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EAN : 9782330018726
326 pages
Actes Sud (04/09/2013)
3.52/5   232 notes
Résumé :
Nous incarnons bien moins que nous ne le pensons, dans notre arrogance naturelle et candide, la femme libre ou libérée. Nous montrons du doigt les femmes qui se couvrent les cheveux ; nous, on préfère se bander les yeux.

Un dogme ressassé à l'envi dans la France contemporaine : toutes les différences entre les sexes sont socialement construites. Pourtant les humains sont programmés pour se reproduire comme tous les autres mammifères, drague et coquett... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (47) Voir plus Ajouter une critique
3,52

sur 232 notes
Nancy Huston est une grande romancière. "Lignes de faille" compte parmi mes livres favoris. Mais c'est aussi une féministe engagée dont le dernier essai s'inscrit en faux contre les théories constructivistes de l'indifférenciation des sexes.

A rebours de l'idée désormais majoritairement admise que les identités sexuelles sont construites, qu'on ne naît pas femme (ou homme) mais qu'on le devient, Nancy Huston ose réaffirmer le primat de la biologie. Sans doute ne sommes-nous pas des chimpanzés (comme l'a clamé Elisabeth Badinter), mais le sommes nous malgré tout quand même encore un peu. "Le mâle a intérêt à répandre sa semence le plus largement possible dans le plus grand nombre possible de corps de femelles jeunes et bien portantes c'est-à-dire susceptibles de mener une grossesse à terme et de survivre à un accouchement" (p. 22). La femme, elle "n'a pas intérêt à copuler avec le premier venu" et aura "tendance (car intérêt) à choisir ses partenaires avec discernement, préférant un mâle qui lui semble non seulement physiquement fort mais psychiquement fiable, susceptible de rester plusieurs années auprès d'elle et de l'aider à nourrir ses petits" (idem). La preuve - administrée avec cette rigueur scientiste dont seuls les Etats-Unis ont le secret : appelés à indiquer l'odeur qui les attire le plus sur des T-shirts masculins, des jeunes femmes choisissent ceux portés par les hommes dont les anticorps diffèrent le plus des leurs, c'est-à-dire le géniteur potentiel qui fournira à leur descendance la meilleure protection (p. 86).

Nancy Huston dépiste la trace de ces irréductibles différences biologiques dans les regards que s'échangent les hommes et les femmes.
Les hommes regardent les femmes. Bien sûr, rétorquera-t-on, les femmes n'ont pas les yeux dans leurs poches et regardent aussi les hommes ; mais leur regard n'a jamais la même insistance, la même impudeur, la même violence que ceux qui chaque jour déshabillent à leurs corps défendants (!) les jolies filles.
Les femmes sont des "reflets dans un oeil d'homme" (allusion revendiquée au titre du roman de Carson McCullers). Non pas l'objet passif de la concupiscence masculine, mais l'actrice dédoublée de ce regard. Dédoublée car devant son miroir la femme "regardée" devient aussi "regardante". Et si la femme regardée est féminine, la femme regardante est, elle, masculine : elle se porte le regard qu'elle imagine les hommes porter sur elle.
C'est ce qui explique que la coquetterie féminine ait encore de beaux jours devant elle. Et Nancy Huston de souligner le paradoxe d'une société qui nie la différence des sexes mais où les industries de la beauté et de la photographie n'ont jamais autant valorisé, au risque de le réifier, le corps féminin.
On pourrait reprocher à Nancy Huston - et aux déterminismes - sa tendance à la généralisation. Toutes les femmes ne sont pas coquettes, lui fera-t-on remarquer, tandis que l'homme contemporain métrosexuel devient plus soucieux de son apparence et que le corps masculin est lui aussi réifié comme dans les magasins Abercrombie. Mais on s'accordera à reconnaître que la coquetterie est globalement plus féminine : il suffit de se promener ces jours ci dans n'importe quelle station balnéaire pour être frappé du soin que mettent les femmes à se maquiller, à se coiffer et à s'habiller pour sortir tandis que leurs compagnons masculins dépenaillés ne manifestent guère de souci de leur apparence.

