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sur 283 notes
« Toi la pellicule ultrasensible, comment est-ce possible, comment ? Tu n'as rien vu, rien deviné, rien senti, rien compris, rien détecté ? Non, parce que pas ça, non, le sein oui la peau oui l'estomac oui les bronches oui le médiastin oui depuis 1936 la photographie infrarouge est reconnue pour son extrême utilité dans ces domaines-là mais ça non, non, pas du tout. »

Ici, nous sommes au plus profond du coeur de Rena qui vient d'apprendre deux nouvelles complètement bouleversantes ; nous sommes à la première page du roman...Ces nouvelles, nous les ignorerons tout au long de l'histoire puisque celle-ci est un flash-back. C'est seulement à la fin que nous sera dévoilé ce cataclysme dans la vie de Rena, 45 ans, photographe travaillant souvent avec un filtre infrarouge pour voir « la réalité des choses », la « chaleur qu'elles dégagent ». La chaleur des gens, surtout, et particulièrement des hommes au moment de l'extrême abandon de l'acte physique.
En effet, Rena aime les hommes. Elle a eu plusieurs compagnons, dont elle a eu 2 garçons, maintenant adultes. Elle aime Aziz qui s'apprête à signer avec elle l'achat d'un appartement à Paris. Mais elle le quitte pour une semaine afin d'accomplir avec son père et sa belle-mère un voyage en Italie, plus particulièrement à Florence. Ce voyage, elle veut l'accomplir jusqu'au bout coûte que coûte, malgré son incompréhension croissante face à son père vieillissant, malgré sa belle-mère parfaite touriste cultivant tous les clichés, malgré la folie qui s'empare de la banlieue parisienne avec laquelle elle se sent en symbiose (« J'habite Belleville, où le bilinguisme est la règle et non l'exception. Je n'ai plus de patience pour ceux qui croient savoir qui ils sont pour la simple raison qu'ils sont nés quelque part »).

Ce voyage, nous l'accomplirons avec elle, qui nous fera découvrir les merveilles de Florence, décrites avec tant de passion et de minutie, le brouhaha des rues, le silence des musées et des églises, la beauté des paysages de Toscane, l'accueil d'une propriétaire de chambres d'hôtes au prénom si vibrant : « Gaia ».
Et pourtant une rage sourde l'habite, car ce voyage est l'occasion de faire remonter à la surface des souvenirs de blessures : blessures d'enfance, blessures de fratrie, blessures d'amour, blessures de rapports humains, finalement. Au début, d'ailleurs, j'ai été déconcertée par cette rage qu'elle réussit toujours à contenir, mais peu à peu je m'y suis habituée et je l'ai acceptée puis finalement comprise. C'est qu'elle n'a pas eu une vie facile, Rena ! Elle pourrait appliquer à elle-même cette pensée : « Comment font-ils ? Comment font les gens pour continuer ? » Heureusement cette vie contient quelques belles amitiés, joyaux à préserver.
Et toujours, toujours, son père, sa mère, son frère la hantent. Son père, présent à ses côtés, mais si différent de ce qu'il était. Sa mère, « partita » comme elle le dit si bien à Gaia, et son frère au côté d'ombre...

J'ai vraiment adoré ce livre, tout en introspection et en beauté artistique - que ce soit la photographie, la peinture ou la sculpture -. Même si Rena me déconcerte par son côté atypique, totalement indépendant, elle me touche et parvient à me convaincre. Toutes ses réflexions sont si justes ! Vraiment, Nancy Huston signe ici un chef-d'oeuvre humaniste, dans tous les sens du terme. J'en sors grandie et encore plus sensibilisée à la détresse humaine qui n'apparait pas nécessairement au grand jour...

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Visite guidée à travers les rues de Florence, les splendeurs de la Renaissance, ça te dit ? Flâner dans les musées, prendre le frais dans les églises, se promener dans les jardins, un verre en terrasse... Un programme alléchant, oui je veux te lécher, te faire l'amour sous le clair de lune, période bleue, que tu sois Rena, Subra ou toute autre sylphide en a. L'ambiance toscane, sa chaleur, sa moiteur, moi ça me donne des idées fiévreuses. Pas toi ?

