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EAN : 9782253089292
216 pages
Le Livre de Poche (26/02/2014)
3.58/5   1271 notes
Résumé :
Existe-t-il plus grand plaisir que d'écouter des récits macabres, la veille de Noël, dans une vieille maison isolée ? Qu'il est diabolique le frisson qui glace alors les sangs...

Qu'il est divin le cri des femmes épouvantées... Ce ne sont pourtant que des histoires... Tandis que celle-ci... Elle a été vécue... Par des enfants encore, deux petits orphelins, si admirablement gracieux, si serviables et si doux...

Et leur gouvernante, une ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (201) Voir plus Ajouter une critique
3,58

sur 1271 notes
« Une histoire écrite, qui est dans un tiroir fermé à clef. »
Ne comptez pas sur Henri James pour nous la donner, cette clef ! Il nous laisse nous démerder tout seul avec ce roman gigogne, ce sombre récit aux multiples facettes…
Dans cette histoire, la narratrice qui oublie de donner son nom, a pourtant tout pour être heureuse quand elle arrive au vieux manoir de Bly pour veiller sur Flora et son grand frère Miles, deux adorables enfants, si agréables, si bien élevés, si croquignolets qu'elle leur aurait donné le bon Dieu sans confession.
Mais très vite, des évènements étranges et troublants viennent brouillés la vie champêtre de notre gouvernante. Dans le manoir gothique, s'animant crescendo, ils s'enchainent les uns après les autres… Des souffles rauques, des frôlements inquiétants perturbent les nuits calmes de Bly. le coeur battant la chamade, la gouvernante entrevoit les apparitions furtives de deux parfaits inconnus ; des apparitions qui deviennent de plus en plus fréquentes, réelles… et maléfiques. Les sosies parfaits de Peter Quint, ancien valet attaché au domaine, et de Miss Jessel, prédécesseur de la narratrice, tous deux décédés juste avant son arrivée… Quand la gouvernante horrifiée comprend que les deux fantômes sont attirés (attirance franchement morbide et tordue) par la présence des deux enfants et cherchent à pervertir leur innocence, un combat s'engage entre elle et les deux apparitions.
Alors !!!! S'agit-il d'un conte fantastique et pervers ou je dois croire à nos deux fantômes ? S'agit-il au contraire de la description du délire hallucinatoire de notre narratrice qui, parfois, m'a fait l'effet d'une vraie frapadingue ? Henri James m'a laissé dans le doute en brouillant les pistes, m'a abandonné dans le marigot… Miss Grose, l'intendante de la maison, seule personne à peu près sensée de ce bouquin, n'aide pas à résoudre l'énigme. Elle voudrait tant croire la narratrice, l'aider de toutes ses forces à sauver la pureté des deux enfants, mais son solide bon sens l'empêche de se livrer totalement. Elle reste toujours sur son quant-à-soi… Miss Grose s'est bien gardée de me donner les clefs du tiroir…
J'ai dévoré ce livre dans des frissons de malaise ; j'ai été dérangé, troublé, englué dans des miasmes fétides, dans la noirceur des sentiments humains…
Un livre absolument magistral.

