Rien n'est plus propre à adoucir l'humeur que l'étude des beautés, soit de la poésie, soit de l'éloquence, soit de la musique, soit de la peinture : cette étude donne au sentiment une certaine élégance que sans elle personne ne saurait acquérir ; ils retirent l’esprit du trouble des affaires, lui inspirent le désintéressement, répandent des charmes sur la méditation, nous font aimer la vie tranquille, et nous plongent dans cette douce mélancolie, qui de toutes les dispositions d'esprit est la plus favorable à la naissance de l'amour et l'amitié.
La délicatesse du goût contribue à l'amour et à l'amitié, en bornant notre commerce à un nombre choisi de personnes, et en nous rendant indifférent pour les grandes sociétés. Rarement les gens du monde, quelque esprit qu'ils aient, sont en état de discerner les caractères et de remarquer ces différences fines, ces gradations imperceptibles qui rendent un homme si préférable à un autre homme.
Chaque individu doit accepter son propre sentiment sans prétendre régler ceux d’autrui. La recherche de la beauté réelle ou la laideur réelle est une recherche aussi vaine que celle qui prétendrait déterminer la douceur réelle ou l’amertume réelle.
Les hommes de la connaissance la plus bornée sont capables de remarquer la différence des goûts dans le cercle étroit de leurs connaissances, même chez des personnes qui ont été éduquées sous le même gouvernement et ont été imprégnées très tôt des mêmes préjugés. Mais ceux qui sont capables d’élargir leurs vues pour contempler les nations distantes et les époques reculées sont encore plus surpris de la grande inconstance et de la grande contrariété des goûts.
Ceux qui ont inventé le mot charité et qui l’ont utilisé dans un sens positif ont inculqué plus clairement et beaucoup plus efficacement le précepte Sois charitable qu’un prétendu législateur ou prophète qui insérerait une telle maxime dans ses écrits. De toutes les expressions, celles qui, en même temps que leur autre sens, impliquent un degré soit de blâme, soit d’approbation, sont les moins sujettes à une dénaturation ou une méprise.
La
nature humaine selon David Hume
Causerie de
Gilles DELEUZE,
philosophe, sur
David HUME : sa
théorie de l'association des idées, son
analyse du principe de causalité ; ses ouvrages principaux, dont le "Traité de
la nature humaine", sa conception de
la nature humaine.