains décortiqués avec une subtilité confondante… Je ne peux que m'insurger bruyamment contre les lecteurs qui osent prétendre les personnages trop stéréotypés ! Certes, ils ont chacun une grande portée symbolique – illustrations vivantes des conflits et de ambiguïtés de leur siècle – mais ils sont aussi terriblement humains, dans tout ce que l'humanité a de plus fragile, de plus faillible et de plus touchant. Et Hugo n'a pas son pareil pour faire percer cette humanité, non dans des grands discours, mais dans une phrase, un mot et – dans le cas du terrible marquis de Lancenac – un geste.

« Quatrevingt-treize », c'est également une vision terriblement noire de la Révolution Française (oh, ce magnifique passage rassemblant Robespierre, Marat et Danton – le loup, le serpent et l'ours – dans un huis-clos d'une virtuosité à couper le souffle ! Je ne m'en lasserai jamais…) Républicain convaincu, Victor Hugo ne condamne jamais les aspirations qui sont à l'origine de la Révolution, mais met en scène les contradictions d'un système qui, à force de vouloir défendre par l'acier et le feu ses nobles idéaux, a fini par les étouffer dans le sang. Cette contradiction est illustrée par la relation tendre et conflictuelle entre Gauvain et Cimourdain : l'un pense la Révolution avec son coeur, l'autre avec sa tête. C'est, hélas, cette deuxième vision qui prévaudra finalement et c'est sous le couperet de la guillotine que Hugo fera périr la dernière étincelle de pureté de la première République. Sans rire, si vous n'avez pas les larmes aux yeux aux dernières lignes, il faut sérieusement penser à consulter un psy…

Conclusion ? Il avait vraiment un gros gros égo, Hugo, mais qu'est-ce qu'il le valait bien, le bougre…
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(Citation un peu longue sans doute mais quelle puissance dans ce passage...)

Danton venait de se lever ; il avait vivement reculé sa chaise.

- Ecoutez, cria-t-il. Il n'y a qu'une urgence, la République en danger. Je ne connais qu'une chose, délivrer la France de l'ennemi. Pour cela tous les moyens sont bons. Tous ! tous ! tous ! Quand j'ai affaire à tous les périls, j'ai recours à toutes les ressources, et quand je crains tout, je brave tout. Ma pensée est une lionne. Pas de demi-mesures. Pas de pruderie en révolution. Némésis n'est pas une bégueule. Soyons épouvantables et utiles. Est-ce que l'éléphant regarde où il met sa patte ? Ecrasons l'ennemi.

Robespierre répondit avec douceur :

- Je veux bien.

Et il ajouta :

- La question est de savoir où est l'ennemi.
- Il est dehors, et je l'ai chassé, dit Danton.
- Il est dedans, et je le surveille, dit Robespierre.
- Et je le chasserai encore, reprit Danton.
- On ne chasse pas l'ennemi du dedans.
- Qu'est-ce donc qu'on fait ?
- On l'extermine.
- J'y consens, dit à son tour Danton.

Et il reprit :

- Je vous dis qu'il est dehors, Robespierre.
- Danton, je vous dis qu'il est dedans.
- Robespierre, il est à la frontière.
- Danton, il est en Vendée.
- Calmez vous, dit une troisième voix, il est partout ; et vous êtes perdus.

