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sur 1780 notes
Salut, moi c'est Tommy quand vous lirez mon message j'aurais fini.
Mon quatrième don approche. Vous découvrirez dans ce carnet mes animaux imaginaires.
Mes souvenirs se bousculent, il parait que c'est normal.
Mon enfance commença à Hailsham une école perdue dans la campagne anglaise. Je me souviens de Ruth et Kath mes amies. Ruth avait un caractère pas facile, elle faisait la pluie et le beau temps, c'était la chef du groupe, Kath était plus calme, plus lisse mais savait se rebiffer quand Ruth allait trop loin.
je me souviens de nos conversations près de l'étang. Les gardiens de l'école étaient gentils; nos enseignants aussi. Notre préférée était mademoiselle Lucy.
Une fois par an madame arrivait dans son éternel tailleur gris, l'école était en effervescence; elle venait chercher nos créations artistiques, nos poèmes, nos dessins, nos sculptures pour sa galerie.
Moi je n'étais pas doué pour les arts plastiques. Mademoiselle Lucy m'a dit que ce n'était pas grave.
Aujourd'hui j'ai un nouveau accompagnant, j'ai dit à Kath que je voulais changer.....
J'ai dans la tête la chanson de la cassette de Kath " Auprès de moi toujours".
J'ai découvert Kazuo Ishiguro et son roman "auprès de moi toujours" grâce à Guillaume Gallienne et son émission " ça ne peut pas faire de mal".
J'ai eu un peu de mal à rentrer dans la première partie du roman, c'était lent, très lent je ne savais pas où Kazuo Ishiro voulait m'emmener, et puis dans la deuxième partie du récit tout s'explique, tout s'imbrique pour finir en douche froide.
Je suis ressorti de ce roman avec la boule au ventre.
J'aimerais vous en dire plus, mais je ne peux pas et surtout je ne veux pas.
J'aimerais que vous le découvriez vous aussi, même si parfois le roman vous tombe des mains.
Il vaut la peine d'être lu.
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Kath laisse ses souvenirs affleurer. Elle revient sur sa jeunesse passée avec Ruth et Tommy à Hailsham, un pensionnat privilégié installé dans la campagne anglaise. Lentement, progressivement elle nous fait connaître ses amis, leur vie et leurs préoccupations durant cette époque désormais révolue, pour finir par nous révéler une vérité terrible.

Kazuo Ishiguro n'a pas son pareil pour traiter des sujets profonds avec des phrases simples et en apparence inoffensives. Prenant ainsi le lecteur par surprise, il le conduit à se poser des questions essentielles, sur le sens de la vie, sur la valeur qu'on lui donne, sur ce qu'il restera de notre existence.

Presque contemplatif tellement les images y sont belles et le rythme paisible, ce remarquable roman anticipatif amène aussi à une réflexion sur une question qui peut se poser à tous dans un avenir pas si lointain, et c'est assez angoissant.
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Hailsham… pensionnat idyllique ou monde parallèle ? Qui sont réellement ces élèves parmi lesquels Kathy, Ruth et Tommy occupent les rôles principaux de cet étrange roman ?

Souvenirs et réflexions personnelles de Kathy, la narratrice, répondent assez vite à nos interrogations premières (naaan je vous dirai rien) tandis que l'histoire se déroule avec la placidité lénifiante d'un séjour en sanatorium sur la côte d'Opale. Oui, autant prévenir, hémoglobine, passions destructrices ou coups de théâtre en rafale ne seront pas de la partie : là tout est lisse, calme et planifié, un semblant de long fleuve docile dans la campagne britannique. Pour en rajouter une couche, la narration factuelle, d'une neutralité presque clinique, s'apparente plus au papotage ordinaire d'une adolescente même pas en crise qu'à une éblouissante démonstration d'envolées shakespeariennes.

