Musiciens
Chaque nuit de l’été
vers elle allaient mes pensées ;
mais le chemin menait au fleuve
par le fourré plein de rosée.
Hé ! connais-tu la terreur et les chants,
sais-tu ensorceler le cœur de la belle,
de sorte qu’elle pense t’introduire dans
de grandes églises et salles !
J’ai suscité le malheur dans l’abîme ; il
m’a détourné de Dieu en jouant ; mais
lorsque je fus devenu son maître, elle
était la fiancée de mon frère.
Dans de grandes églises et salles
c’est moi que j’ai introduit par mon jeu, et
la terreur et les chants de la cascade de
mon cœur jamais ne se sont détournés.
/Traduction Régis Boyer
Plans de construction
Je me rappelle aussi net que si c’était ce jour
le soir où je vis mon premier poème imprimé dans
le journal.
J’étais dans ma mansarde, à lancer des bouffées de
fumée et je rêvais, béatement satisfait.
Je bâtirai un château en Espagne. Il resplendira sur
le Nord.
Il y aura deux ailes, une petite et une grande.
La grande hébergera un poète immortel, la
petite hébergera une jeune fille.
Je trouvais ce plan superbement harmonieux ;
puis le désordre s’y mit.
Quand le maître est devenu raisonnable, le château
a paru absurde :
la grande aile était trop petite, la petite en ruine
est tombée.
/Traduction Régis Boyer
L’eider
C’est en Norvège que l’eider habite, — là il fréquente les fjords couleur de plomb.
Il dépouille sa gorge de son duvet moelleux, — et construit son nid chaud dans un abri.
Mais le pêcheur du fjord a un bâton noueux et trempé, — il va piller le nid, pille jusqu’au dernier flocon.
La pêcheur est cruel, mais l’oiseau persévère, — il arrache les plumes de sa propre poitrine.
Et de nouveau si on le dévalise, l’oiseau garnit encore sa retraite — dans un coin bien caché.
Pourtant, lorsqu’une troisième fois on vole son trésor suprême — l’eider déploie ses ailes alors, par une nuit de printemps,
S’envole et fend la brume de sa gorge sanglante, — vers le Sud, vers le Sud, jusqu’aux rives ensoleillées.
Projets
Je me le rappelle si nettement — comme si cela venait d’avoir lieu.
Le soir où je vis dans le journal mes premiers vers imprimés —
Assis dans ma tanière, lançant des spirales de fumée,
Je rêvais, je musais, radieux dans mon contentement.
J’édifierai un château, un château par delà des nues. Il luira sur le Nord.
Il aura deux ailes, une petite et une grande.
La grande hébergera un immortel poète,
La petite servira de demeure à une fillette.
Ce plan me souriait, charmante en était l’harmonie,
Mais des dérangements sont advenus depuis.
Lorsque le maître se fut assagi, le château se trouva absurde :
La grande aile était trop petite, la petite aile tombait en ruines.
Avec un nénuphar
Vois, ma chère âme, ce que j’apporte,
La fleur aux ailes d’argent :
Sur le flot en silence la vague
La berçait, rêveuse, dans le printemps.
Veux-tu la rapporter à la maison ?
Attache la fleur sur ton sein, chérie !
Derrière ses pétales, alors sera voilée
Profonde et silencieuse, une vague.
Enfant, prends garde au flot du petit lac.
De rêver là, oh quel péril !
L’ondin simule le sommeil.
Au-dessus les lis badinent.
Ton sein, enfant, est le flot du petit lac.
De rêver là, oh quel péril !
Au-dessus les lis badinent.
L'ondin simule le sommeil !
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