En plein débat autour du Mariage pour tous et de la "théorie des genres", l'essai de Nancy Huston se prêtera à des lectures polémiques. Parce que le constructivisme est classé à gauche et le déterminisme à droite, on aura tôt fait de la ranger parmi les penseurs rétrogrades. Ce serait caricaturer une réflexion autrement plus subtile.
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"Reflets dans un oeil d'homme", titre inspiré par la célèbre oeuvre de Carson Mac Cullers, est un essai écrit par Nancy Huston, la célèbre écrivain canadienne d'expression française et anglaise.

Il s'agit d'une oeuvre "féministe" mais d'un féminisme "réaliste" si l'on peut dire, à l'opposé des grandes visées des auteurs féministes des années 70 comme Simone de Beauvoir ou Benoîte Groult.
Un féminisme un peu "désabusé" qui analyse froidement la réalité de la condition féminine.
Nancy Huston retrace dans ce court essai une historique de la Femme et des rapports Homme / Femme.
Elle souligne que la domination masculine s'exerce toujours, sous des formes parfois plus subtiles et "sournoises", tout du moins en Occident.

Sous l'influence des combats féministes, les sociétés occidentales ont, selon Nancy Huston, eu trop tendance à nier les différences Homme / Femme;
Et pourtant, contrairement à ce que veulent démontrer les "gender studies" actuelles, ces différences existent et ne sont pas près de s'amenuiser.

Nous sommes bien loin du cri de Simone de Beauvoir: "on ne naît pas femme on le devient"; ici au contraire Nancy Huston nous affirme que c'est un leurre dangereux et dangereux essentiellement pour la femme que de nier ces différences biologiques qui vont bien au delà des différences anatomiques.
En effet, selon elle, le rapport des femmes à la sexualité par exemple est tout à fait autre que celui des hommes.
Le fait de nâitre Garçon ou Fille est significatif et Nancy Huston pourfend ici ceux qui affirment que le faut d'être homme ou femme relève d'un choix personnel.
L'aliénation de la femme existe encore, tant dans les sociétés orientales qu'occidentales;
En Occident, cette aliénation se manifeste surtout par le diktat de la "beauté" et de l'apparence physique.
Deuxième source d'aliénation et non des moindres: l'importance de l'industrie pornographique, en chiffre d'affaires et en impact, industrie qui véhicule une image dégradante de la femme.
Autre signe d'aliénation: le phénomène de la prostitution qui hélas ne faiblit pas, malgré les mesures prises dans différents pays;
C'est un livre féministe, mais d'un "féminisme noir" dans le sens où il analyse froidement les faits qui demeurent et qui font encore de la femme une citoyenne de second ordre dans bien des pays.
Peu de "remèdes" envisagés mais ce livre veut surtout dénoncer l'essor de certaines idées "trop optimistes" qui veulent gommer les différences Homme/ Femme, ce qui peut être dangereux pour les femmes en leur donnant une vision déformée de la réalité et des réactions masculines.
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J'ai eu un peu de mal à la lecture de ce livre , je l'ai lu jusqu'à la fin , je me suis forcée à le terminer pour pouvoir écrire une critique la plus juste possible .
Il m'a semblé que sur ce sujet très intéressant , très complexe ( trop peut-être ) , l'auteur s'enlise à plusieurs reprises .
Les références féminines qu'elle cite dans on livre ; l'ancienne prostituée Nelly Arcan , Jean Seberg , Marylin Monroë , icones au destin tragique , ne me semblent pas être neutres .
J'ai eu un peu de mal avec ça , l'auteur me semble peu nuancée pour un sujet pareil , qu'elle traite sans aucune légéreté ;
je veux bien que les hommes et les femmes soient différents , que peut-être dans les années 60-70 , les féministes aient été trop loin , où qu'au contraire , qu'on ait pensé à une certaine époque , que les sexes étaient intercheangeables , sans aucune spécificité , que l'on ait connu des travers certes mais faut-il généraliser .
il y a des passages intéressants mais ils ont noyés par un pessimisme , par un parti pris , un manque flagrant de nuances ;
enfin ceci est mon avis , cela n'engage que moi , déception car en général j'aime beaucoup les livres de l'auteur ;
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Il en est hélas souvent ainsi lorsque je lis des essais de Nancy Huston – que je sais très aimée de certains amis : je suis attiré par l'importance du sujet traité, je m'aperçois naturellement de l'adresse avec laquelle il l'est, j'apprends beaucoup parce que c'est bien documenté... mais je n'adhère pas aux thèses soutenues ou bien j'ai de grosses réserves de méthode. Là, c'est exactement le cas.