Elle est pourtant là, précisément, la force de cette uchronie déroutante, dans ce délicat paradoxe entre banalité de la forme et horreur du propos, dans le choc brutal d'un quotidien banal contre un destin qui l'est beaucoup moins. le malaise qui s'amplifie au fil du récit n'en est ainsi que plus glauque et la conclusion plus douloureuse encore.

Malgré son titre trompeur ' Auprès de moi toujours ' n'est pas une bluette romantico-nunuche, je m'y serais facilement laissé prendre sans un avertissement préalable et éclairé. J'avoue pourtant m'être un peu ennuyée sur les deux premiers tiers du récit. Bien m'a pris néanmoins de persévérer (ovation générale pour ma détermination sans faille) car la toute dernière partie et les terrifiantes réflexions qu'elle inspire confèrent finalement à ce roman le statut d'oeuvre marquante. Pas bien joyeuse, d'accord, mais profondément inoubliable.


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Lorsque ma mère racontait ses histoires face à la caméra 16mm de mon grand-père, elle ne disposait pas des talents d'à-propos ou d'originalité de sa soeur ; elle meublait souvent ses saynètes par de longs moments où l'héroïne marche simplement d'un endroit à un autre, laissant le soin à l'opérateur d'en varier les cadres et la scénographie, rendant à ces nombreuses respirations le peu de souffle qu'il était possible d'y inspirer…

Les longs voyages en automobile de la narratrice Kathy ont fait remonter en moi ce souvenir, entre attendrissement et embarras, au côté d'une lecture qui, de bout en bout — et malgré la promesse glanée ici et là d'une fin éclairant la morosité du reste — m'a plongé dans la plus profonde consternation.

Je suis toujours très sensible à l'avis de mes pairs, d'autant plus qu'ils soient nombreux et éloquents, et pour certains d'entre eux estimés au rang de prescripteur ; ici, la lecture de leurs avis n'est en aucun cas capable de me rassurer…
Certains livres passés ont pu me voler au-dessus de la tête, et Babelio permettait à l'occasion de se l'expliquer, de relativiser déception, malentendu ou incompréhension ; ce n'est pas du tout le cas ici, ce qui ne facilite en rien cette critique.

Je n'arrive pas à toucher le début d'un fragment qui me raccrocherait au wagon de ceux qui ont apprécié la clef de voute de ce roman : sa très fine description de cet âge finalement bien médiocre de nos existences : l'adolescence.
Inutile qu'un livre rappelle ô combien l'individu traversant cet âge est capable de porter des oeillères avec tant de naturel et d'élégance. Ce n'est pas vaine attaque ou commode raillerie que d'inclure ce processus dans le développement normal d'une personnalité ; c'est juste que ce roman se refuse à passer à l'étape supposée d'après, celle que l'on attend vainement, se demandant pourquoi l'auteur a cru bon de le composer avec le récit des souvenirs d'une adulte, tant le ton, la langue, et tout le reste ne dépassent jamais le niveau d'intensité d'un « young adult ».
(ni le titre, ni la couverture tirée de son adaptation cinématographique ne venant arranger l'impression d'ensemble…)
Ce genre — comme beaucoup d'autres nous venant de la mouvance particulariste anglo-saxonne, dont notre site adoré aime à en abuser (bien qu'il ait l‘élégance de le traduire en « jeune adulte ») dans ses confortables classifications — vient nous rappeler combien il est urgent de défendre et mettre en avant cette littérature qui justement ne s'en revendique d'aucun ; celle que l'on nomme de manière dorénavant maladroite « littérature blanche », les couleurs étant plus que jamais chargées de sens les dépassant… (et je n'ai jamais vraiment aimé le violet…).

Sachez que je suis le premier navré du tour que prend cette critique, mais la pensée ne peut désormais faire fi de ces considérations, à l'heure de parler d'un roman qui passe complètement à côté des préoccupations qu'il aurait eu bon de soulever, entre Controverse de Valladolid (*) et Expérience de Milgram (**), dont la véritable héroïne du livre, Ruth, ou bien Kathy, la transparente narratrice, auraient constitué de brillants et obéissants sujets.

