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Critique de Herve-Lionel



N°805 – Septembre 2014.

SOLEA - Jean Claude Izzo- Gallimard.

J'avoue à ma grande honte que jusqu'à ce que j'écoute un disque du chanteur-poète italien Gianmaria Testa qui fut son ami, je n'avais jamais entendu le nom de Jean-Claude Izzo (1945-2000). J'ai bien, comme toute le monde, vu à la TV la série policière de Fabio Montale mais en dehors des adaptations à l'écran de Simenon, d'Agatha Christie ou de Léo Malet, fait-on vraiment attention à l'auteur du roman qui en est à l'origine ? Et puis cette adaptation télévisuelle n'avait pas vraiment retenu mon attention.

C'est la troisième tome de la trilogie Fabio Montale, cet ex-flic marseillais qui a démissionné parce qu'il ne se reconnaissait plus dans ce métier[«  Être flic, qu' on le veuille ou non, c'était appartenir à une histoire. La rafle des juifs du Vel'd'hiv. le massacre des Algériens, jetés à la Seine en octobre 1961 ...Toutes ces choses-là qui avaient des effets sur la pratique quotidienne de pas mal de flics, dès lors qu'ils avaient affaire à des jeunes issus de l'immigration »]. C'est un roman-noir où la mort frappe à toutes les pages[« La mort qui a pour tous un regard »], bien qu'il se déroule à Marseille où douceur du climat méditerranéen inclinerait plutôt au farniente, au pastis,à la pétanque, à l'accent de Pagnol... Je sais cela fait un peu carte postale ; Encore que cette ville phocéenne c'est tout cela mais aussi autre chose, la Mafia, la violence, l'intolérance, le crime, le trafic de drogue, la tentation du Front National...

C'est vrai que Montale répond aussi aux critères classiques du policier de triller, alcoolique, marginal, désabusé, solitaire mais perpétuellement amoureux des femmes... Lole l'a quitté pour un autre homme mais il rencontre Sonia, une belle brune avec qui il aurait bien fait un petit bout de chemin, un amour éphémère cependant puisqu'on la retrouve la gorge tranchée... la main de la Mafia ! C'est la même organisation criminelle qui recherche Babette Bellini, la journaliste « free lance », parce qu'elle enquête sur les liens que l'organisation entretient avec la finance internationale et probablement aussi avec le pouvoir politique, comme en Italie. Elle fuit de Rome à Marseille avec à ses trousses des tueurs et, en désespoir de cause, se tourne vers Montale. Et ce n'est que le début ! Quant à Hélène Pessayre, elle a beau être commissaire de Police, il n'est pas insensible à son charme. C'est lui, Fabio qui nous raconte cette histoire, à la première personne comme s'il se confiait à son lecteur.

Je l'aime bien ce Fabio finalement. A la fois pragmatique et posant sur le monde qui l'entoure un regard de plus en plus dubitatif [il parle de « la saloperie permanente du monde »], attaché à sa ville qu'il connaît et qu'il aime, à son port, ses odeurs, ses couleurs, à la mer. Il est aussi cultivé, amoureux du jazz et de la musique [ Solea est un morceau célèbre de Miles Davis], suffisamment conscient de la réalité de la société pour n'en faire partie que de loin, suffisamment humain cependant pour défendre ceux de ses amis qui sont menacés, suffisamment philosophe pour relativiser les choses de cette vie dont on a dit tout et son contraire, mais quand même capable de se battre pour l'améliorer, faire qu'il y ait plus de justice, plus d'égalité. Il aime la bonne bouffe parce qu'elle fait partie de la vie, est amoureux des femmes parce qu'elles représentent la beauté sur terre et il n'y est pas insensible, comme il aime la poésie parce que c'est bien souvent elles qui inspirent les poètes. Cet attachement à la poésie, celle de Saint-John Perse, de Cesare Pavese mais aussi celle des chansons de Gianmaria Testa, je le retrouve aussi dans l'architecture la phrase, elle en est le témoin [« Je voyais, oui. Et je sentais. L'eau coulant sur ma peau. Sa douceur. Et le sel. le goût des corps salés. Oui, je voyais tout ça, à portée de ma main. Comme l'épaule nue de Sonia. Aussi ronde, et aussi douce à caresser, que les galets polis par la mer. Sonia »]. Il est un peu idéaliste aussi et pas mal rêveur, romantique avec sa sensibilité à fleur de peau, conscient des réalités aussi quand il comprend que son charme d'antan, même s'il a été bien réel, a maintenant disparu.

Il y a beaucoup de Jean-Claude Izzo dans le personnage de Montale et c'est en cela sans doute qu'il est passionnant. C'est plus qu'un personnage de roman, une sorte de double de l'auteur, lui-même attachant par son parcours personnel, son engagement , même si son passage sur terre fut rapide. Ce roman paraît en 1998. Il clôt sa trilogie et Montale se sent vieillir tout comme Izzo qui apprend qu'il est atteint d'un cancer. Il mourra en 2000.

« Quand on ne peut plus vivre, on a le droit de mourir et de faire de sa mort une dernière étincelle ».

©Hervé GAUTIER – Septembre 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
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