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Critique de vilvirt


Par où commencer ? Par qui ? Par quoi ?

Il faut savoir d'abord que Fifty Shades of Grey est au départ une fan-fiction inspirée de la série Twilight de Stephanie Meyer. Rien que ça ne donne pas vraiment envie de continuer, je vous comprends bien. Mais pour le fun, je vais quand même aller jusqu'au bout de mon étude...

L'histoire est celle d'une jeune étudiante qui rencontre un puissant homme d'affaire, le fameux Christian Grey, dans le cadre d'une interview qu'elle doit mener à la place de sa colloc'. Très vite, ils vont entretenir une liaison sulfureuse où les pratiques de Christian vont d'abord bouleverser Ana, mais aussi lui faire découvrir un univers inconnu très troublant.

A seulement 27 ans (je crois) Christian Grey est à la tête d'une énoooorme société dont il dirige avec brio les quarante mille employés. Ben oui. Rien que ça. Il est, de plus, un fervent défenseur des causes perdues et oeuvre sans répit contre la faim dans le monde, il est riche à millions, doté d'un physique de rêve, de cheveux de rêve, d'un sang-froid et d'une volonté à toute épreuve, d'un sens de l'humour qui m'est complètement passé au-dessus de la tête (mais c'est parce que je ne suis pas Ana, moi) de beaucoup de voitures de la même marque, d'un appartement immense et meublé avec goût, d'un hélicoptère qu'il pilote avec virtuosité (même la nuit), de parents absolument adorables, d'une soeur hilarante, d'un frère sexy en diable, d'un garde du corps hyper discret (c'est important pour la suite de l'histoire - ce mec doit se bidonner à longueur de temps vu les choses auxquelles il assiste sans broncher !), d'un BlackBerry qui sonne tout le temps au début du livre pour nous montrer qu'il est over-sollicité (mais plus du tout par la suite, c'est étrange...), de cheveux merveilleusement doux (mince, je l'ai déjà dit), de pantalons qui soulignent bien son petit cul sexy, d'une obsession pour la nourriture qui frise parfois la parano... et d'une chambre des tortures meublée elle aussi avec goût... quand on aime la déco SM à base de menottes et de fouets en tout genre... Bref, Christian est une espèce rare, je dirais même en voie d'extinction, et devinez qui va tirer le gros lot !!? Ana bien sûr ! Une sacré chanceuse quand on y pense (pas elle, par contre, parce qu'elle est bien au-dessus des plaisirs matériels, et l'argent ne l'intéresse pas... Ana, ce qui l'intéresse, c'est la littérature anglaise - surtout Tess d'Urberville, mais c'est tout, pas d'autres ouvrages, parce qu'on est pas là pour ça de toute façon...)

Déjà là, ça m'a fait marrer. On sent que l'auteur ne cherche pas du tout à faire dans l'excès. Peut-être qu'une petite pointe de retenue aurait été la bienvenue au début. Histoire de s'identifier plus facilement aux personnages par exemple. Passons...

Arrive Ana - Anastasia Steele - une étudiante toute simple qui pense qu'elle est banale alors que bien sûr, elle ne l'est pas puisque tout le monde (du meilleur copain au frangin du patron pour qui elle bosse) tombe irrémédiablement amoureux d'elle sans qu'elle en comprenne les raisons. Un beau matin, Ana doit interviewer un business man hors-pair pour le journal du lycée. A la base, c'était sa colloc' Kate qui devait mener l'interview, mais celle-ci tombe malade. le destin est un petit coquin... S'ensuit la rencontre de nos deux tourtereaux pour qui c'est un véritable coup de foudre dès le début (elle parce qu'il beau, beau, intimidant, beau, séduisant, mais surtout beau... et lui parce qu'elle est probablement moche, mal habillée et qu'elle a les deux pieds dans le même sabot... Ça ne peut être que ça...)

Ana, c'est la narratrice, et c'est quelqu'un d'assez spécial. Je dois dire que je me suis posée beaucoup de questions sur elle, notamment sur sa timidité maladive, sa maladresse, son manque flagrant de conversation et de connaissances en informatique (dans quelle siècle vis-tu, Ana ??) cette habitude de se mordre les lèvres toutes les trois lignes, de rougir à chaque page, et de répéter holy crap shit cow - rayez la mention inutile - (et accessoirement Jeeze aussi - genre... un demi-million de fois seulement...) à chaque fois qu'elle pense, agit, rumine, pleure, s'interroge, redoute quelque chose ou jouit. Ana possède donc un vocabulaire aussi vaste que le vide intersidérale de son cerveau, elle oublie de respirer en présence de Christian qui est tellement beau et viril et séduisant et beau et beau, et elle abrite dans les obscurs replis de son cerveau rien moins qu'une déesse intérieure très flippante, qui passe son temps à danser sur place et lui commande d'écouter son corps en dépit de son subconscient qui lui, tente (sans succès) de lui faire comprendre l'absurdité de la situation et le danger d'être avec quelqu'un comme Christian. (le subconscient ne peut avoir gain de cause puisqu'ici, il n'y a pas de cerveau et l'intelligence d'Ana reste un mythe à mes yeux - je n'en ai pas trouvé une seule preuve en 400 pages)