Rien n'a ici l'éclat des inoubliables « Vestiges du jour », et après avoir fiévreusement parcouru tous les avis sur ce livre, j'en retiens parmi d'autres celui de Chrisland, contant ses constantes déceptions depuis la lecture de ce chef-d'oeuvre, m'enjoignant à me méfier dorénavant des écrits de ce récent Nobel, pas le premier, ni le dernier non plus… (non, je ne parle pas de l'actualité récente… ne l'ayant pas encore lue…).
Tout y est gris, terne et indéfini : les personnages, leurs noms comme les lieux, les descriptions et les situations ; que cela fasse partie intégrante de l'intrigue n'apparait jamais justifié.
Ou bien faut-il y voir un froid constat de ce que peut devenir une société privée de repères concrets ? On aurait pu faire beaucoup mieux, tout en restant du côté « sensible », je pense…

Mais l'empathie semble avoir fonctionné avec le plus grand nombre, et vous comprendrez bien que je ne me l'explique en aucun cas, aggravé par l'effet séquence de mes lectures, intercalée entre deux géants : Henry James, d'un côté, illustrant vivement ce que l'on appelle finesse ; Saltykov-Chtchédrine, de l'autre, rappelant la profondeur sans fond d'une littérature que les récompenses internationales n'ont pas suffisamment mise en avant.

Donc, d'avance, navré de mon ingratitude.

(*) Controverse de Valladolid : débat politique et religieux espagnol du XVIème siècle questionnant l'humanité (à travers la possession ou non d'une âme) des peuples Amérindiens, justifiant ainsi la moralité du « droit de conquête ».
(élément à peine caressé dans ce roman, laissant bien-sûr un goût d'inachevé…)

(**) Expérience de Milgram : étude socio-psychologique des années 60, du chercheur américain éponyme, évaluant le degré d'obéissance à l'autorité, au travers d'un dispositif de questions-réponses dominé par un sujet d'étude disposant de supposés moyens coercitifs (décharges électriques) sur un complice de l'expérience falsifiant sa douleur, afin d'évaluer jusqu'où irait l'acceptation d'une morale particulière sur celle d'ensemble, restante à prouver…
(l'infinie profondeur, de par sa variabilité de dispositifs, de cette expérience démontre bien que nos sociétés produisent « naturellement » davantage de Ruth et de Kathy que de timides Tommy... dont ce livre ne fait encore une fois pas grand chose…)
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Histoire d’amitié et histoire d’amour, cela rime-t-il avec toujours ?

La jeune Kath nous raconte son enfance et son adolescence à Hailsham, au rythme des leçons dans les vieilles classes du manoir, des bavardages entre camarades le long des sentiers, des confidences tout près du carré de rhubarbe, des causeries animées, couchés dans le champ...
Les leçons sont intéressantes, les professeurs proches des élèves et l’art est fortement encouragé.
Période heureuse. Période lumineuse.
Mais il y a quelque chose qui cloche : tous ces enfants n’ont pas de parents, et vivent à demeure à Hailsham. Ca arrive, me direz-vous.
Oui, mais les parents, on n’en parle jamais, à croire qu’ils n’existent pas. Certains professeurs laissent filtrer des informations mystérieuses. Puis à l’âge de 16 ans, ces jeunes sont envoyés dans diverses fermes, cottages, et vivent par petits groupes, jusqu’à ce qu’ils partent faire un ...don. Et là commence l’horreur.

