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Citations sur Là-bas (160)

"Ah! devant ce Calvaire barbouillé de sang et brouillé de larmes, l'on était loin de ces débonnaires Golgotha que, depuis la Renaissance, l'Eglise adopte! Ce Christ au tétanos n'était pas le Christ des riches, l'Adonis de Galilée, le bellâtre bien portant, le joli garçon aux mèches rousses, à la barbe divisée, aux traits chevalins et fades, que depuis quatre cents ans les fidèles adorent. Celui-là, c'était le Christ de saint Justin, de saint Basile, de saint Cyrille, de Tertullien, le Christ des premiers siècles de l'Eglise, le Christ vulgaire, laid, parce qu'il assuma toute la somme des péchés et qu'il revêtit, par humilité, les formes les plus abjectes.

C'était le Christ des pauvres, Celui qui s'était assimilé aux plus misérables de ceux qu'il venait racheter, aux disgraciés et aux mendiants, à tous ceux sur la laideur ou l'indigence desquels s'acharne la lâcheté de l'homme; et c'était aussi le plus humain des Christ, un Christ à la chair triste et faible, abandonné par le Père qui n'était intervenu que lorsque aucune douleur nouvelle n'était possible, le Christ assisté seulement de sa Mère qu'il avait dû, ainsi que tous ceux que l'on torture, appeler dans des cris d'enfant, de sa Mère, impuissante alors et inutile.

Par une dernière humilité sans doute, il avait supporté que la Passion ne dépassât point l'envergure permise aux sens; et, obéissant à d'incompréhensibles ordres, il avait accepté que sa Divinité fût comme interrompue depuis les soufflets et les coups de verges, les insultes et les crachats, depuis toutes ces maraudes de la souffrance, jusqu'aux effroyables douleurs d'une agonie sans fin. Il avait ainsi pu mieux souffrir, râler, crever ainsi qu'un bandit, ainsi qu'un chien, salement, bassement, en allant dans cette déchéance jusqu'au bout, jusqu'à l'ignominie de la pourriture, jusqu'à la dernière avanie du pus !"
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La réalité ne pardonne pas qu'on la méprise; elle se venge en effondrant le rêve, en le piétinant, en le jetant en loques dans un tas de boue!
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Apprendre, deux, trois ans après, alors que la femme est inaccessible, honnête et mariée, hors de Paris, hors de France ; apprendre qu’elle vous aimait, alors que l’on n’aurait même pas, quand elle était là, osé le croire ! C’est le rêve, cela ! - Il n’y a que ces amours réelles et intangibles, ces amours faites de mélancolies éloignées et de regrets qui valent ! Et puis il n’y a pas de chairs là-dedans, pas de levain d’ordures !
S’aimer de loin et sans espoir, ne jamais s’appartenir, rêver chastement à de pâles appas, à d’impossibles baisers, à des caresses éteintes sur des fronts oubliés de mortes, ah ! C’est quelque chose comme un égarement délicieux et sans retour ! Tout le reste est ignoble ou vide. - Mais aussi, faut-il que l’existence soit abominable pour que ce soit là le seul bonheur vraiment altier, vraiment pur que le ciel concède, ici-bas, aux âmes incrédules que l’éternelle abjection de la vie effare.
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- Pardon, ma chère, dit le mari ; mais vous commettez pour l’instant une grosse erreur : le Moyen Age n’a jamais été, comme vous le croyez, une époque sordide, car on y fréquentait assidûment les bains. A Paris, par exemple, où les établissements furent nombreux, les étuveurs parcouraient la ville, en criant que l’eau était chaude. C’est seulement à partir de la Renaissance que la crasse s’est implantée en France. Quand on songe que cette délicieuse reine Margot avait le corps macéré de parfums mais jambonné tel qu’un fond de poêle ! - Et Henri IV qui se flattait d’avoir les pieds fumants et le gousset fin !
- Mon ami, faites-nous grâce, je vous prie, de ces détails, dit la femme.
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Le prêtre descendit à reculons les marches, s'agenouilla sur la dernière et, d'une voix trépidante et aiguë, il cria :
- « Maître des Esclandres, Dispensateur des bienfaits du crime, Intendant des somptueux péchés et des grands vices, Satan, c'est toi que nous adorons, Dieu logique, Dieu juste !
« Légat suradmirable des fausses transes, tu accueilles la mendicité de nos larmes ; tu sauves l'honneur des familles par l'avortement des ventres fécondés dans les oublis de bonnes crises ; tu insinues la hâte des fausses couches aux mères et ton obstétrique épargne les angoisses de la maturité, la douleur des chutes, aux enfants qui meurent avant de naître !
« Soutien du pauvre exaspéré, Cordial des vaincus, c'est toi qui les doues de l'hypocrisie, de l'ingratitude, de l'orgueil, afin qu'ils se puissent défendre contre les attaques des enfants de Dieu, des Riches !
« Suzerain des mépris, Comptable des humiliations, Tenancier des vieilles haines, toi seul fertilises le cerveau de l'homme que l'injustice écrase ; tu lui souffles les idées des vengeances préparées, des méfaits sûrs ; tu l'incites aux meurtres, tu lui donnes l'exubérante joie des représailles acquises, la bonne ivresse des supplices accomplis, des pleurs, dont il est cause !
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Ce restaurant, où je vais à peu près une fois par mois, possède d’immuables clients, des gens bien élevés et hostiles, des officiers en bourgeois, des membres du Parlement, des bureaucrates.