Voilà, c'est tout. le reste du récit est un concentré de oui-non-peut-être-aïe-j'ai-peur-mais-je-l'aime-mais-aïe-j'ai-peur-mais-je-l'aime-donc-j'accepte-tout-même-si-ce-n'est-pas-ragoûtant, et des perpétuels cas de conscience d'Ana dont les peurs plus qu'infondées à l'idée de céder à la domination de Christian ne l'empêchent pas d'accourir dès qu'il la siffle et d'accepter les compromis les plus humiliants parce qu'elle l'aime... le pire, c'est peut-être l'auteur qui a le culot de faire passer pour sexy et mystérieux un homme puéril et égoïste avec des penchants tordus, et pour naïve une simple cruche complètement nympho qui est définitivement trop stupide pour faire autre chose que se laisser contrôler par ses pulsions sexuelles et qui n'a aucune volonté.

Je voudrais bien m'étendre sur l'histoire, mais il n'y en a pas... C'est embêtant... Christian penche sa tête sur le côté autant de fois qu'Ana rougit ou se mord les lèvres, joue du piano quand il est d'humeur mélancolique, parle.comme.ça.quand.il.est.excité, se passe la main dans les cheveux un milliard de fois au travers du récit, et fait malheureusement preuve d'une arrogance qui m'a donné envie de le balancer en plein vol depuis son hélicoptère. Mais tout ça n'est rien en comparaison des sentiments qu'inspirent la pauvre fille. Elle est à claquer du début à la fin. Ses hésitations et ses cas de conscience sont une torture bien pire à supporter que ce que Christian lui inflige dans la Red Room of Pain. le pire c'est que les scènes qu'elle redoute tant arrivent assez rarement et sont finalement réclamées de sa part. C'est beau. de plus, Christian est quand même loin d'être un barbare, tout se fait dans la lenteur et le plaisir partagé, il n'y a (heureusement) rien de véritablement révoltant dans toutes ces pratiques. La seule chose horripilante, c'est le caractère d'Ana qui ne sait pas ce qu'elle veut, s'affole pour pas grand-chose à chaque fois, réclame toujours plus à Christian - alors qu'il pose les règles du jeux dès le départ - mais refuse d'accepter ses cadeaux somptueux.

Difficile d'aimer ce premier tome des mésaventures d'Ana au pays du SM parce qu'il est déjà difficile d'en aimer les principaux protagonistes (et je ne parle même pas des personnages secondaires ultra-stéréotypés comme la meilleure amie super séduisante qui vit une relation idyllique avec un beau gosse, la mère mille fois remariée, le directeur de magasin paternaliste, le beau-père introverti mais tellement compréhensif et qui fond dès sa première rencontre avec Christian...) Peut-être parce que l'histoire inexistante est presque aussi lamentable que les personnages qu'elle met en scène. Rien n'est crédible, la seule chose positive, c'est le niveau d'anglais requis pour lire ce bouquin et - avouons-le ! - les quelques scènes un peu coquines qui, loin d'être révolutionnaires, sont tout de même assez sympathiques à suivre. (il manquerait plus qu'on s'ennuie !)

50 fessées et pairs de menottes plus tard, le constat est lourd : je n'ai pas pu terminer ce roman si prometteur. Je ne connaîtrai jamais les raisons qui ont poussé Christian à se vouer au culte de la fessée, je ne saurai jamais pourquoi il est aussi obsédé par la nourriture, si Ana travaillera un jour pour lui dans sa formidable société qui n'emploie que des blondes, s'ils finissent par le faire ailleurs que dans le jardin, dans la chambre, dans l'ascenseur, attaché, pas attaché, fessé, pas fessé, les yeux bandés ou pas, et Ana retrouvera-t-elle un jour ses sous-vêtements ?? Et Christian finira-t-il par se confier et parler de sa petite enfance où tant de traumatismes se sont concrétisés pour faire de lui cet être tordu tourmenté ? Tant de questions sans réponse auxquelles, ma foi, je dois renoncer pour ma propre tranquilité d'esprit...

J'ai expérimenté un style que je ne connaissais pas et qui m'intriguait en pensant m'immerger dans un univers nouveau plus développé qu'un roman érotique ordinaire. Malheureusement, c'est pas ça. Outre les sempiternels cas de conscience de l'héroïne, le contenu est vite survolé...

En fait, on referme le livre avec un impression d'inachevé. Comment une telle série (parce que s'en est une !) a pu rencontrer autant de succès alors que le style en est bâclé, les dialogues inconsistants et les personnages aussi tristement prévisibles ? C'est un mystère aussi épais que le goût de Christian pour les menottes, le cuir ou les belles Audi...

Lien : http://tranchesdelivres.blog..
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