Résumée, l'intrigue pourrait être celle d'un thriller se passant dans une bourgade du middle west américain, dans les années 60, avec son lot de tordus, la jeune fille fraîche, ravissante et intrépide et le mystérieux peintre dont tout le monde jase.
Avec Siri Hustvedt, elle s'épaissit de tout ce qui gravite autour de nous et en nous et que nous ne pouvons toujours expliquer: sensations physiques, impressions sensorielles, et tout le mysticisme né des histoires lues, entendues, soufflées par le vent. Siri Hustvedt s'attache à tout ce monde sensoriel intérieur, le toucher d'une autre peau, les cils qui barrent la vue lorsqu'elle entrouvre les yeux, l'angoisse naissante face à un objet qui n'est pas à sa place, sans qu'elle puisse expliquer ce sentiment… de même, comme toujours, l'autrice crée par l'écriture des tableaux qu'on peut retrouver dans chacun de ses romans, des représentations miniatures d'un univers parallèle qui cachent des secrets.
Lily Dahl, comme il est dit en quatrième de couverture, est à un âge où elle se découvre et découvre la vie, l'amour, et toute la complexité qui en retourne. Elle s'interroge des agissements de Martin, jeune homme bègue qu'elle connait depuis l'enfance et qui fait partie comme elle de la troupe de théâtre de la bourgade. Dans le même temps, elle se sent irrésistiblement attirée par Ed Shapiro, peintre installé depuis peu dans une chambre d'hôtel qui donne sur sa chambre à elle et qu'elle peut espionner.
C'est en s'intéressant à Martin qu'elle va petit-à-petit entrer dans un engrenage qui va la mener de mystères en mystères, de plus en plus inquiétants.
J'aime énormément ce que Siri Hutsvedt écrit car elle nous amène souvent vers des sensations insoupçonnées, grâce à son écriture sensible et complexe.Mais ce roman, l'un de ses premiers, m'a tout d'abord agacé, intrigué, et laissé enfin sur ma faim. Où veut-elle en venir, qu'est-elle en train de nous dire? Que doit-on en retenir? le personnage intriguant du peintre tombe à l'eau, tout comme les autres personnages d'ailleurs, abandonnés au bord de la route; Seule survit Lily, à laquelle je me suis modérément attachée.
Les romans suivants sont, heureusement, largement plus aboutis, mieux construits et logiquement plus matures.
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Le roman avait bien commencé avec une ambiance propice aux toutes petites villes américaines, où tout le monde se connaît ; le personnage de Lily me paraissait intéressant et traité avec subtilité par l'auteur. Petit à petit, des événements étranges se passent, et Lily est de plus en plus déstabilisée. Cela aurait pu aller en crescendo, montrer les doutes, la folie, mais la manière dont cela a été fait m'a ennuyée. Je n'y ai pas cru, le livre me tombait des mains de plus en plus. L'histoire aurait pu atteindre son paroxysme aux abords de la fin, mais elle s'enlise simplement.
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Lily pensait à Marilyn. Tu sais, dit-elle, il y a une chose curieuse à propos de Marilyn. Personne ne serait tellement content qu'elle vive encore, sauf moi, peut-être. Dans les magazines, il y a toujours quelqu'un qui a retrouvé Elvis ou J.F.K vivant quelque part en Amérique du Sud ou ailleurs. Mais Marylin, on ne la retrouve jamais, même si elle est tout aussi célèbre. Et bien, si on ne la retrouve pas, c'est parce qu'on n'a pas envie de la retrouver vieille.
En rentrant chez elle du Cercle des arts, Lily voyait la lune dans le ciel crépusculaire. Des nuages légers comme de la fumée passaient devant sa face blanche, sous laquelle elle apercevait la silhouette du silo à grains dominant les maisons basses de la ville. Son vélo tressauta sur les rails du chemin de fer et puis, en passant le pont, elle respira l’odeur de la rivière : poisson, rouille et algues. Elle tourna dans Division Street, leva les yeux vers la fenêtre d’Édouard Shapiro et constata qu’elle était éclairée ; une bouffée d’espoir l’envahit.