Rena rejoint son père et sa belle-mère pour cette escapade florentine. Pourquoi a-t-elle accepté ? Elle se le demande encore, déjà son père... mais sa belle-mère en plus... Tu parles de vacances... Alors pour s'échapper elle a convié Subra, son amie "intime" et imaginaire à qui elle conte tous ses fantasmes, y compris les performances sexuelles de son jeune amant parisien. Elles sont chaudes toutes les deux. Me too. On est fait pour s'entendre, je serai donc son lecteur privilégié. J'y connais rien en arts et encore moins en positions "libératrices". C'est que je ne te l'ai pas encore dit, mais Rena est aussi artiste, à la fois reporter et photographe. Sa dernière exposition : le sexe masculin. Des clichés de sexe, en forme ou au repos, en long en large, des gros plans, des plans plus larges, bref des bites de toutes les couleurs. Elle aime photographier la nudité de ses amants. Moi, tu veux aussi que je pose ? Ne me demande pas de tremper ma bisoune dans le caffèlatte...

Allez, c'est l'heure de la sieste. Son père fatigue déjà, il rentre à l'hôtel... On se retrouve ce soir au restaurant ? Non, je crois qu'il va se faire monter un plateau repas directement dans sa chambre. Des vacances ratées, je le sentais. Alors, Rena se promène tout l'après-midi dans cette ville-musée, enchaîne les galeries d'arts et se taperait bien ce gardien bien silencieux. Elle aime le silence des hommes, quand leurs mains se substituent à la parole, elles lui caressent les seins, encore fermes pour son âge, une fierté, elles lui caressent ses fesses, d'une rondeur encore bien douce et docile... Elle est chaude, moi aussi dans mon silence. Normal, c'est une fille de McGill, et j'ai entendu dire que les nanas de McGill, c'est du hot, surtout quand elles écoutent Leonard Cohen. Je commande un cappuccino, avec un surplus de crème si tu vois où je veux en venir.

Que de souvenirs qui refont surface, comme des péchés oubliés, des meurtrissures du passé qui surgissent du tréfonds de la mémoire. La force d'un ristretto fait que des images inavouées et inavouables s'affichent sous l'oeil de la photographe. Sans filtre, juste un infrarouge, Rena peut ainsi voir la réalité de la vie, la sienne surtout. le café se sert serré, ici, mais les blessures ne peuvent s'oublier, en toi. D'où ces nombreux voyages à travers le corps de l'autre, ces pulsions sexuelles, ces désirs, tes cuisses qui s'écartent, ô petit bonheur furtif qui permet à l'instant d'oublier sa propre histoire et de laisser couler la bonne humeur sur son visage comme le sperme de son amant.

