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EAN : 9782742758173
380 pages
Actes Sud (28/10/2005)
3.77/5   100 notes
Résumé :
"Nous devenons schizos, mes amis. Dans le quotidien, nous tenons les uns aux autres, suivons l'actualité avec inquiétude, faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour préserver et renforcer les liens. En tant que lecteurs ou spectateurs, au contraire, nous encensons les chantres du néant, prônons une sexualité aussi exhibitionniste que stérile, et écoutons en boucle la litanie des turpitudes humaines. A quoi est dû cet écart grandissant, à l'orée du XXIe siècle, en... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Nancy Huston fait dans ce livre le portrait d'une catégorie d'écrivains (du XXe siècle ou contemporains) qu'elle dénomme les "néantistes", pour leur prédilection marquée pour le néant et leur dégoût de la vie : Beckett, Cioran, Jean Amery, Charlotte Delbo, Imre Kertész, Thomas Bernhard, Milan Kundera, Elfriede Jelinek, pour les aînés, Michel Houellebecq, Sarah Kane, Christine Angot et Linda Lê pour les plus jeunes. Leur père spirituel à presque tous semble être Schopenhauer, l'auteur de "Le monde comme volonté et comme représentation" à qui elle consacre aussi un chapitre, brillant. C'est un livre très documenté et qui retrace avec le moins de préjugé possible les racines de ce mouvement littéraire dont les oeuvres sont largement considérée dans l'Europe d'aujourd'hui comme des chefs d'oeuvre, récompensés par maints prix littéraires dont 3 prix Nobel (Beckett, Kertész, Jelinek). Si elle condamne la complaisance de ces "mélanomanes" (= qui aiment le noir) dans la noirceur, leur génophobie (peur ou haine de l'engendrement), leur généralisation hâtive de leur cas personnel à l'ensemble de l'humanité, elle sait reconnaître la force de l'écriture de certains d'entre eux - mais c'est pour mieux souligner la faiblesse de leur pensée.
Dans un style clair et rigoureux, NH nous livre ici un livre tonique et lumineux qui éclaire d'une lumière chaude le paysage de notre littérature.
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Je me suis attaquée à un livre difficile mais écrit par un auteur que j'apprécie : une recherche sur une palette appropriée d'écrivains et de philosophe digne d'une thèse en faculté de Lettres et sciences humaines.

- Petite parenthèse : Michel Onfray a aussi traité du nihilisme en quelques pages dans son Antimanuel de philosophie et y joint un extrait du texte "Ecartèlement" de Cioran et il est très convaincant sur la portée de tels textes en nous donnant dans la biographie succinte d'Emil Cioran ces mots : "affiche une vision désespérée du monde en variant sur les mêmes thèmes : la chute, le désespoir, l'angoisse, le nihilisme, le dégoût, le suicide, la décomposition. Meurt dans son lit, octogénaire." (Eh oui, il ne s'est pas pendu !)

Cela dit, j'ai beaucoup aimé les commentaires de Nancy Huston sur les ouvrages de Samuel Beckett, Milan Kundera et Michel Houellebecq (qui revient sur la scène avec son dernier livre qui prend une teinte prophétique et sombre).

J'ai acheté le livre Avidité quand Elfriede Jelinek a obtenu le Nobel et j'avais trouvé la lecture désespérante et à la vue de ce qu'en dit Mme Huston, je comprends maintenant ma réaction.

A part Schopenhauer et Cioran étudiés en classe de philosophie et Christine Angot que je n'apprécie pas, les autres écrivains m'étaient inconnus, même Thomas Bernhard, et je n'ai aucune envie maintenant de les lire. le nihilisme pour moi, non merci ! Les actualités sont trop noires et j'aimerais voir un peu de ciel bleu !

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Cet essai m'a aidée à mettre des mots plus précis sur ce qui m'a toujours un peu gênée et repoussée chez certains auteurs nihilistes. Même si ils peuvent aussi me toucher. Cette manière de nous jeter à la face, avec orgueil et un sale petit plaisir puéril, le laid, l'horreur (sévices et traitements insoutenables, abjects, .. ) en nous tenant dans cette position de voyeurisme forcé, à la fois otage et impuissant. Je sais un peu mieux pourquoi je les évite et leur préfère d'autres lectures plus lumineuses où il reste toujours une place, même infime, pour une forme d'espoir.

Nancy Huston parvient de plus ici à tenir cette distance qui nous permet d'accéder à une empathie à l'égard de tous les auteurs qu'elle évoque, ce qui rend l'analyse d'autant plus intéressante.