Il y avait trois semaines qu'elle l'observait. Depuis le début du mois de mai, elle se mettait chaque matin à sa fenêtre pour le regarder. C'était toujours de bonne heure, un peu avant l'aube, et à sa connaissance il ne s'en était jamais aperçu. Le premier matin, en ouvrant les yeux, Lily avait remarqué une lumière provenant d'une fenêtre de l'hôtel Stuart, de l'autre côté de la rue, et lorsqu'elle s'était approchée elle l'avait vu dans le rectangle éclairé: un homme très beau, debout devant une grande toile.
Mais Marilyn avait modifié l'idée que se faisait Lily du métier d'acteur,elle avait commencé à se demander si ce n'était pas un moyen de se trouver très près du cœur des choses,si jouer la comédie ne vous rapprochait pas de la vie que de vous en éloigner.
« - La confession est un problème, dit Mabel. En amitié, du moins. Celui qui l’entend ne peut pas toujours en supporter le poids. C’est pourquoi j’ai toujours trouvé belle l’idée d’un prêtre dans une boîte – le coupable chuchotant au travers d’un trou dans une oreille qui peut tout écouter. Freud aussi avait compris ça, avec son divan. On n’avait pas besoin de regarder l’analyste. On a perdu tout cela, désormais. Les gens regardent leur psychiatre droit dans les yeux. »
Dans ce nouvel épisode des Éclaireurs de Dialogues, nous vous proposons une plongée dans l'univers de Diglee.
"Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées jusqu'à leur terme. Elles ont été seulement vécues." Cette phrase d'Annie Ernaux, présentée en exergue de son livre le Jeune Homme, résonne pour notre invitée, qui pratique elle aussi une écriture de l'intime.
Artiste aux multiples talents, Diglee s'exprime par le dessin et les mots, par l'humour et le sérieux, et ne cesse de nous surprendre de livre en livre. Elle est aussi une autrice engagée et une passeuse de livres.
Au fil de la conversation, il est question notamment de l'importance des traces, de harcèlement de rue, de poétesses oubliées et d'une retraite en Bretagne. Et trois libraires de Dialogues, Nolwenn, Laure et Marine, présentent chacune un livre de Diglee qui les a marquées.
Bibliographie :
- Atteindre l'aube, de Diglee (éd. La ville brûle) https://www.librairiedialogues.fr/livre/22262120-atteindre-l-aube-diglee-la-ville-brule
- Ressac, de Diglee (éd. Points) https://www.librairiedialogues.fr/livre/20654146-ressac-diglee-points
- Je serai le feu, de Diglee (éd. La ville brûle) https://www.librairiedialogues.fr/livre/19776423-je-serai-le-feu-diglee-la-ville-brule
- Libres ! Manifeste pour s'affranchir des diktats sexuels, d'Ovidie et Diglee (éd. Delcourt) https://www.librairiedialogues.fr/livre/11420971-libres-manifeste-pour-s-affranchir-des-dikt--diglee-delcourt
- le Jeune Homme, d'Annie Ernaux (éd. Gallimard) https://www.librairiedialogues.fr/livre/20614397-le-jeune-homme-annie-ernaux-gallimard
- Se perdre, d'Annie Ernaux (éd. Folio) https://www.librairiedialogues.fr/livre/586873-se-perdre-annie-ernaux-folio
- L'occupation, d'Annie Ernaux (éd. Folio) https://www.librairiedialogues.fr/livre/161352-l-occupation-annie-ernaux-folio
- La Force des choses, de Simone de Beauvoir (éd. Folio) https://www.librairiedialogues.fr/livre/16283-la-force-des-choses-simone-de-beauvoir-folio
- Les Grands Cerfs, de Claudie Hunzinger (éd. J'ai lu) https://www.librairiedialogues.fr/livre/16878883-les-grands-cerfs-roman-claudie-hunzinger-j-ai-lu
- Mon corps de ferme, d'Aurélie Olivier (éd. du commun) https://www.librairiedialogues.fr/livre/21689916-mon-corps-de-ferme-aurelie-olivier-ed-du-commun-rennes
- Ligne de fuite, de Sarah Baume (éd. Notabilia) https://www.librairiedialogues.fr/livre/21661963-ligne-de-fuite-sara-baume-les-editions-noir-sur-blanc
Au cours de la conversation sont aussi citées plusieurs autres autrices : Virginia Woolf, Siri Hustvedt, Marie Darrieussecq, Édith Boissonnas, Benoîte Groult.
Et l'émission que Diglee écoute tous les soirs depuis ses 13 ans est Parlons-nous, de Caroline Dublanche, sur RTL !
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