J’ai vu le film adapté de ce roman de science-fiction, et je l’ai trouvé énigmatique et bouleversant.
Et puis j’ai lu le livre. Ne faites jamais ça !
Comme je connaissais l’histoire, tout était biaisé. Le fameux secret sur lequel reposent les 1e et 2e parties n’en était plus un pour moi. Et ma lecture m’a intéressée uniquement dans la 3e partie, car les 2 premières sont la relation, pas inoubliable, de faits d’enfance et d’adolescence dans cette espèce d’orphelinat, mais où la psychologie de la narratrice se révèle quand même extrêmement développée.
Donc, l’ennui rôdait. Le style est facile à comprendre, mais je ne l’ai pas trouvé particulièrement frappant.
C’est LE secret en lui-même et les étapes de sa révélation qui vaut la peine de s’approprier cette histoire. Ou qui vaut la peine de regarder le film, lui, inoubliable.

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Sentiment étrange à l'issue de cette lecture. Je vois parfaitement quel était le but de l'auteur, son choix du développement de son récit, ce qu'il voulait obtenir comme atmosphère et je trouve qu'il a parfaitement réussi ce qu'il envisageait... et pourtant l'expérience ne fut pas un réel plaisir.

Je classerais ce livre aux côtés du Désert des Tartares ou de la montagne magique, ces livres où l'attente elle-même compte plus que ce qu'il y a au bout. Au fur et à mesure du récit, on comprend qui sont les personnages et quelle est leur destinée, alors que le personnage principal s'adresse à nous dès le début comme si nous le savions déjà et comme si nous étions nous-mêmes concernés. Cet astuce narrative a tout pour nous permettre de nous immerger dans l'histoire... et cela n'a pourtant pas fonctionné avec moi qui suis pourtant friand de ces livres d'atmosphère.

Si j'essaie d'analyser le pourquoi en pointant les différences avec les autres récits que j'ai cités et appréciés, je pense que le fait qu'une romance soit au coeur du récit a dû jouer. Les livres de Buzatti ou de Mann restaient plus centrés sur l'aspect philosophique. Ici, les petites histoires des personnages ont un caractère "futile" en comparaison avec leur destin et leur raison d'être sur terre. L'aspect philosophique est bien présent, mais traité indirectement, on comprend petit à petit ce qui fait que leur vie, leurs études doivent se dérouler telles qu'elles se déroulent. Toutes ces petites histoires ne font que renforcer l'effet recherché pour le final, pas si étonnant mais plutôt effroyablement logique dans la déception qu'il procure.

Toutes mes impressions peuvent elles aussi sembler logiques quand on connait le fin mot de l'histoire, car comment s'attacher profondément à de tels personnages ? C'est bien leur raison d'être que de ne pas avoir à solliciter l'empathie et c'est donc finalement, comme je le disais en introduction, une preuve de la parfaite réussite du travail de l'auteur. Cependant, alors que j'ai souvent pris plaisir à des récits où la construction comptait plus que l'histoire, je ne suis pas parvenu ici à me détacher de mes sensations de lassitude.

Si vous avez l'impression que ma critique tourne autour du sujet sans l'aborder réellement... eh bien vous êtes totalement préparés à la lecture de cet ouvrage !
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Kath, ses amis de toujours Ruth et Tommy, ont été élèves à Hailsham dans les années quatre-vingt-dix. Un monde parfait où le bien-être des enfants passe avant tout, où leur créativité artistique est sans cesse stimulée, tandis qu'une pratique sportive assidue leur assure une santé à toute épreuve.

Kathy H., la narratrice, à présent âgée de trente-et-un ans, est accompagnante depuis plus de onze ans. Un travail dans lequel elle excelle, ce qui explique qu'on lui ait demandé de poursuivre encore quelques mois, bien au-delà de la durée habituelle de cette tâche. Une tâche qui consiste à accompagner les donneurs d'organes, dans un parcours aussi douloureux que mortifère.