Le sujet, c'est l'importance du regard que l'homme porte sur la femme, emblème incontestable d'une différence irrévocable entre les sexes, explicable par des raisons génétiques liées à l'impératif de la reproduction. Je le tiens pour fondamental. Mais je conteste qu'il s'inscrive dans une polémique sans fin – donc lassante – contre les théories du genre avec lesquelles il se voudrait contradictoire, alors qu'il ne l'est que de façon apparente et au prix d'une caricature assez fruste de (ce que je commence à savoir sur) celles-ci.

Le point de départ – que je connais très bien pour en avoir été durablement imprégné – c'est l'explication phylogénétique de la beauté due à Richard Dawkins : en dépit de l'absence de fonctionnalité pour la survie, certains traits (comme la fameuse queue du paon) sont sélectionnés et transmis génétiquement pour une simple question esthétique, c'est-à-dire d'attrait reproductif chez le partenaire. Il se trouve que dans de très nombreuses espèces animales c'est le mâle qui est « beau » pour plaire à la femelle, alors que chez Homo sapiens c'est le contraire. Ou relativement. Ou incidemment, en d'autres termes, culturellement. Et voilà ce que Nancy Huston semble ne pas avoir envisagé ou ne pas vouloir envisager.
Oui, chez les humains, le mâle regarde la femelle de façon prédatrice et suivant la stratégie reproductive de la dissémination maximum de ses gènes, stratégie qui ne coïncide pas (pas encore...?) avec celle des femelles. Oui, ce regard distingue un homme d'une femme dont on niera volontiers et l'indifférenciation, qui ferait fi de la biologie, et la construction exclusivement sociale du genre. Oui, celle-là existe autant que celle-ci. Oui, les tenants du tout-culture sont de gauche et ceux du tout-nature sont de droite (voire d'extrême-droite quand l'eugénisme s'en mêle...). Peut-être certaines parmi les théories du genre pèchent-elles du défaut d'oblitérer la nature. Ou bien est-ce le fait d'une philosophie moderne qui avance depuis Descartes dans la direction de réagir à l'anthropomorphisation de Dieu par une déification de l'Homme et de sa volonté, notamment dans la sphère sexuelle... Sans doute, cependant, comme le dit fort justement Belinda Cannone dans La Tentation de Pénélope – elle a aussi ses propres griefs contre les théories du genre, au demeurant – ne rend-on pas de bons services au féminisme en insistant excessivement sur la biologie, au détriment du « neutre »...

Mais revenons au regard masculin étudié par Huston. Après le chapitre initial (« Atavismes et avatars »), deux chapitres évoquent la construction de l'image et la manière d'être vue par la petite fille puis par l'adolescente. Des pages de témoignage autobiographique y apparaissent, très touchantes dans une narration à la seconde personne du pluriel ('Vous') [il faut savoir que Huston écrit ses livres en anglais d'abord, puis s'auto-traduit.]

Ensuite, dans « Genre, quand tu nous tiens », un premier assaut polémique et lancé, et une première contradiction dans l'argumentaire surgit dans « Mâles coquets », lorsqu'il est admis que les femmes aussi regardent les hommes et qu'« elles valorisent [chez eux] la sobriété »... pour de symétriques raisons phylogénétiques ! (p. 85).

Dans le chapitre V « Beauté et violence », à travers les biographies tragiques de certaines icônes de beauté (Jean Seberg, Anaïs Nin, Maryline Monroe...), l'idée est soutenue que « la beauté féminine suscite l'agression » : idée très intéressante mais à mon sens véritablement incompatible avec la biologie, pour le coup. La culture se pointerait-elle déjà ?

En tout cas elle fait irruption dans le ch VI « Changements de code », où il est question textuellement du « code » du regard et de la beauté « national », en particulier français... Alors là, si on n'est pas dans la culture... on est carrément dans le langage !