Tout en chipotant la sauce au gratin d’une redoutable sole, je regardais ces habitués qui m’entouraient et je les trouvais singulièrement changés depuis ma dernière visite. Ils avaient maigri ou s’étaient boursouflés ; les yeux étaient cernés de violet et creux ou pochés en dessous de besaces roses ; les gens gras avaient jauni ; les maigres devenaient verts.

Plus sûrs que les vénéfices oubliés des Exili, les terribles mixtures de cette maison empoisonnaient lentement sa clientèle.

Cela m’intéressait, comme vous pouvez croire ; je me faisais à moi-même un cours de toxicologie et je découvrais, en m’étudiant à manger, les effroyables ingrédients qui masquaient le goût des poissons désinfectés, de même que des cadavres, par des mélanges pulvérulents de charbon et de tan, des viandes fardées par des marinades, peintes avec des sauces couleur d’égout, des vins colorés par les fuschines, parfumés par les furfurols, alourdis par les mélasses et les plâtres !

Je me suis bien promis de revenir, chaque mois, pour surveiller le dépérissement de tous ces gens...
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A n'en pas douter, ce fut une singulière époque que ce Moyen-Age, reprit-il. Pour les uns, il est entièrement blanc, et pour les autres absolument noir; aucune nuance intermédiaire; époque d'ignorance et de ténèbres, rabâchent les normaliens et les athées; époque douloureuse et exquise, attestent les savants religieux et les artistes.
Ce qui est certain, c'est que les immuables classes, la noblesse, le clergé, la bourgeoisie, le peuple, avaient, dans ce temps-là, l'ame plus haute. On peut l'affirmer: la société n'a fait que déchoir depuis les quatre siècles qui nous séparent du Moyen-Age.
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[...] il fallait s’imaginer aussi les salles à manger, ces repas terribles que Gilles déplora, pendant que l’on instruisait son procès à Nantes. Il avouait avec larmes avoir attisé par la braise des mets la furie de ses sens ; et, ces menus qu’il réprouvait, l’on peut aisément les rétablir ; à table avec Eustache Blanchet, Prélati, Gilles De Sillé, tous ses fidèles, dans la haute salle où sur des crédences posaient les plats, les aiguières pleines d’eau de nèfle, de rose, de mélilot, pour l’ablution des mains, Gilles mangeait des pâtés de bœuf et des pâtés de saumon et de brême, des rosés de lapereaux et d’oiselets, des bourrées à la sauce chaude, des tourtes pisaines, des hérons, des cigognes, des grues, des paons, des butors et des cygnes rôtis, des venaisons au verjus, des lamproies de Nantes, des salades de brione, de houblon, de barbe de judas et de mauve, des plats véhéments, assaisonnés à la marjolaine et au macis, à la coriandre et à la sauge, à la pivoine et au romarin, au basilic et à l’hysope, à la graine de paradis et au gingembre, des plats parfumés, acides, talonnant dans l’estomac, comme des éperons à boire, les lourdes pâtisseries, les tartes à la fleur de sureau et aux raves, les riz au lait de noisette, saupoudrés de cinnamome, des étouffoirs, qui nécessitaient les copieuses rasades des bières et des jus fermentés de mûres, des vins secs ou tannés et cuits, des capiteux hypocras, chargés de cannelle, d’amandes et de musc, des liqueurs enragées, tiquetées de parcelles d’or, des boissons affolantes qui fouettaient la luxure des propos et faisaient piaffer les convives, à la fin des repas, dans ce donjon sans châtelaines, en de monstrueux rêves !
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Un évocateur, dont le nom est perdu, se réunit à Tiffauges, dans une chambre, avec Gilles et de Sillé. Sur le sol, il trace un grand cercle et commande à ses deux compagnons d’entrer dedans. Sillé refuse ; poigné par une terreur qu’il ne s’explique pas, il se met à frémir de tous ses membres, se réfugie près de la croisée qu’il ouvre, murmure tout bas des exorcismes. Gilles plus hardi se tient au milieu du cercle ; mais, aux premières conjurations, il frissonne à son tour et veut faire le signe de la croix. Le sorcier lui ordonne de ne pas bouger. A un moment, il se sent saisi à la nuque ; il s’effare, vacille, supplie Notre-Dame la Vierge de le sauver. L’évocateur, furieux, le jette hors du cercle ; il s’élance par la porte, de Sillé, par la fenêtre ; ils se retrouvent en bas, restent béants, car des hurlements se dressent dans la chambre où le magicien opère. "Un bruit d’épées tombant à coups durs et pressés sur une couette" se fait entendre, puis des gémissements, des cris de détresse, l’appel d’un homme qu’on assassine. Épouvantés, ils demeurent aux écoutes, puis quand le vacarme cesse, ils se hasardent, poussent la porte, trouvent le sorcier étendu sur le parquet, roué de coups, le front fracassé, dans des flots de sang.
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Du Mysticisme exalté au Satanisme exaspéré, il n'y a qu'un pas. Dans l'au-delà, tout se touche.
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