Les donneurs sont pour la plupart des anciens élèves d'Hailsham ou d'un autre centre éducatif, où des accompagnateurs bienveillants et des professeurs impliqués ont veillé sur eux comme sur leurs propres enfants. Kath a perdu tout contact avec ses amis d'enfance, et son travail harassant qui la conduit à être sans cesse sur les routes, roulant d'un centre à l'autre pour se tenir aux côtés des donneurs qui lui ont été confiés, ne lui laisse que le temps de songer au lieu de son enfance.

« Auprès de moi toujours », dont le titre est aussi celui d'une chanson que chantait Kath adolescente, est un roman doux-amer où la narratrice tente de comprendre ce qui se jouait à Hailsham, où tout n'était que luxe, calme et volupté. le retour sur les brouilles enfantines entre Kath et ses amies, les crises de nerf de Tommy, nous propose un regard enfantin sur un endroit à part, le lieu d'une enfance heureuse. Écrit à hauteur d'enfant, il nous décrit l'innocence de ces jeunes enfants privilégiés, éduqués dans un cadre enchanteur.

L'adolescence de Kath, Ruth et d'un Tommy assagi est aussi le moment des questions existentielles. Si les protagonistes ont bien saisi qu'ils ne pourraient pas avoir d'enfants et devaient développer leurs capacités physiques et artistiques, de nombreuses questions restent sans réponse, telles des portes closes masquant une vérité qui se dérobe sans cesse. Pourquoi leur demande-t-on de produire sans cesse de nouvelles « oeuvres artistiques » destinées à Madame, une femme qui rend régulièrement visite aux enfants et semble être la figure tutélaire du lieu ? Quelle est la véritable fonction de ce centre éducatif ? Qu'adviendra-t-il des pensionnaires lorsqu'ils quitteront Hailsham ?

Après un début moderato, qui évoque un roman enfantin, « Auprès de moi toujours » prend une dimension tragique à l'adolescence des protagonistes, tandis que s'accumulent les questions sans réponses et que des rumeurs étranges se répandent parmi les élèves. le roman de Kazuo Ishiguro évoque ainsi un tableau impressionniste, déroulant le cheminement de Kath et de ses amis, alors que le début du récit livre la réponse à la plupart des questions qui taraudent les jeunes élèves.

Dès les premières pages, l'horrible vérité sur la véritable fonction de l'institution nous est livrée : Hailsham est un lieu destiné à « fabriquer » des donneurs d'organe, et des accompagnants qui, une fois leur mission accomplie, deviendront également donneurs, jusqu'à ce que mort s'ensuive. En nous révélant l'infertilité des élèves, l'auteur laisse au lecteur le soin de deviner leur véritable nature : ils sont des clones, destinés à donner leurs organes à de riches familles touchées par la maladie.

***

Roman introspectif et presque immobile, « Auprès de moi toujours », comporte plusieurs niveaux de lecture. Un premier niveau nous emporte dans la complexité des relations du trio amoureux composé de Kath, Ruth et Tommy, en revenant sur ces petits mensonges anodins, qui se transforment en failles béantes. Un second niveau de lecture aborde les nombreuses questions que se posent les personnages, des questions qui semblent de peu d'importance telle que la destinée de toutes ces oeuvres « artistiques » collectées par Madame, et des questions existentielles, relatives à la raison de leur présence à Hailsham. Et pourtant. Toute la profondeur de l'ouvrage se dévoile au sein de son troisième niveau de lecture. Une lecture qui nous est suggérée et qui n'est jamais clairement explicitée par l'auteur, même si elle constitue le coeur du propos de cette dystopie.

Toute la magie de la prose d'Ishiguro consiste à ne jamais formuler l'essence même des questions que pose le roman. En procédant par petites touches, en revenant sur les broutilles qui émaillent l'enfance de Kath, puis en s'attardant sur les questionnements de son adolescence après nous avoir dévoilé son destin d'adulte, Kazuo Ishiguro cache son jeu et nous laisse le soin de deviner le dessous des cartes.