Et cet état de fait, auquel je suis particulièrement sensible : les grands exhibitionnistes désespérés contemporains, qui nous farcissent à longueur de tirades senties à quel point l'existence est morne et qu'ils se noient dans leur spleen sont souvent des personnages qui n'ont jamais connu la misère sociale, économique, du corps ni vécu la guerre. Or on n'entend qu'eux et ils sont suivis, adulés, ce qui gonfle d'autant plus la voile de leurs egos surdimensionnés. Et ceux qui se trouvent dans une mouise bien réelle, on ne les entend pas, au pire les premiers s'en servent, leur marchent sur la tête pour se hisser toujours plus haut et habiller leurs saillies de leurs beaux sentiments d'indignés.

Cette citation résume ce constat à merveille : "Le désespoir est un privilège de classe, comme les cigares".

"Professeurs de désespoir" de Nancy Huston
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L'écrivaine partage avec nous -et déesse Suzie, la déesse féminine inexistante et tournée en ridicule par Thomas Bernard- ses réflexions sur le nihilisme et sur certains de ces écrivains qu'elle appelle les néantistes. (Thomas Bernard est justement l'un d'eux.) Nous aurons également à faire à Arthur Schopenhauer, Samuel Beckett, Emil Cioran, Milan Kundera, Jean Améry, Charlotte Delbo, Imre Kertész et Elfrid Jelinek. Ce qu'ils ont en commun? Essentiellement, une enfance bafouée qui les a écoeurés de l'humanité. Eux ne veulent rien avoir à faire avec les hommes. Et pourtant, pourtant, remarque l'auteure avec à-propos...ils ont écrit! Nous avons droit, d'ailleurs, à plusieurs extraits tous plus abjects les uns que les autres...car pour mettre à jour la puanteur des humains, les néantistes n'hésitent pas à verser dans la description des pires perversités. Et pour cela, s'étonne Nancy Huston, ils ont été honorés, on en a fait des génies de la littérature.Le lecteur aura justement droit à une réflexion perspicace sur le rôle de la littérature dans la société. C'est à lire, si vous avez le courage de «patauger dans la fange des extraits nihilistes». Heureusement, entre deux sombres extraits, Nancy Huston ose nous parler des bonheurs simples de la vie..que les néantistes ne reconnaissent pas, il va sans dire.
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Une vulgarisation (rondement menée) d'analyses d'oeuvres littéraires qui ont pour point commun le pessimisme.
Nancy Huston tend à montrer (à travers de courtes mais significatives biographies) le réel désespoir individuel qui se cache bien souvent chez de grands auteurs (à diverses époques et de diverses nationalités) souvent inspirés par Shopenauer et décrivant un monde où tout espoir de bonheur semble vain.
Ce livre, en redonnant une dimension humaine à d'illustres écrivains (à sombres pensées) nous révèle que bien que certaines idées puissent être séduisantes, puissent toucher notre intellect car intelligement dites, brillantes, elles n'en restent pas moins le fait de personnes tristes, voire dépressives, que cachent une forte cérébralité et un talent pour la littérature.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
D'une certaine façon, bien sûr, l'expression même de "professeur de désespoir" est une contradiction dans les termes, car si l'on est vraiment désespéré on ne professe rien, on écrit rien, on sombre dans le silence et on se laisse glisser vers la mort. Écrire, c'est déjà espérer. c'est apporter un soin à la forme, au style, à la syntaxe, à la manière de dire - estimer donc que quelque chose en vaut la peine. Comme le fait remarquer Romain Gary, "on ne peut pas aimer passionnément dans un don de soi total et proclamer l'insignifiance, l'insuffisance ou l'absence de l'amour et le néant au cœur de l'homme". En d'autres termes, même si, dans ces livres, le fond dit : Il n'y a que boue, la forme dit : Cette boue, je suis capable de la transformer en or, en art, en chose solide, pas transitoire, quasi immortelle.
Pour devenir nihiliste, il ne suffit donc pas d'être désespéré. Il faut que, de privé, votre désespoir devienne public, qu'il s'affiche comme votre passion exclusive, votre raison d'être, votre message au monde. La plupart de ces auteurs, on l'a vu, consacrent énormément de temps et d'effort à polir leur oeuvre : Beckett se sert de l'humour lapidaire, Cioran de l'élégance syntaxique, Kundera d'un tissage dense de fiction et de théorie, Bernhard d'une énergie verbale irrépressible et ainsi de suite. la forme, pourrait-on dire, sert d'antidote au poison du message manifeste. Et, tout en affichant une attitude de mépris à l'égard des foules, l'on offre le fruit de son travail à ses mêmes foules (à qui d'autre l'offrir?). Il est donc question malgré tout d'échange, de transmission et de don ; il ne peut en être autrement. Les néantistes sont doués, et ils donnent. Leur don les empêche de sombrer ; c'est pourquoi ils décrivent l'activité artistique comme la seule chose qui confère un sens à leur existence.
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-L'asphyxie: Thomas Bernhard-