Challenge XIXème siècle




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Diable ! " le Tour d'écrou"...Moi qui m'attendais à lire paisiblement un traité de bricolage écrit par un dénommé Henry James, j'ai dû me rendre à l'évidence au bout de quelques pages, les travaux allaient être difficiles pour la jeune fille envoyée au château.
Le propriétaire a été très clair : il ne veut rien savoir de l'avancée du chantier. La jeune fille doit se débrouiller seule. En plus, à l'arrivée, on lui colle dans les pattes deux orphelins à problèmes, ce qui n'est pas idéal quand on a un manoir entier à restaurer avec un seul écrou ! Et ce n'est pas tout, je n'avais toujours rien appris au bout de vingt pages sur l'art du bricolage, je commençais à m'impatienter, quand la jeune fille, faisant visiblement le tour des tours pour installer -de nuit ! -des échafaudages, se met à avoir des apparitions !!!!! Un homme roux, très beau, mais "ignoble" ! Qui lui apparaît ensuite derrière une vitre -même pas brisée- et qui, d'après l'intendante du château, d'après la description, est mort l'année dernière ! Oh le chantier !! Quelle galère les travaux ! La précédente jeune fille préposée aux écrous est morte elle aussi l'an dernier ! Et elle réapparaît à son tour !!! Elle veut finir le travail ? Notre jeune fille vivante est dubitative : elle pense plutôt que les deux fantômes veulent enlever les orphelins à problèmes. Il faut clarifier la situation avant de rafistoler les tours.
Question : les orphelins voient-ils les spectres ? Sont-ils stressés par ces apparitions ? C'est difficile à savoir, surtout quand on ne pose aucune question...La jeune fille n'est pas très psychologue. Son truc à elle, c'est le bricolage.
Question : La jeune fille voit-elle vraiment des spectres, ou est -elle stressée par l'ampleur du chantier ? Difficile à savoir, puisqu'il n'y a qu'elle qui parle, et qu'elle est persuadée de voir des spectres.
Question : si quelqu'un s'en prend aux orphelins, sont-ce les spectres ou la jeune fille ?
Le champ des possibles est vaste, et toutes les fenêtres sont ouvertes...Le fantastique peut être pris au premier degré, mais c'est un peu frustrant, d'autant plus que de nombreuses ellipses titillent épouvantablement l'imagination débordante du lecteur...
-Pourquoi le jeune homme (Quint) et la jeune spectre (miss Jessel) sont-ils "ignobles"...Cela ne peut se résumer à une simple aventure...
-De quoi miss Jessel est-elle morte ?
-Pourquoi Miles, le bel ange frappadingue, a-t-il été renvoyé du collège ?
-De qui la jeune fille vivante était-elle amoureuse ?
-Pourquoi le tuteur ne veut-il rien savoir des travaux ? Absolument rien !!!
etc etc...Tout cela grouille de secrets innommables.
En peu de pages, Henry James nous retourne le cerveau. Encore un roman obsédant ! J'ai hâte de lire la suite : "Le coup de marteau". C'est pas tout ça, mais j'espère qu' Henry James traitera enfin son sujet, le bricolage ...
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Ouhla ma fille, le moment est délicat (il m'arrive occasionnellement de m'appeler ma fille, ça favorise ma concentration) car là pour une fois je me suis immergée dans un vrai classique, de ceux passés à la trappe à l'époque où je poursuivais mes brillantes études sans grand espoir de les rattraper.

Délicat le moment donc puisque je me suis intensément barbée en lisant ce texte pourtant court et «unanimement considéré comme LE chef-d'oeuvre d'Henry James» (c'est pas moi qui le dit, c'est la quatrième de couverture).

Plutôt ronchon de par le fait mais désireuse de creuser un peu le problème, je découvre que les interprétations de cette oeuvre qui ont été hasardées au fil des décennies et de l'évolution des moeurs, ont oscillé entre conte fantastique et métaphore psychanalytique. Là je comprends (presque) mieux. Beaucoup ont donc évoqué les thèmes de la névrose, de la transgression, de la frustration ou de la perversion sexuelle qu'Henry James aurait, consciemment ou pas, traités dans son oeuvre de manière subliminale.
D'accord.
Réjouissant programme.

Il n'empêche que pour ma part, et quelle qu'en puisse être l'approche, il m'a juste été pénible d'appréhender cette atmosphère singulière, impossible de m'attacher aux personnages, et surtout très laborieux de m'y retrouver dans cette écriture précieuse, aux circonvolutions sans fin.

J'ajouterai au passage une pensée hautement compatissante pour les élèves (j'en connais) qui ont eu à se farcir cette oeuvre sans les éclaircissements d'usage. Le Tour d'écrou, à l'adolescence et sans filet, je peux comprendre que ça fasse moyennement kiffer.