Sous un faux air de roman « so British », attaché aux convenances hypocrites de la haute société anglaise, « Auprès de moi toujours » nous dépeint un monde effarant, qui a rompu avec la morale la plus élémentaire. Une société qui fabrique des clones et les élève dans les meilleures conditions afin de les transformer en donneurs en pleine santé, en mesure de sauver les riches de ce monde atteints de maladies nécessitant un don d'organe. Une société dans laquelle ces mêmes clones commencent leur vie d'adulte par un travail épuisant qui consiste à « accompagner » les donneurs dans leur chemin de croix. Une société qui tente de se convaincre que les clones n'ont pas d'âme pour mieux légitimer son impardonnable entreprise criminelle.

Le lecteur prend peu à peu conscience qu'il y a quelque chose de pourri au royaume d'Hailsham. La force de percussion du roman consiste à se contenter de suggérer et à laisser le lecteur tirer ses propres conclusions. Quel est ce monde qui crée et élève des clones pour soigner ses propres enfants ? Qui tente d'oublier que ce sont des êtres humains qu'on assassine au nom du Bien ? Et si votre enfant était atteint d'une maladie rénale incurable, auriez-vous recours à un don d'un clone compatible et en pleine santé ?

Kazuo Ishiguro n'affirme pas. Tel un Socrate des temps modernes, il pratique une forme de maïeutique en conduisant son lecteur à se poser les véritables questions du roman, et à tenter d'y répondre. « Auprès de moi toujours » nous rappelle que la Littérature n'assène pas des Vérités à son lecteur, mais provoque un questionnement intérieur, et le conduit à tenter de formuler ses propres Réponses. Et ce, quand bien même ces Réponses éclairent la nature humaine d'une lueur sombre comme une nuit sans lune.

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Kathy, Ruth et Tommy ont grandi ensemble à Hailsham, une école perdue dans la campagne anglaise qu'ils ne quittaient pratiquement jamais. Une ambiance mystérieuse plane sur cette école, l'éducation y est très traditionnelle et à aucun moment n'apparaît un quelconque lien avec les parents, la famille ou d'autres proches. Les enseignants et éducateurs prennent le nom de gardiens. Dès le plus jeune âge les enfants sont encouragés à être créatifs et à développer leur art, que ce soit par la peinture, le dessin ou la poésie. Les enfants deviennent des adolescents, les amitiés se nouent et leurs aventures prennent des allures disproportionnées par rapport à la réalité des faits.

Le récit débute au moment où Kathy, devenue une jeune femme solitaire, raconte sa vie depuis son enfance à Hailsham et analyse l'impact que son enfance a eu sur sa vie d'adulte. le lecteur réalise rapidement que ces enfants ne sont pas comme les autres mais Ishiguro ne distille les informations que par petites touches, sans jamais entrer dans des détails, et on comprend peu à peu…

Une des forces du roman est de toujours suggérer, avec souvent des retours en arrière, sans jamais expliquer ; l'auteur garde ses distances avec le lecteur. Les personnages eux-mêmes imaginent, devinent, font courir des rumeurs…

Ceux-ci n'expriment jamais de révolte et acceptent leur sort face à l'avenir auquel on les destine. Aucun sentiment d'injustice ne se dégage en eux. le sujet est habilement traité, l'écriture est subtile, avec beaucoup de finesse et de retenue, mais rapidement s'installe un malaise lorsque le lecteur croit deviner où l'auteur souhaite l'entraîner…