Et que d'érotisme dans ces quelques jours toscans, je devrais peut-être vivre à Florence ou être italien, ça me plairait bien... Si j'y connais rien en art, - Michelangelo di Lodovico Buonarroti Simoni ça serait pas un remplaçant de la Squadra Azzura ? - je demande pas mieux, au fond de moi, que d'approfondir l'art de la sodomie.
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Infrarouge, c'est l'histoire d'une femme d'une quarantaine d'années, Rena, qui offre un voyage en Italie à son père et sa belle-mère pour l'anniversaire de ce dernier. Elle les rejoint dans ce pays qu'elle aime beaucoup et tente de leur servir de guide.
Au départ, je ne vous cacherai pas qu'elle m'a profondément agacée, je l'ai trouvée impatiente, tranchante et parfois impolie... Et puis, plus nous avançons avec ce drôle de trio dans ce pays étranger, plus elle se dévoile. Au fil des visites son passé remonte, son histoire, ses hommes... elle s'humanise...
Finalement je l'ai trouvée très attachante, j'ai aimé son regard, sa vision photographique des choses... Je me suis mise à en vouloir à tous ceux qui l'avaient fait souffrir, moralement ou physiquement et à tous ceux qui continuaient à lui faire mal...
Le livre est découpé en chapitre qui représentent les journées de ce périple,et souvent une nouvelle journée commence par le récit d'un rêve qu'elle interprète elle-même sans difficulté, j'ai trouvé ça amusant...
La fin m'a terriblement déstabilisée même si je la sentais venir, ça a résonné...
Pour conclure je remercie chaleureusement Latina qui m'a entraînée dans cette lecture ! :-D
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C'est du Huston dont le style d'écriture est toujours une innovation, comme si on découvrait à nouveau la Huston. Est-il que tout rythme marche selon le personnage que l'autrice choisit pour assoier son univers! Et ici, c'est Rena Greenblatt, une femme, artiste photographe reporter, extrêmement indépendante qui offre un séjour en Italie à ses parents...c'est en même temps un voyage de réconciliation, autant avec son père et sa belle-mère qu'avec elle-même, elle qui s'est trouvée depuis l'enfance un personnage double à qui elle confie ses secrets...une manière à elle de guérir de ses blessures d'enfance...
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Quel choc! Quel délice!
Chaque étape de ce voyage en Italie révèle un peu plus le passé de Rena, photographe amoureuse des hommes.
Une petite voix intérieure "Subra" l'implore d'aller plus avant dans les méandres de ses souvenirs.
Comme Nancy Huston sait si bien le faire, le roman va révéler des souffrances, la culpabilité, l'initiation au sexe, tellement présent dans les pages mais avec tant de sensualité!
Merveilleux ouvrage d'une auteure qui ne cesse de m'envouter.
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Séjour et promenades dans Florence, « Une cloche sonne, et, captant les premiers rayons du soleil, les vielles briques et tuiles de la capitale s'embrassent », les arts de la renaissance sous le regard d'une photographe. « Je penche donc je suis, se dit Rena, non, je penche vers la droite donc je suis en Italie, en italiques, toutes mes penchées sont en italique, elles hurlent, insistent, se répètent, vocifèrent, m'accusent, toi la pellicule ultrasensible, comment est-ce possible, comment ? Tu n'as rien vu, rien deviné, rien senti, rien compris, rien détecté ? Non, parce que pas ça, non, le sein oui la peau oui l'estomac oui les bronches oui le médiastin oui depuis 1936 la photographie infrarouge est reconnue pour son extrême utilité dans ces domaines-là mais ça non, justement ça non, non, pas du tout ». Rena accompagne son père Simon « Pauvre Simon, se dit Rena. Il a l'air découragé d'avance. Redoute les jours à venir. A peur que je ne veuille les traîner, les bousculer, les épater, les impressionner, les écraser avec mon savoir, mon énergie, ma curiosité. Se dit qu'ils auraient mieux fait d'aller directement de Rotterdam à Montréal. Craint de me décevoir. “Ma chère fille je suis vieux je le confesse”, comme dit le roi Lear. Soixante-dix ans ce n'est pas vieux de nos jours, sauf que là, franchement, il est fatigué et je lui pèse. Je l'épuise et lui pèse. » et sa compagne Ingrid.

Cette plongée dans une ville musée engendre à la fois des pensées pour l'amant laissé à Paris et des remémorations d'histoires plus anciennes, avec une forte composante sensuelle ou érotique. « Ils avaient fait l'amour ce matin avant la sonnerie du réveil et elle avait voulu qu'il vienne sur son visage, c'était si fort le moment où, tenant son sexe dans ses deux mains, elle sentait soudain la semence traverser puis jaillir, crème de jouvence tiède et merveilleuse, elle l'avait étalée sur sa figure, son cou, ses seins, l'avait sentie sécher et se rafraîchir ; en se lavant ce matin elle avait tenu à garder, fine et transparente sous la mâchoire, à la naissance du cou, un peu de cette trace invisible de son amant : masque léger pour la protéger, l'aider à affronter l'épreuve… »

Des passés donc, dont les frontières ne se limitent pas aux lieux, mais se déplacent, s'élargissent au gré des rencontres toujours présentes. Des passées différents, plus lents pour les membres du vieux couple. Et l'histoire.

Le monde et les autres comme terrain de rencontres, sous les couleurs de l'Arno et des oeuvres triplement vues. le père, la belle-mère et Rena ne regardent pas les mêmes statues, les tableaux, les monuments. Comme les hommes et les femmes, les oeuvres ne sont pas « une », elles se construisent aussi dans les regards.

Pendant ce temps « L'état d'urgence est déclaré en France ».

Des vacances et des ruptures.

Une écriture toute en couleurs, pour des allées dans le temps, des retours de souvenirs. Des dialogues enlevés d'une femme refusant les codes.

Et une petite voix, Subra, double interrogative et ironique de Rena.

