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Critique de sophieelle


Dans son essai, Nancy Huston dit vouloir analyser l'image de la femme et son aliénation à elle. Elle prend ainsi comme point de départ principalement les écrits de Nelly Arcan en s'efforçant de comprendre son suicide dû, selon elle, à la domination du regard masculin. Si l'enjeu est ici intéressant (j'avais beaucoup d'attentes, disons le) l'auteure soutient toutefois, comme thèse principale, que les hommes et les femmes sont déterminés biologiquement et que leurs différences innées expliquent l'emprisonnement de la femme par le regard de l'homme. Et ainsi débutent les explications à deux balles, le gerbage de stéréotypes, d'éternels clichés réducteurs aussi bien pour les hommes que pour les femmes, un bon gros fourre-tout de prétendues sources sérieuses…
1.
Nancy Huston prétend que la théorie du genre est antidarwinienne, tout comme le créationnisme, car elle refuse la continuité biologique de l'humain avec le monde animal. Mais ce qu'elle passe sous silence ici, c'est le fait que les chimpanzés et les humains n'appartiennent pas à la même espèce et qu'ils se différencient justement principalement au niveau sexuel, la sexualité humaine étant beaucoup plus complexe car davantage basée sur le désir plutôt que sur la reproduction.
2.
L'auteure part d'un constat de la préhistoire (la division sexuelle des tâches) pour expliquer les relations de pouvoir entre l'homme et la femme d'aujourd'hui. Sous couvert d'une certitude scientifique, elle émet ainsi une hypothèse non fondée et semble omettre toutes les luttes égalitaires féministes du dernier siècle.
S'en suit de nombreux « exemples » lamentables qui tentent d'illustrer les différences fondamentales des sexes : les femmes n'aiment pas la mécanique, la population carcérale est composée d'hommes, les hommes sont superficiels et recherchent la baise, les femmes ne le sont pas et recherchent l'Amour avec un grand A…. autant de clichés qui contribuent non pas à expliquer la différence des sexes mais à produire des images tout simplement réductrices et à propager des idées prémâchées. À gerber.

Dur me direz-vous ? Mais que penser alors des hommes fidèles et des femmes infidèles ? Des femmes superficielles et des hommes qui ne le sont pas ? D'autant plus que son propos, basé uniquement sur l'envie reproductrice, délaisse ainsi complètement les homosexuels. Que faire en effet des homosexuels qui n'exercent pas de stratégie amoureuse dans l'ultime but de se reproduire? Les homosexuels seraient-ils des erreurs de la nature ? le pire passage est sans doute celui sur les queers… je le passe sous silence, il a déjà été cité. Quelle arrogance mal placée.
Excès d'arrogance et de passion et pourquoi ? Pour perpétuer les idées reçues et apprises. Pour choisir de véhiculer l'idéologie hétéro-normative en vantant la biologie et la prétendue évolution de l'espèce.

3.
Tout au long de son essai, l'écrivaine semble vouloir dissimuler son engagement féministe sans toutefois vouloir le renier complètement. Elle bascule en effet entre promotion des luttes féministes, notamment au sujet de la prostitution, et rejet de l'égalité homme-femme. Après avoir affirmé la domination de l'homme sur la femme et l'avoir expliqué par le déterminisme biologique, elle écrit que les femmes ne doivent pas s'avouer vaincues, comme si, après avoir soutenu tout au long de son essai que les femmes étaient en quelque sorte conditionnées dans leur rôle de femmes en raison de l'évolution de l'espèce, elle revenait à ses idées féministes initiales et affirmait qu'il était peut-être possible pour elles d'en sortir : « Dire que les comportements ''machistes'' sont en partie biologiquement déterminés n'est pas dire qu'il faille baisser les bras devant le sexisme ». Oui, mais comment sommes-nous censés contrer la biologie ? Telle est la question.

En somme, l'essai de Nancy Huston, partant d'une idée intéressante qu'est l'image de la femme aux yeux des hommes dans une perspective de domination, change de trajectoire et nous propose plutôt un essai dans lequel toute femme semble condamnée et réduite au rôle reproductif et à un « reflet dans un oeil d'homme ».

Un prétendu féminisme tout bonnement opportuniste. Next.
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