Ch. VII « Plus sujet et plus objet » : ici débarque avec fracas l'historicité, triomphe du culturel : en l'occurrence l'évolution de la condition féminine au XXème s., caractérisée par l'apparition de la photo et du cinéma, la généralisation du maquillage, le remplacement de l'hystérie par l'anorexie, le suffrage féminin, les concours de « Miss » : en une formule, par des femmes qui « plus elles deviennent sujets, plus elles se font objets » (p. 144).

S'ensuivent deux chapitres très intéressants sur le nu en peinture et sculpture, respectivement côté femmes (motivations pour se montrer nues) et côté hommes implications du regard « professionnel » du nu.

La transition est logique vers deux chapitres très violents et instructifs sur la prostitution : « L'image faite chair, la chair faite image », où l'auteure lance ses dards contre les féministes tenant celle-là pour un « métier comme les autres » ; et « Enseignement des putes », véritable hommage à Nelly Arcan qui me donne une très forte envie de lire cette écrivaine...

Autre chapitre polémique : le XII « Baby or not baby », qui soutient que l'évolution de la condition féminine et en particulier « la roue de l'unisexe » (encore ces théories du genre!) tendraient à effacer la fécondité de femmes – je me demande ce que Huston fait de la réalité démographique française contemporaine, et si la pression sociale exercée actuellement sur les femmes qui refusent d'être mères ne mérite pas une seule phrase d'analyse ou de compassion... Là aussi, un usage très émotionnel des biographies des icônes sus-mentionnées est fait en regardant leurs maternités « refusée, écartée, interrompue, empêchée, massacrée ». Il y a en outre dans ce ch. une énormité : « On ne peut pas à la fois se scandaliser de ce qu'on prépare les petites filles à un avenir incluant la maternité et s'étonner de ce que, devenues mères sans y être préparées, elles fourrent leurs foetus au frigo. » (p. 242) – là où l'excès de polémique devient carrément grotesque.

Ch. XIII « Putes de mère en fille », encore sur ou contre la prostitution : une idée intéressante est avancée, même si elle semble l'être par absurde – et c'est peut-être dommage. C'est celle d'instaurer, afin d'éviter les stigmata annexes, un service prostitutionnel obligatoire pour les jeunes filles sur le modèle exact du service militaire autrefois obligatoire pour les garçons.

Ch. XIV « Pauvres hommes (aussi, parfois) », sur toutes les manières dont le machisme nuit aux hommes aussi.
Ch. XV « Au-delà du miroir... » synthèse de toutes les arguments envenimés contre les théories du genre, qualifiées de « Intelligent design à la française »...

Enfin, après la bibliographie, quelques lettres de lecteurs-trices généralement très enthousiastes, contenant leurs ressenti et/ou leur témoignage inspirés par l'ouvrage.

Bon, je ne vais pas polémiquer à mon tour. Je ferai semblant d'écrire l'une de ces lettres, comportant ma propre vision de ce que la théorie phylogénétique du regard inter-sexe pourrait devenir, dans un avenir plus ou moins proche ; à condition d'accpeter que chez l'être humain le phylogénétisme est aussi, d'abord, ou surtout, une question de culture...

