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EAN : SIE313235_205
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4.36/5   7 notes
Résumé :
Publiée en 1901, l’hagiographie Sainte Lydwine de Schiedam nous transporte dans la Hollande médiévale, lors de l’intersiècle tourmenté des xive-xve siècles. Clouée sur un grabat durant trente-huit années, frappée par de terribles maladies, Lydwine s’extrait peu à peu de sa « chrysalide d’horreur » : l’alitée pratique le voyage immobile, défie les lois de la nature et s’immole avec gourmandise. Cette épopée de la douleur mêle le sublime et le gore. Huysmans nous plac... >Voir plus
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Hagiographie de Joris-Karl Huysmans.

Sainte Lydwine de Schiedam est une martyre du XV° siècle.

Dans son avant-propos, Huysmans explique sa démarche : « Je me suis servi, pour condenser cette vie, des trois textes de Gerlac, de Burgman et d'A. Kempis, complétant leurs anecdotes les unes par les autres, et j'ai rangé les évènements qu'ils retracent suivant l'ordre qui m'a semblé être, sinon le plus rigoureux, au moins le plus intéressant et le plus commode. » Tout ce qui est ici relaté a été vérifié par l'Église. Quant à y souscrire, c'est une question de foi et chacun est libre dans ce domaine.

Les quatorzième et quinzième siècles ont vu l'Europe à feu et à sang. Partout, ce ne sont que des guerres pour les trônes, pour les frontières, pour la papauté. le continent est sans cesse frappé d'épidémies voraces qui déciment les populations. « Les malheureux croyants qui vécurent dans l'horreur de ces extravagantes années, crurent que tout allait s'effondrer ; et, en effet, de quelque côté qu'ils se tournent, ils ne voient que des champs de carnage. » (p. 13) Devant tant de maux et avec le Schisme de l'Occident, « la foi s'affaiblissait ; elle allait se traîner pendant deux siècles, pour finir par choir dans ce cloaque déterré du Paganisme que fut la Renaissance. » (p. 24) Pourtant, l'armée du Christ est en marche : les oblats, les moines, les stigmatisés, les prêtres et les vierges, toute une litanie de saints et de bienheureux témoigne d'une foi pure dans un siècle de laideur.

C'est dans cette époque trouble que naquit Lydwine de Schiedam (Hollande), en 1380. Elle devait décéder 53 ans plus tard, en 1433, après une vie de souffrances dédiées au Seigneur. Après une mauvaise chute sur la glace dans sa jeunesse, et enflammée du désir de se dévouer à Jésus, Lydwine resta alitée à vie, ne se nourrissant que de la sainte Hostie. Assaillie de douleurs inimaginables, elle pourrit sur pied : son corps gonfle, crève, éclate, se fend et le pus se répand de tous ses abcès. Mais l'odeur qui émane de ses plaies est fraîche et parfumée. Et ce n'est qu'un miracle parmi tous ceux qui ont été constatés. Des guérisons s'opèrent en sa compagnie ou quand le malade la prie. Lydwine est douée du don d'ubiquité, de prédiction, de voyance. Elle sait sonder les âmes et connaît les péchés que chacun dissimule.

« Elle combattit, solitaire, en enfant perdue, sur son lit ; mas le poids des assauts qu'elle supporta fut le plus énorme qu'on ait jamais ouï parler ; elle valut une armée à elle seule, une armée qui devait faire face à l'ennemi sur tous les points. […] Toutes les fois que Dieu voulut châtier la Hollande, c'était à elle qu'il s'adressait, c'était elle qui recevait les premiers coups. » (p. 32) Mais Lydwine n'est pas victime : « cette vorace de l'immolation » (p. 34) recherche les douleurs et les humiliations pour se rapprocher d'un Christ en gloire dont elle désespère de pouvoir connaître toutes les souffrances. Son ami et confesseur, le prêtre Jan Pot, l'encourage et la guide sur la voie de son sacerdoce : « Votre mission est claire ; elle consiste à vous sacrifier pour les autres, à réparer les offenses que vous n'avez pas commises ; elle consiste à pratiquer la charité dans ce qu'elle a de sublime et de vraiment divin. » (p. 65)

Dans ses souffrances infinies, Lydwine n'est pas seule. Dieu lui envoie un ange qui la mène au Paradis où elle goûte la compagnie de la Vierge et de l'enfant Jésus. Dans ses extases, elle visite aussi le Purgatoire, des lieux saints et l'Enfer. Lydwine n'a de cesse d'appeler sur elle les punitions et les peines que le Seigneur inflige aux autres. Vivant des expériences hors du commun, Lydwine se détache du monde. Tout ce qu'elle vit est sublime et le reste n'est que médiocrité. « Nos exultations sont, en effet, ainsi que nos peines, médiocres ; nous vivons dans un climat tempéré, dans une zone de piété tiède où la flore est rabougrie et la nature débile. Lydwine, elle, avait été arrachée d'une terre inerte pour être transportée dans le sol ardent de la mystique ; et la sève jusqu'alors engourdie bouillonnait sous le souffle aride de l'Amour, et elle s'épanouissait en d'incessantes éclosions d'impétueuses délices et de furieux tourments. » (p. 73)

L'extraordinaire existence de Lydwine n'est finalement qu'une parmi d'autres. Avant elle et après elle, d'autres femmes ont offert leur chair pour que le Seigneur y lave les horreurs du monde. « Son procédé de faire appel à la charité de certaines âmes pour satisfaire aux nécessités de sa Justice reste immuable. » (p. 224) À l'heure où l'auteur rédige cette hagiographie, l'Europe va mal et le besoin de Dieu se fait sentir. le récit de la vie de la sainte résonne un peu comme une admonestation à s'en remettre au Seigneur.

