-Tu sais maman, quand tu t'es moquée de moi parce que j'avais des cerises sur les joues, mon coeur a pleuré et son coeur s'est brisé. Et puis le coeur de mon coeur a pleuré et son coeur à lui s'est brisé. Et pareil pour tous mes coeurs, jusqu'au dos.
Toujours le travail de Lin a consisté à prendre les thèmes les plus ténébreux de la vie et à les transformer en lumière, non pas en les édulcorant mais en les agrandissant, figeant leurs formes fugaces pour qu'elles se cristallisent, les retraduisant ensuite en mouvement : rien ne doit exister qui ne puisse être transfiguré par le corps.
Les cheveux de Rachel sont tout à fait gris maintenant et elle a besoin de lunettes pour lire. Derek a pris de l'embonpoint et commencé à perdre ses cheveux : les filles sont dépitées de voir leurs parents imiter les signes les plus conventionnels de l'âge mûr.
Depuis tout petit, j'ai su que c'était ça le sens de la révérence. On s'efface. Ce n'était pas moi, c'était la beauté. Moi, je n'existe pas, tout l'honneur revient à la beauté... C'est le contraire du champion de boxe qui lève les bras en l'air - j'ai gagné! je suis le meilleur!
J'ai toujours su qu'il n'y avait pas une once de remords en elle, dit Derek. Qu'elle était sans remords parce qu'elle était sans mère.
Il suffit d'imiter les adultes pendant assez longtemps, et on finit par en devenir un.
- ça ne t'a jamais frappé, dit Rachel, que les fleurs des arbres fruitiers sortent un mois avant les feuilles, alors qu'elles sont tellement plus fragiles ? C'est extrêmement courageux de leur part, quand on y pense.
- tu as raison, dit Derek. C'est comme si une armée envoyait les femmes et les enfants à l'avant-garde, pour ouvrir la voie aux hommes.
Incipit :
Qu'est-ce que la danse, sinon l'essence étouffée d'un cri ? (R.M.Rilke)
-- Maman ? Maman, tu sais quoi, j'ai le goût rose.
-- Ah bon, c'est vrai ?
-- Ouais. C'est grave, tu sais, d'avoir le goût rose.
-- Et pourquoi ?
-- Parce qu'on pleure à chaque fois.
-- A chaque fois que quoi ?
-- A chaqeu fois qu'on entend une histoire triste.
(Attention pour ceux qui ne l'ont pas encore lu, extrait provenant de la presque fin du livre)
Marina vient plus près encore, collant toute la longueur de son corps le long du corps de sa mère, puis appuie doucement l'oreiller contre le nez de sa mère et la bouche de sa mère, répétant encore et encore, dans un murmure ardent
- Je t'aime, je t'aime, je t'aime