La famille Bernhard habite à cette époque le village de Seekirchen. Et dans ce village, l'endroit préféré du petit garçon est le cimetière. (On se rappelle les crânes humains avec lequel Emil Cioran jouait au foot, et le faible de Molloy, personnage de Sam Beckett pour l'odeur des cadavres en décomposition.) Thomas est un Hamlet précoce: "Les morts, dit-il, étaient déjà mes confidents les plus chers, je m'approchais d'eux sans contrainte. Des heures entières j'étais assis sur l'entourage d'une tombe quelconque et je ruminais sur ce qu'est être et son contraire" (p.182-183)
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Pour devenir nihiliste, il ne suffit donc pas d'être désespéré. Il faut que, de privé, votre désespoir devienne public, qu'il s'affiche comme votre passion exclusive, votre raison d'être, votre message au monde. La plupart de ces auteurs, on l'a vu, consacrent énormément de temps et d'effort à polir leur oeuvre : Beckett se sert de l'humour lapidaire, Cioran de l'élégance syntaxique, Kundera d'un tissage dense de fiction et de théorie, Bernhard d'une énergie verbale irrépressible, et ainsi de suite. La forme, pourrait-on dire, sert d'antidote au poison du message manifeste. Et, tout en affichant une attitude de mépris à l'égard des foules, l'on offre le fruit de son travail à ces mêmes foules (à qui d'autre l'offrir ?). Il est donc question malgré tout d'échange, de transmission et de don ; il ne peut en être autrement. Les néantistes sont doués et ils donnent. Leur don les empêche de sombrer ; c'est pourquoi ils décrivent l'activité artistique comme la seule chose qui confère un sens à leur existence.
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Tout se passe comme si l'oeuvre d'art avait pour fonction de racheter, de rédimer nos péchés politiques. Au lieu d'aller à l'église écouter le curé nous expliquer le sens de nos souffrances, nous achetons des livres ou assistons à des spectacles qui nous assurent qu'elles sont inévitables, que tout est misère, méchanceté et oppression... et nous rions, applaudissons, parce que c'est bien dit - qu'est-ce que c'est bien dit ! Nous partageons ainsi la culpabilité et sommes heureux de la voir dire, proclamée et revendiquée ; en posant le livre ou en sortant du théâtre, nous nous sentons étrangement allégés. Au moins ces oeuvres contiennent-elles des certitudes, alors que les horreurs du monde nous plongent dans un paroxysme d'incertitude. A réalité trop mobile, littérature immobile. A réalité trop humaine, philosophie inhumaine.
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Du côté des lecteurs, la fréquentation des grands textes nihilistes est souvent une expérience exaltante. L'expression du désespoir nous invite à réfléchir, bien plus que celle de la béatitude. Nous y trouvons notre compte parce que nos propres souffrances y sont non seulement reconnues mais ennoblies, portées à l'incandescence par la beauté littéraire. (Comme l'écrivait déjà Balzac dans Le Lys dans la vallée [1835], "la douleur est infinie, la joie a des limites".) Dans le "monde désenchanté" de la modernité, le nihilisme, remplaçant tous les utopismes en faillite, est notre moderne Eglise. Portant l'auréole de la douleur puissance x, ses adeptes sont nos Christs en croix, nos saints torturés, nos martyrs stoïques, magnifiques et magnifiés. Nous communions avec eux dans la transposition esthétique du malheur. Nous leur savons gré d'incarner et d'exprimer pour nous, avec grandeur, la difficulté d'être en vie. Leur force d'esprit compense nos faiblesses et nous rassure en nous prouvant, encore et encore, l'insignifiance de tout.
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Videos de Nancy Huston (43) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nancy Huston
Francia, transsexuelle colombienne, racole au bois de Boulogne dans le quartier dit Latinas. Ce livre fait le tableau de l'une de ses journées de travail, son charisme, sa famille dont elle assure le quotidien même de loin, sa présence auprès de ses collègues qu'elle protège en ces lieux de violence. Portrait d'un être lumineux, qui ce jour-là fera dix-sept clients aux particularités étonnantes, dans ce pays où la loi n'avantage pas ces femmes perdues loin de leur contrée d'origine, ces combattantes de tous les instants.
le nouveau roman de Nancy Huston est en librairie. Lire les premières pages : https://www.actes-sud.fr/francia #litterature #roman
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