Les villes fom1ent un immense laboratoire pour faire des expériences, commettre des erreurs, échouer ou réussir en matière d'architecture et d'aménagement urbain. C'est dans ce laboratoire que l'urbanisme aurait dû étudier, concevoir et expérimenter des théories. Au lieu de cela, les hommes de l'art et les enseignants de cette discipline (si l'on peut dire) ont fait abstraction du succès ou de l'échec des opérations réalisées et ne se sont nullement préoccupés de rechercher les raisons des réussites inattendues; et ils se sont laissés guider par des principes inspirés du fonctionnement et de l'aspect de localités de moindre importance, de banlieues, de sanatoriums, de foire-expositions, de cités de rêve, en bref de tout sauf de villes véritables.
Il est souvent commode de dénoncer l'automobile comme la grande responsable de tous les maux dont souffrent les villes, ainsi que des déceptions provoquées par un urbanisme inefficace. Mais, en fait, les effets destructeurs de l'automobile sont surtout symptomatiques de notre incapacité à construire la ville. Bien sûr, les urbanistes, y compris les constructeurs d'autoroutes qui disposent de sommes fabuleuses et de pouvoirs immenses, sont bien en peine de concilier l'automobile et la ville: ils ne savent que faire de l'automobile dans la grande ville parce que, de toutes façons, il ne savent pas concevoir de villes au service de l'homme - avec ou sans automobiles - .
Il est certes très facile d'imputer le déclin de nos villes à la circulation, aux immigrants, ou encore aux caprices dont font preuve les membres des classes moyennes. Mais, en fait, ce déclin a des causes beaucoup plus profondes et plus complexes qui tiennent à ce que nous croyons désirer ainsi qu'à notre ignorance quant à la manière dont fonctionnent les villes.