Très chère Nancy Huston,

Imaginons une évolution sociétale où, par effet d'une progressive autonomisation de l'individu et anomisation des rapports de couple, la durée de ces derniers devienne de plus en plus limitée – nous en sommes déjà à une moyenne d'environ cinq ans, et d'une « mode » (au sens statistique) d'environ trois. Imaginons aussi que l'investissement reproductif étant de plus en plus socialisé donc déchargé de la mère individuellement considérée, l'on tende vers une moindre différenciation entre les sexes dans cet investissement. En présence d'une démographie qui, en France en tout cas et en général en Occident, ne témoigne plus d'une sensible « minoration de la fécondité », mais à l'inverse d'une certaine stabilité culturellement et socialement assurée (quand elle n'est pas politiquement induite à la hausse), l'on pourrait voir s'adopter une stratégie reproductive féminine consistant dans l'individualisation généralisée de la maternité hors couple, peut-être en vue d'éviter une succession foisonnante de figures pseudo-paternelles qui se succéderaient (projection de probabilité) au cours de l'enfance de la progéniture. J'entends parler d'un modèle où la maternité serait délibérément planifiée et menée à terme seule, en dehors du couple, réduit donc à la pure fonction de l'épanouissement de sa sexualité, dans un durée ad libitum.
Après tout, sous forme de peur phobique, le mythe de la société des Amazones est présent dès l'aube des sociétés patriarcales occidentales, et Freud aurait pu facilement y voir un avatar du complexe de castration. L'on peut même supposer que cette peur phobique sous-jacente est un moteur puissant du machisme de tout temps – et accidentellement croissant... La ségrégation des femmes du pouvoir, de la vie sociale, de la production de haut rendement afin d'éviter l'éviction des hommes : ça ne tient pas la route ? Ces dernières années, la littérature et la filmographie incarnent avec une fréquence roborative le mythe ancien, sous des aspects d'une étrange post-modernité...
Dans l'éventualité d'une propagation de ce modèle reproductif au-delà d'un certain seuil, quelles seraient les conséquences phylogénétiques notamment sur la beauté et le regard ? Une obligation ou ambition de disposer de partenaires sexuels-reproducteurs occasionnels, éphémères et toujours disponibles, pendant la période la plus longue possible de la vie – dont la durée d'allonge par ailleurs, en tout cas au-delà de la fertilité ; une sexualité prédatrice et volage – autrefois réservée à la stratégie reproductive masculine – qui deviendrait considérablement indifférenciée ; un poids égal des apparences – comme cela a déjà été étudié très sérieusement par des sociologues comme J-F Amadieu – soutenues par une industrie de la beauté, des cosmétiques, de la mode, qui n'aurait aucune raison de se dispenser de cibler les consommateurs hommes autant que les femmes (à supposer qu'elle ne le fasse pas déjà) ; un regard qui de ce fait deviendrait de plus en plus identique ; un développement à terme de la pornographie et de la prostitution destinées à une clientèle féminine (le tourisme sexuel pratiqué par les femmes n'existe-t-il pas déjà?) ; une imbrication des relations de pouvoir et de séduction qui seraient de plus en plus symétrique, complexe et multiforme – mais sans doute tout aussi cruelle, inégalitaire et implacable – cf. Roman à l'eau de bleu d'Isabelle Alonso...