Un vrai voyage. Subtil et plaisant. Une littérature non blasée.
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Visite de Florence et de la Toscane a l'occasion de l'anniversaire des 70 ans de son père, Rena la fille de Simon le septuagénaire nous emmene dans un récit a plusieurs niveaux. Subra sa muse intérieure intervient régulièrement pour lancer des flash-baccks explicatifs sur l'histoire de Rena.
Les événements s'enchainent crescendo dans l'inimaginable, le cruel, l'horrible et l'insoutenable. le roman se décline dans une suite de catastrophes qui laisse le lecteur effondre dans le malheur.
Par ailleurs le livre se coule dans le style si érudit et engageant de Nancy Huston. Citations, jeux de mots, suite de mots, non dits. L'ensemble est un délice qui sauve l'ouvrage de la perplexité et de l'atmosphere déprimante.
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Mon Dieu que Nancy Huston écrit bien ! Á chaque fois que j'ouvre un livre de cette écrivain, je suis étonné par la fluidité de son écriture, par l'originalité du récit et par l'érudition de l'auteure. INFRAROUGE ne déroge pas à cette règle. Ce livre, très sensuel, est tout empli d'émotions et d'humour parfois caustique. C'est à la fois une balade dans l'Italie contemporaine et dans les souvenirs et considérations de la narratrice. On peut s'amuser des vacances ratées de Rena et, en même temps assister, effaré, à l'enfance et l'adolescence pour le moins tourmentées de celle-ci. Et encore une fois, l'immense culture de Nancy Huston, ses connaissances sur les différents sujets abordés sont assez bluffantes et éclatent tout au long des pages de ce magnifique roman.
Rena est un personnage très attachant. Elle est libre, lucide et assume parfaitement sa passion pour les hommes, ses maris, ses amants et décrit souvent crument sa vie sexuelle intense pour ne pas dire débridée. Parallèlement la photographie, qui est aussi son métier, ne quitte jamais ses pensées et joue un rôle immense dans sa vie.
Entre la description des relations malsaines qu'elle entretenait dans son enfance avec son frère et le compte rendu de l'étrange adolescence qu'elle a vécu entre une mère peu aimante et un père singulier et particulièrement fantasque, les réminiscences du passé surgissent et prennent un sens et un éclairage nouveau à la faveur de ce séjour florentin en compagnie de son père et de la nouvelle femme de celui-ci. Rena, toujours en attente de séduction, narre des relations complexes et souvent décevantes qu'elle entretien avec le couple vieillissant.
Ce roman est une merveille d'intelligence et de sensibilité. Il est à la fois passionnant et enrichissant. Je ne peux que vous le conseiller chaleureusement.




Lien : http://lefantasio.fr
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Nancy Huston est un écrivain étonnant : son style et son inspiration se renouvellent à chaque fois et elle nous offre toujours une nouvelle surprise.

Dans ce nouveau roman, le personnage central est Rena. Elle est d'origine canadienne, de Montréal, vit en France où elle exerce le métier de photographe. Elle se retrouve à Florence pour passer 8 jours avec son père et sa belle-mère. Nous sommes en 2005 et pendant ce temps, la banlieue parisienne va exploser à cause des évènements de Villiers-le-Bel.

Au travers de très courts chapitres, nous allons vivre plusieurs récits. Tout d'abord le voyage en lui même est assez catastrophique, ses parents sont vieux, fatiguent vite et ne s'intéressent pas à ce qu'elle voudrait. En même temps, son amant, qui travaille dans le même journal, la presse de rentrer pour couvrir les émeutes, et considère son refus comme une rupture. A ces péripéties, s'ajoutent les souvenirs et les fantasmes de Rena, et il y en a pas mal.

Du fait de la proximité avec son père, tout un tas de souvenirs remontent, et Nancy Huston nous distille tous les secrets et les blessures qui structurent Rena. Au début, j'ai été assez surpris et je ne m'attendais pas à un livre aussi cru de cet auteur, mais petit à petit tout prend une autre dimension et le passé du personnage éclaire ses actes.

Je suis complètement enthousiaste après avoir refermé le roman de Nancy Huston et, comme dans ses romans précédents, je me dis qu'il faut reprendre le début à la lumière de ce que l'on sait des personnages. Ce personnage de Rena, mais aussi ses parents, va m'accompagner pendant quelques temps, rendu bien vivant par le talent de son auteur.
Lien : http://jimpee.free.fr/index...
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Déçue...j'attendais mieux de cette auteure talentueuse dont l'oeuvre m'a toujours enchantée. Ce roman se lit facilement, non sans plaisir, mais reste un "petit" roman. La recette qui consiste à mixer la culture, le retour sur le passé, les relations familiales et l'érotisme (ici, racoleur à la Djian) a ses failles, et devient grotesque. le parcours psycho sexuel de Rena est de surcroît invraisemblable.
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