Un beau livre dérangeant par l'absence de révolte de ses personnages dans un monde avec ses règles et sa cruauté. L'attitude passive des personnages est due à l'éducation qu'ils ont reçue et qui les empêche de se révolter. Cette résignation contrarie à dessein le lecteur qui s'interroge sur le sens de la vie et sur les dérives possibles. Un roman déroutant.
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J'avais déjà lu de Vestiges du jour Kazuo Ishiguro, j'en garde un bon souvenir mais Auprès de moi toujours m'a marqué d'une autre façon. Une vraie claque !
Dans un futur indéterminé… Kath se rappelle ces moments passés d'enfance avec Ruth et Tommy à Hailsham, de leur particularité. J'ai aimé cette façon de raconter par souvenirs, par petites touches, ce passé commun entre eux. Mais tout est fait avec pudeur, se devine pour savoir où se situe telle pièce du puzzle. J'ai beaucoup aimé la prose d'Ishiguro, cette façon de parler du devenir profond de l'être humain à travers une amitié. Ils ne sont pas parfaits, ils sont comme tant d'autres enfants, adolescents ; Ruth semble agaçante, Tommy un peu naïf. Ils ont des questions, des rêves… Kath, Ruth et Tommy ne semblent pas angoissés par leur avenir. Est-ce le fait qu'on leur ait enseigné que leurs vies étaient ce qu'elles étaient et rien d'autre ?
Cette douceur à travers ce monde cruel, cette poésie pour aborder un sujet sensible, la valeur d'une vie, a été accomplie avec beaucoup de pudeur par Kazuo Ishiguro. Difficile de dire combien ce livre m'a marqué avec les bons mots… mais c'est un vrai coup de coeur !
(Une amie m'a avoué avoir été déçue par le film, je suis néanmoins curieuse de voir ce que ça peut donner…)
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Je découvre l'auteur avec ce magnifique roman d'anticipation qui a obtenu le prix Nobel en 2017, Auprès de moi toujours. Et une chose est certaine c'est qu'auprès de moi toujours il en restera des traces car on ne peut pas rester insensible à ce roman dont le récit tout en langueur, tout en subtilité m'a rappelée à bien des moments l'univers étrange et feutré de Yôko Ogawa.

Kazuo Ishiguro a l'art et la manière de traiter d'un sujet pour le moins terrifiant voir même dérangeant qui pourrait bien nous concerner dans un futur proche. Il nous livre un récit sobre et intimiste qui sonne comme une douce confidence, parfois à demi-mot ou simplement suggéré par le personnage principal de Kath qui est aussi la narratrice. L'auteur laisse ainsi sciemment flotter une aura de mystère tout au long de son récit, laissant le lecteur libre de faire ses propres déductions, ses propres réflexions.

La narratrice, Kath, jeune femme âgée de 31 ans, accompagnante de profession, se remémore ses années d'enfance et d'adolescence lorsqu'elle était élève à Hailsham dans les années 90, son amitié profonde et indéfectible pour Tommy et Ruth au sein de cette institution à part qui éduquait ses pensionnaires d'une bien étrange façon, leur accordant un traitement aussi "spécial" qu'ils l'étaient sans le savoir ou en le sachant inconsciemment.

Avec ce roman l'auteur porte un regard pudique mais juste sur le genre humain. Il met en avant des thèmes tels que le questionnement de soi, l'altruisme, la compassion mais aussi l'acceptation de ce qui ne peut être autrement, l'inéluctable. À aucun moment il n'émet de jugement, il nous ouvre simplement la porte pour que nous puissions entrevoir les failles d'un monde qui demain sera le nôtre.

Ce roman qui a tout du roman dystopique même si paradoxalement l'auteur a choisi de situer les événements dans les années 90, n'est absolument pas traité comme un récit de Science Fiction, Kazuo Ishiguro a tenu à conserver un style romanesque que pour ma part j'affectionne tant et qui je pense touchera bon nombre de lecteurs. Mais ce qui m'a interpellée le plus c'est une certaine forme de résignation qui caractérise tous les personnages principaux, et qui à mon sens relève plus de la sagesse, car il en faut pour pouvoir affronter les désillusions, la réalité cruelle d'une vie et vivre en adéquation avec celle-ci.

"La sagesse commence par l'acceptation de l'inévitable et se poursuit par la juste transformation de ce qui peut l'être." (F Lenoir).

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