Regroupées dans un même livre, ces deux pièces d'
Ibsen ont marqué le franchissement d'une censure que la plupart des autres dramaturges de l'époque n'avaient pas osé surmonter.
Dans Maison de poupée, malgré l'ironie qui teinte les propos du mari tout-puissant Helmer, rien ne laisse présager du dénouement. Alors que le lecteur s'attend à une résolution classique de l'action –les problèmes sociaux et financiers des deux époux semblant avoir trouvé une solution-, l'épouse
Nora, petit oiseau chanteur, sort de la léthargie qui a été caractéristique de toute son existence pour remettre en cause son couple, son rôle de femme, de fille et de mère, et le but qu'elle veut donner à sa vie. Elle refuse de rester à sa place, comme on le lui a toujours ordonné, et la réaction du public et des acteurs, face à ce dénouement qui peut sembler plutôt classique aujourd'hui, montre bien que le propos était très novateur à l'époque.
En réponse à cette pièce, et en manière de contre-exemple cruel,
Ibsen a ensuite écrit
Les Revenants. Dans cette pièce, contrairement à
Nora, Madame Alving, malgré les doutes qu'elle avait autrefois émis quant à sa qualité de mère et d'épouse, n'a jamais cherché à s'éloigner des sentiers battus. Les conséquences, qui nous sont révélées peu à peu dans la pièce, s'avèreront être désastreuses. D'une manière moins éloquente mais tout aussi cruelle,
Ibsen renforce une nouvelle fois son propos.
« Vous ne m'avez jamais aimée. Il vous a semblé amusant d'être en adoration devant moi, voilà tout. […] quand j'étais chez papa, il m'exposait ses idées et je les partageais. Si j'en avais d'autres, je les cachais. Il n'aurait pas aimé cela. Il m'appelait sa petite poupée et jouait avec moi comme je jouais avec mes poupées. Puis, je suis venue chez toi… »
Bien sûr, je salue
Ibsen pour son audace ainsi que pour son courage. Braver la censure pour essayer d'ouvrir les yeux à des personnes qui n'en ont pas forcément envie représente un acte très charitable et qui mérite qu'on se souvienne de lui.
Pour autant, si dans le fond j'apprécie
Ibsen, dans la forme, il m'ennuie profondément. Je n'apprécie pas la manière dont s'expriment ses personnages, leurs phrases monotones et sans vie, leurs réactions brusques et changeantes, qui témoignent beaucoup trop de l'illusion théâtrale. Mais ce serait peut-être trop demander à
Ibsen d'exceller à la fois dans le fond et dans la forme. Avoir réussi à révolutionner le propos théâtral et les idées d'un siècle est déjà un grand oeuvre. le reste n'est qu'une question de goût…
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