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Le Tour d'écrou... Titre à la fois intrigant et inquiétant pour toutes les évocations qu'il peut suggérer. C'est en tout cas un coup de maître pour Henry James de maintenir, tout au long de la lecture de ce roman, sa lectrice ou son lecteur dans le vertige du doute : celui dans lequel va les plonger ce récit noir et envoûtant.
En effet, tout est sujet à caution dans ce roman : les éléments du fantastique auxquels se réfère James; le fil de l'intrigue constamment rompu par des ambiguïtés déroutantes, les personnages dont le comportement se prête à de multiples interprétations. A commencer par celui de la narratrice, institutrice de son état et qui va se voir confier la charge de s'occuper de deux orphelins, Miles et Flora, dans une propriété de la banlieue londonienne, Bly. Pour la seconder, Mrs Grose, l'intendante, une brave femme qui a bien les pieds sur terre.
Si l'on adopte un postulat de lecture qui réfute le surnaturel et les apparitions, cette jeune femme dont on ne connaîtra jamais le nom présente un profil psychologique très inquiétant. Comment ne pas être dérangé par le fait que très vite les apparitions de deux personnages, Quint, le majordome et Miss Jessel, l'ancienne institutrice, vont la conduire à malmener son entourage, en l'occurrence Mrs Grose, avec laquelle elle va entretenir des rapports très complexes mêlant persuasion, aveux forcés puis une forme de persécution qui va avoir raison du bon sens de cette femme peu habituée par sa fonction à faire front face à l'adversité. Même jeu pervers avec les deux enfants dont elle a la charge. D'abord complètement idéalisés, ils vont devenir peu à peu dans son esprit des êtres diaboliques, sous l'influence des deux revenants maléfiques que sont devenus Quint et Miss Jessel, morts dans des circonstances que l'on ne connaîtra jamais. Obsession d'un complot qui se tisserait contre elle, paranoïa qui va d'abord la pousser à se poser comme sauveteuse des enfants, puis comme leur persécutrice, sa folie va la conduire au dérapage dramatique d'une situation qu'elle ne contrôle plus...
Oui mais... Cette lecture n'est pas la seule possible car le récit qui nous est fait par la narratrice concerne des faits passés, alors qu'elle a poursuivi apparemment sa carrière dans d'autres familles sans que rien ne puisse lui être reproché bien au contraire. Quid alors de sa folie ? Même si l'on doute de l'existence des deux revenants maléfiques que sont Quint et Miss Jessell comment mettre en doute les propos de Mrs Grose qui les dépeints comme deux êtres nuisibles et manipulateurs ? Quid alors de leur réelle influence et de leurs relations avec les deux enfants qui refusent d'en parler ? Vue sous cet angle, c'est un tout autre histoire qui se dessine...
Rien n'est donc simple dans ce roman et c'est ce qui, à mes yeux, est passionnant car à chaque instant tous les faits qui se présentent peuvent être soumis à une double lecture.
Je pourrais ajouter également que si l'on accepte les codes d'une écriture délicieusement surannée, certaines scènes d'apparitions ou avec les enfants sont d'une intensité dramatique et émotionnelle à couper le souffle.
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C'est en lisant un livre comme "le tour d'écrou" que je me dis que je ne lis pas assez de classiques. Il est en effet bien agréable, entre deux romans plus modernes, de se plonger dans une oeuvre plus ancienne. Et d'autant plus lorsque le récit en question relève de la littérature de genre. Et dans ce registre, force est de constater que les auteurs du 19ème siècle ne manquaient pas de savoir-faire.

Si les effets utilisés pour susciter l'angoisse sont moins évidents que dans la littérature d'épouvante contemporaine, on n'est pas ici dans le démonstratif, ils n'en demeurent pas moins efficaces. L'auteur parvient à créer le trouble et à installer une atmosphère oppressante nimbée d'une angoisse sourde., distillée subtilement par petites touches. Cela, grâce à un récit très bien mené qui prend la forme d'un drôle de jeu.

Car c'est à une expérience étrange que nous convie Henry James avec "le tour d'écrou", celle de la lecture créative. Plutôt que de prendre le lecteur par la main, plutôt que de tout lui montrer, plutôt que de démêler explicitement le vrai du faux, l'auteur choisit de laisser l'imagination du lecteur remplir les trous de son récit. James manie l'art des non-dits avec brio et avec un goût de la manipulation certain. Cet art de la suggestion n'a pas pour seule intention de créer de l'angoisse. C'est à dessein que Henry James ne livre pas toutes les clés de son roman. En remplissant lui-même les zones d'ombre du récit, en imaginant ce qui n'est pas révélé, en explicitant ce qui est tu, le lecteur se retrouve confronté à sa propre perversité. Tout au long de ma lecture, je me suis demandée si l'auteur avait "explicitement sous-entendu" ce que j'avais imaginé ou si c'était mon esprit tordu qui en avait fait cette interprétation.
Et ce questionnement du lecteur est à l'image du personnage de la narratrice. Les fantômes qui veulent posséder les enfants sont-ils réels ou ne sont-ils que le reflet de sa propre psyché ? N'est-ce pas elle qui désire prendre possession du jeune Miles (une possession qui n'aurait alors rien de spirituelle) ?

C'est ce double-jeu qui rend la lecture du "tour d'écrou" si particulière, qui lui confère un caractère troublant à l'extrême, un trouble qui va jusqu'à une doucereuse sensation de malaise.
Comme quoi, il n'est pas besoin d'user de grands effets chocs pour remuer un lecteur.

A noter que l'édition proposée par le livre de poche inclut une préface et des notes de la traductrice qui éclairent la lecture de façon très intéressante.

Je profite également de cette modeste critique (un peu embrouillée) pour vivement conseiller la vision de l'adaptation cinéma signée par Jack Clayton en 1961 (avec Deborah Kerr, remarquable) intitulée "les innocents" qui est un véritable petit bijou et qui, à mon avis, est à classer aux côtés de "la maison du diable" de Robert Wise dans le panthéon des meilleurs films d'épouvante gothique.