Voyez, tout cela, c'est bien enraciné dans la biologie, dans la génétique, les stratégies reproductives : on n'est pas dans la négation des différences entre masculin et féminin. Et pourtant... tout peut simplement s'inverser par l'effet de la culture. Après la pensée complexe, quand on a surtout à coeur de dénoncer les inégalités de genre et la violence qui s'en ensuit quotidiennement, n'est-ce pas un peu trop facile d'axer quelque trois cents pages de polémique sur la dichotomie nature-culture ?
Très humblement vôtre...
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La femme occidentale d'aujourd'hui est-elle libre ? On entend ici et là qu'il y a désormais guère de différences entre l'homme et la femme – tellement d'évolutions, révolutions ces dernières décennies, contraception, avortement, travail... – ne serait-ce pas qu'un leurre ? Ne se voile-t-on pas les choses ? La réalité n'est-t-elle pas quelque peu déformée... des reflets dans un oeil d'homme ?
Dans cet essai, l'auteure se fie à sa propre expérience, à celles d'ami(e)s, d' écrivains (une jolie évocation d'Anaïs Nin), de peintres, de sculpteurs, de photographes. Défilant sous nos yeux, les âges successifs de la femme : l'enfant qui vient au monde, le premier regard du père sur sa fille lourd de conséquence pour la suite de son existence, l'adolescente qui cherche à plaire, ses premiers pas dans la vie d'adulte , et toujours les regards des hommes sur elle, l'ami, l'amant, le mari... et puis les traits de cette femme qui se tire, l'angoisse de vieillir, de ne plus plaire ?
Tel un miroir grossissant, Nancy Huston dissèque la femme contemporaine. L'importance de l'enfance où tout semble se jouer, l'image qu'elle se doit de renvoyer aujourd'hui à l'époque des photos, de la société de consommation, de la publicité, des produits de beauté qui inondent le marché, de la chirurgie esthétique et de la course à la jeunesse éternelle. Séduction et rivalité n'emprisonnent-elle pas les femmes dans une image, effigie inaccessible ? Quête de perfection...
Des figures mythiques parsèment leur beauté à travers les pages comme Marilyn Monroe, addicte à la photographie et au regard que l'homme pose sur elle (pour combler le manque de son père), Jean Seberg qui à contrario subira sa vie durant la violence des hommes qui ne voit en elle qu'un objet de désir. L'une cherche à capter l'attention de l'homme par besoin viscéral d'être aimée, l'autre tente en vain de le convaincre à regarder au-delà de la beauté. Les deux femmes se suicideront de désespoir.
Plus loin, l'auteure analyse avec justesse la prostitution (et le manque de liberté des femmes encore, pas de symétrie homme-femme) à travers des témoignages et les écrits de Nelly Arcan, philosophe et prostitué canadienne – qui mettra fin à ses jours, elle aussi –.
Si on doit bien admettre que Nancy Huston soulève des points intéressants et offre une argumentation sensible et fine, elle fait également bon nombre de racourcis et use de clichés. La femme est objet, l'homme sujet... Ce dernier est un prédateur qui biologiquement a des pulsions incontrôlables. La femme d'aujourd'hui s'éloigne de la maternité – refusée, écartée, interrompue, empêchée, massacrée selon ses mots. Des généralités gênantes.
Une lecture dont on sort décontenancé, traînant une espèce d'amertume et encore plus d'interrogations qu'au commencement du livre... Toutes les batailles que les femmes ont mené seraient donc vaines, ce ne serait que biologique, les hommes seraient ainsi et voilà, il n'y aurait pas d'évolution possible ? Une sorte de condamnation perpétuelle à subir le regard de l'homme, à être prisonnière d'images factices ? Avec cette lancinante angoisse de voir sa peau se flétrir, enlevant à la femme toute arme de séduction. Personnellement, je ne crois pas que les choses soient si manichéennes, si figées.