C'était Marat qui parlait.
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Le marquis considérait cet homme.
_ De quel côté êtes-vous donc ? demanda le marquis ; êtes-vous républicain ? êtes-vous royaliste ?
_ Je suis pauvre
_ Ni royaliste, ni républicain ?
_ Je ne crois pas.
_ Etes-vous pour ou contre le roi ?
_ Je n'ai pas le temps de ça.
_ Qu'est-ce que vous pensez ce qui se passe ?
_ Je n'ai pas de quoi vivre.
_ Pourtant vous venez à mon secours.
_ J'ai vu que vous étiez hors-la-loi. Qu'est-ce que cela la loi ? On peut donc être dehors. Je ne comprends pas. Quant à moi, suis-je hors la loi ? Je n'en sais rien. Mourir de faim, est-ce être dans la loi ?
_ Depuis quand mourez-vous de faim ?
_ Depuis toute ma vie.
_ Et vous me sauvez ?
_ Oui.
_ Pourquoi ?
_ Parce que j'ai dit. Voilà encore un plus pauvre que moi. J'ai le droit de respirer, lui, il ne l'a pas.
_ C'est vrai !
_ Vous me sauvez.
_ Sans doute. Nous voilà frères, monseigneur. Je demande du pain, vous demandez la vie. Nous sommes deux mendiants.
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Après avoir construit le crime, il avait reculé devant. Il s'était fait horreur à lui-même. Le cri de la mère avait réveillé en lui ce fond de vieille piété humaine, sorte de dépôt de la vie universelle, qui est dans toutes les âmes, même les plus fatales. À ce cri, il était revenu sur ses pas. De la nuit où il s'enfonçait, il avait rétrogradé vers le jour. Après avoir fait le crime, il l'avait défait. Tout son mérite était ceci: n'avoir pas été un monstre jusqu'au bout.
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Il regarda tous les clochers de l'horizon l'un après l'autre, à sa gauche les clochers de Courtils, de Précey, de Crollon et de la Croix-Avranchin ; à sa droite les clochers de Raz-sur-Couesnon, de Mordrey et des Pas ; en face de lui, le clocher de Pontorson. La cage de tous ces clochers était alternativement noire et blanche.
Qu'est-ce que cela voulait dire ?
Cela signifiait que toute les cloches étaient en branle.
Il fallait, pour apparaître ainsi, qu'elles fussent furieusement secouées.
Qu'était-ce donc ? Évidemment le tocsin.
On sonnait le tocsin, on le sonnait frénétiquement, on le sonnait partout, dans tous les clochers, dans tous les villages, et l'on entendait rien
Cela tenait à la distance qui empêchait les sons d'arriver et au vent de mer qui soufflait du côté opposé et qui emportait tous les bruits de la terre hors de l'horizon
Toutes ces cloches forcenées appelant de toutes parts, et en même temps ce silence, rien de plus sinistre
Le vieillard regardait et écoutait.
Il n'entendait pas le tocsin, et il le voyait. Voir le tocsin, sensation étrange.
A qui en voulaient ces cloches ?
Contre qui ce tocsin ?
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Cimourdin était une conscience pure, mais sombre. Il avait en lui l 'absolu. Il avait été prêtre, ce qui est grave. L 'homme peut, comme le ciel, avoir une sérénité noire ; il suffit que quelque chose fasse en lui la nuit. La prêtrise avait fait la nuit dans Cimourdin. Qui était prêtre l'est.
Ce qui fait la nuit en nous peut laisser en nous les étoiles. Cimourdin était plein de vertus et de vérités, mais qui brillaient dans les ténèbres.
Son histoire était courte. Il avait été curé de village et précepteur dans une grande maison ; puis un petit héritage lui était venu, et il s 'était fait libre.
C 'était par-dessus tout un opiniâtre. Il se servait de la méditation comme on se sert d 'une tenaille ; il ne se croyait le droit de quitter une idée que lors qu' il était arrivé au bout ; il pensait avec acharnement.
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Robert Badinter été particulièrement marqué chez Victor Hugo par ce qui fut le premier, le plus long et le plus constant de tous les combats de l'écrivain – celui qu'il mena contre la peine de mort. Ce combat d'Hugo contre la peine de mort est d'abord mené au moyen de son oeuvre littéraire. Dans deux romans, "Le Dernier jour d'un condamné" (1829) et "Claude Gueux" (1834), il dépeint la cruauté des exécutions capitales auxquelles il a assisté dans son enfance. Dès l'enfance, il est fortement impressionné par la vision d'un condamné conduit à l'échafaud puis par les préparatifs du bourreau dressant la guillotine en place de Grève.
Hanté par ces « meurtres judiciaires », il va tenter toute sa vie d'infléchir l'opinion en décrivant l'horreur de l'exécution, sa barbarie, en démontrant l'injustice et l'inefficacité du châtiment. Utilisant son génie d'écrivain et son statut d'homme politique, il met son talent au service de cette cause, à travers romans, poèmes, plaidoiries devant les tribunaux, discours et votes à la Chambre des pairs, à l'Assemblée puis au Sénat, articles dans la presse européenne et lettres d'intervention en faveur de condamnés en France comme à l'étranger.
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Les Contemplations

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