Dans son écriture, Huysmans révèle toujours une jubilation dans l'horreur. Converti, oui, mais esthète plus que jamais. Profondément religieux, l'admiration qu'il témoigne devant la vie de Lydwine est à la mesure de sa piété : celle-ci est sans faille et Huysmans ne doute aucunement devant les manifestations de l'amour divin. Cette hagiographie, bien loin de la célébration quasi diabolique qui avait entouré Gilles de Rais dans Là-bas, est une véritable action de foi. Mais c'est également une célébration du désir et du plaisir.

Mais dans cette oeuvre encore, il va au fond des choses, n'épargne aucun détail, ne repousse pas le sordide. C'est dans les plaies et dans le pus que Lydwine est la plus sublime, comme Gilles de Rais n'était superbe que dans le sang des entrailles des enfants qu'il sacrifiait. Huysmans célèbre ici la mystique comme il célébrait auparavant le satanisme. Homme de passion, la religion n'a pas éteint son goût du grandiose. Et dans l'accumulation des horreurs que vit Lydwine, dans cette collection minutieuse de tourments, on retrouve un peu de l'esthétisme décadent d'À rebours. Joris-Karl Huysmans, décidément, n'en finit pas de me surprendre et de m'enchanter. Nul nécessité d'être croyant pour lire cette hagiographie : la plume de Huysmans – attention, blasphème in progress – est déjà un miracle.

Quel bonheur de lire Huysmans dans un livre aux pages coupées, édition parue en 1901 ! Celui qui m'a offert ce bijou se reconnaîtra. Voici le livre que je sauverais des flammes.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Le Regard de l'Ange ou la pesanteur de l'Homme

Un autre jour une pieuse veuve, qui la soignait et qui n’ignorait point que les anges se révélaient à son amie sous une forme sensible, la supplia de lui en montrer un.
Lydwine, reconnaissante à cette femme, qui était très probablement la veuve Catherine Simon, de tant de bons soins, implora le Seigneur et, après s’être assurée que sa prière était accueillie, elle dit à la veuve :
— Agenouillez-vous, ma très chère, voici que l’ange que vous désirez connaître vient.
Et l’ange jaillit dans la chambre sous la figure d’un jeune garçon dont la robe était tissée de fils de feux blancs. Cette femme était tellement enchantée qu’elle était inapte à proférer une seule parole pour exprimer sa joie. Alors Lydwine, réjouie de la voir si contente, demanda :
— Mon frère, voulez-vous autoriser ma soeur à contempler, ne fût-ce que pendant une minute, la splendeur de vos yeux ?
Et l’ange la fixant, cette femme se souleva hors d’elle-même et, durant quelque temps, elle ne fit plus que gémir d’amour et pleurer, sans pouvoir dormir ou manger.
Lydwine disait quelquefois à ses intimes : je ne connais nulle affliction, nul mésaise qu’un seul regard de mon ange ne dissipe ; son regard opère sur la douleur comme un rayon de soleil sur la rosée du matin qu’il évapore. Imaginez-vous donc de quelles allégresses le Créateur inonde ses élus dans le ciel, puisque la vue du moindre de ses anges suffit pour disperser tous les maux et nous dispenser une jubilation qui surpasse de beaucoup toutes celles que nous pouvons, ici-bas, attendre.
Et elle ajoutait : il sied d’aimer et de vénérer ces purs Esprits qui, bien que très supérieurs à nous, consentent cependant à nous protéger et à nous servir ; et elle-même donnait l’exemple à ses fidèles en récitant devant eux cette prière :
« Ange de Dieu et bien-aimé frère, je me confie en votre bénéficence et vous supplie humblement d’intercéder pour moi auprès de mon Époux, afin qu’il me remette mes péchés, qu’il m’affermisse dans la pratique du Bien, qu’il m’aide par sa grâce à me corriger de mes défauts et qu’il me conduise au Paradis pour y goûter la fruition de sa présence et de son amour et y posséder la vie éternelle ; ainsi soit-il. »

L'ange connait le Mal.....La Leçon de piano de Jane Campion
Cet ange gardien, qu’elle exortait de la sorte, se plaisait à venir la chercher et à l’emmener, en esprit, promener.
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« Nos exultations sont, en effet, ainsi que nos peines, médiocres ; nous vivons dans un climat tempéré, dans une zone de piété tiède où la flore est rabougrie et la nature débile. Lydwine, elle, avait été arrachée d’une terre inerte pour être transportée dans le sol ardent de la mystique ; et la sève jusqu’alors engourdie bouillonnait sous le souffle aride de l’Amour, et elle s’épanouissait en d’incessantes éclosions d’impétueuses délices et de furieux tourments. » (p. 73)
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« Elle combattit, solitaire, en enfant perdue, sur son lit ; mas le poids des assauts qu’elle supporta fut le plus énorme qu’on ait jamais ouï parler ; elle valut une armée à elle seule, une armée qui devait faire face à l’ennemi sur tous les points. […] Toutes les fois que Dieu voulut châtier la Hollande, c’était à elle qu’il s’adressait, c’était elle qui recevait les premiers coups. » (p. 32)
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« Votre mission est claire ; elle consiste à vous sacrifier pour les autres, à réparer les offenses que vous n’avez pas commises ; elle consiste à pratiquer la charité dans ce qu’elle a de sublime et de vraiment divin. » (p. 65)
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« Les malheureux croyants qui vécurent dans l’horreur de ces extravagantes années, crurent que tout allait s’effondrer ; et, en effet, de quelque côté qu’ils se tournent, ils ne voient que des champs de carnage. » (p. 13)
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