Lien : http://lesmotsdelafin.wordpr..
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critiques presse (5)
Actualitte
09 août 2012
Nancy Huston livre ici un essai un peu indigeste et fourre-tout.
Lire la critique sur le site : Actualitte
NonFiction
25 juin 2012
Réunissant récits personnels, témoignages de peintres et un corpus de textes d'Anaïs Nin à Nelly Arcan, Nancy Huston signe un polémique rappel à l'ordre biologique, contre les théories du genre.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Telerama
06 juin 2012
Darwin élu nouveau mentor, Huston crache son venin sur les adeptes des gender studies, qui, en séparant le sexe et le genre, se refuseraient à inscrire l'homme dans la continuité du monde animal.
Lire la critique sur le site : Telerama
Lexpress
01 juin 2012
Dans ce livre touffu sans être confus, l'écrivain multiplie les pistes, nuance ses propos pour analyser les propagandes et influences qui, sournoisement ou au grand jour, fabriquent encore la femme d'aujourd'hui.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Lexpress
03 mai 2012
Féministe, Nancy Huston? Assurément! Intelligemment aussi, comme en témoigne son nouveau livre, un essai vif, fin, passionnant, nourri de références magistrales, superbement écrit.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (78) Voir plus Ajouter une citation
Pour la pornographie comme pour l'industrie de la beauté, les chiffres laissent sans voix. En ce moment il existe plus de 4 millions de sites web pornographiques, comportant plus de 400 millions de pages (dont plus de la moitié américaine); l'âge moyen du premier contact avec la pornographie est de onze ans; 90% des enfants entre huit et seize ans ont vu de la pornographie en ligne en faisant leurs devoirs; 40 millions d'adultes états-uniens regardent régulièrement de la pornographie sur internet.
Entre 1992 et 2006 les bénéfices tirés de la vente de videos pornos aus USA sont passés de 1,60 à 3,62 milliards de dollars.
Les revenus annuels de l'industrie pornographique sont supérieurs à ceux, cumulés, de Microsoft, Google, Amazon, eBay, Yahoo! Apple, Netflix et EarthLink.
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Que seules les guenons accouchent, mettant au monde des bébés tant mâles que femelles, les singes mâles s'en fichent comme de l'an quarante. Les mâles humains, en revanche, n'en reviennent pas, ne s'en remettent pas. Depuis la nuit des temps, ils scrutent, tripotent, ouvrent et referment, sculptent et dessinent le corps de la femelle pour comprendre non seulement comment ça se passe, cette histoire de gestation, mais de quel droit ou en quel honneur ils en sont exclus.
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Alors que l'immense majorité des femmes deviennent encore mères, notre culture ne leur propose aucune image dans laquelle se refléter telles. Elle les somme au contraire de faire comme si cette éventualité n'était qu'un détail, un petit accident de parcours, vite résorbable. La grossesse n'est plus du tout un "état intéressant" et ses conséquences le sont encore moins ; logiquement, les femmes n'ont de cesse que d'effacer de leur corps toute trace de ce chamboulement, de retrouver leur ligne, leur beauté et leur "indépendance".
D'où : culpabilisation massive des jeunes mères contemporaines. Car, malgré la péridurale, le lait en poudre et leurs responsabilités dans le monde du travail, la plupart d'entre elles continuent de se sentir tour à tour bouleversées, effrayées, déprimées, exaltées, ahuries, bref, concernées en profondeur par cette affaire-là, et elles n'ont aucune place où se mirer. Dans la peinture, la sculpture et la photographie contemporaines, dans les défilés de mode, les magazines, sur Internet : zéro suggestion que la beauté d'une femme puisse être parfois liée à sa fécondité.
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En d'autres termes, les femmes se servent des avantages de leur subjectivité accrue non seulement pour asseoir leur indépendance économique et affective, mais pour s'objectiver plus que jamais auparavant. Plus elles gagnent de l'argent, plus elles en dépensent pour leur beauté : en 2009, interrogées sur leurs priorités, une majorité d'adolescentes britanniques disent dépenser deux fois plus pour leur apparence que pour leurs études. "D'un côté, dit Gilles Lipovetsky, le corps féminin s'est largement émancipé de ses anciennes servitudes, qu'elles soient sexuelles, procréatrices ou vestimentaires ; de l'autre, le voilà soumis à des contraintes esthétiques plus régulières, plus impératives, plus anxiogènes qu'autrefois. En effet, c'est une femme plus sujet qui, seule, peut se rendre plus objet ; jamais les hommes dominants n'auraient pu obtenir un tel résultat massif.
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Pour la pornographie comme pour l'industrie de la beauté, les chiffres laissent sans voix. En ce moment il existe plus de 4 millions de sites web pornographiques, comportant plus de 400 millions de pages (dont plus de la moitié américaines) ; l'âge moyen du premier contact avec la pornographie est de onze ans ; 90 % des enfants entre huit et seize ans ont vu de la pornographie en ligne en faisant leurs devoirs ; 40 millions d'adultes états-uniens regardent régulièrement de la pornographie sur Internet ; chaque seconde dans le monde 30 000 personnes se connectent à un site pornographique ; entre 1992 et 2006 les bénéfices tirés de la vente de vidéos pornos aux Etats-Unis sont passés de 1,60 à 3,62 milliards de dollars... Les revenus annuels de l'industrie pornographique sont supérieurs à ceux, cumulés, de Microsoft, Google, Amazon, eBay, Yahoo !, Netflix et EarthLink.
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Videos de Nancy Huston (42) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nancy Huston
Nancy Huston évoque parle donc de son nouveau livre "La Reine du réel, Lettre à Grisélidis Réal” qui n'est autre qu'une ode à Grisélidis Réal, peintre, écrivaine, mais aussi prostituée, morte en 2005 qu'elle a longtemps détesté comme elle l'a confié à Augustin Trapenard : “Je l'ai détestée parce que dans les nombreuses interviews que j'ai pu voir d'elle en m'intéressant sur le sujet, je l'ai toujours trouvé complaisante, jouant un peu, et quand j'ai lu son roman Noir est une couleur j'ai été extrêmement perturbée par ses récits, comment elle est tombée amoureuse d'homme violent. Elle raconte des scènes d'une extrême violence qui se sont déroulées devant ses enfants. J'ai été gênée. Mais plus je la fréquentais, plus je découvrais un parcours extraordinaire. C'est une des personnes les plus lucides, les plus généreuses et les plus courageuses que j'ai rencontrée. Car en fait, on se rend compte que si elle a été prostituée, c'est parce qu'elle n'avait pas le choix, parce qu'elle avait quatre enfants dont s'occuper”. 

Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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