Challenge Variété 9 (catégorie "un livre qui a plus de 100 ans")
Challenge Petits plaisirs 15
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Citations et extraits (67) Voir plus Ajouter une citation
Assise à ma propre table, dans la claire lumière de midi, je vis une personne que, sans mon expérience antérieure, j'aurais prise pour une servante laissée à la garde de la maison, qui aurait profité du manque, si rare, de surveillance, autant que du papier et des plumes de la salle d'études, pour s'appliquer à l'effort considérable d'écrire une lettre à son bon ami. [...] Mais, tandis que je faisais cette observation, je m'étais rendue compte du fait singulier que mon entrée ne modifiait en rien son attitude. L'instant d'après, elle changea de position, et ce fut alors, dans ce mouvement même, que, comme en un jet de flamme, jaillit son identité. Elle se leva, non comme si elle m'eut entendue, mais avec une grande et indescriptible mélancolie, faite d'indifférence et de détachement, et, à une douzaine de pas de moi, se tint là, debout, toute seule, elle la vile miss Jessel. Tragique et déshonorée, elle était toute entière devant moi. Mais comme je la fixais et assurais son image dans ma mémoire, l'affreuse apparition passa, disparut. Sombre comme la nuit dans sa robe noire, sa beauté hagarde et sa douleur indicible, elle m'avait regardée assez longtemps pour sembler me dire que son droit de s'asseoir à ma table était aussi bon que le mien de m'asseoir à la sienne. [...] Dans une protestation passionnée, je m'étais directement adressée à elle : " O terrible et misérable femme ! " m'étais-je entendue crier, et le son, par la porte ouverte, s'en était allé résonner le long du corridor et dans la maison vide. Elle me regarda, mais je m'étais reconquise, et l'atmosphère s'assainissait autour de moi. Une minute plus tard, il n'y avait plus que des rayons de soleil dans la chambre, que des rayons de soleil...
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Mais tandis que ma conductrice, avec ses cheveux d’or et sa robe d’azur, bondissait devant moi aux tournants des vieux murs, et sautillait le long des corridors, il me semblait voir un château de roman, habité par un lutin aux joues de rose, un lieu auprès duquel pâliraient les contes de fées et les plus belles histoires d’enfants. Tout ceci n’était-il pas un conte, sur lequel je sommeillais et rêvassais ? Non : c’était une grande maison vieille et laide, mais commode, qui avait conservé quelques parties d’une construction plus ancienne, à demi détruite, à demi utilisée. Notre petit groupe m’y apparaissait presque aussi perdu qu’une poignée de passagers sur un grand vaisseau à la dérive. Et c’était moi qui tenais le gouvernail.
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je me souviens de tout le commencement comme d'une succession d'élans et de découragements, un rythme serré et alterné de bonnes et de mauvaises pulsations. Après avoir accepté son offre pressante, en ville, j'ai en tout cas connu deux très mauvais jours - je me suis sentie de nouveau pleine de doutes, en fait j'ai eu la nette impression d'avoir commis une erreur. Dans cet état d'esprit, j'ai passé de longues heures dans une diligence bringuebalante qui m'a emmenée à l'étape où devait me prendre la voiture envoyée par la maison. Ce véhicule, m'a-t-on dit, avait été commandé pour moi, et, vers la fin de cet après-midi de juin, j'ai trouvé un fiacre spacieux qui m'attendait. En traversant à une heure pareille, par une journée radieuse, une campagne qui, dans la douceur de l'été, semblait m'adresser un signe amical de bienvenue, j'ai eu le sentiment que ma détermination reprenait vigueur et, alors que, nous nous engagions dans l'allée, j'ai éprouvé un répit qui n'était probablement que l'indice du point qu'avaient atteint mes inquiétudes. Je suppose que j'avais tellement pressenti, ou redouté, quelque chose de mélancolique, que ce qui m'accueillait ne pouvait être qu'une bonne surprise. Je me rappelle comme la plus plus agréable des impressions la large et limpide façade, ses fenêtres ouvertes, ses frais rideaux, et les deux servantes guettant mon arrivée; je me souviens de la pelouse, des fleurs éclatantes, du crissement des roues sur le gravier, des épaisses frondaisons au-dessus desquelles les freux tournoyaient et croassaient dans le ciel doré. Ce décor avait une grandeur qui le rendait bien différent de ma triste maison familiale, et alors est aussitôt apparue à la porte, tenant une petite fille par la main, une personne courtoise qui m'a fait une révérence aussi correcte que si j'avais été la maîtresse des lieux ou une visiteuse distinguée. Harley Street m'avait fait former une idée moins majestueuse de l'endroit; du coup, son propriétaire m'a paru être encore plus un gentleman, et j'ai pensé que ce dont j'allais disposer dépasserait tout ce qu'il m'avait promis.
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Je ne saurais dire maintenant ce qui me faisait agir et ce qui me guidait, mais je marchais droit dans le couloir, tenant haut ma bougie, jusqu'à la grande fenêtre qui dominait le principal tournant de l'escalier. Arrivée là, de façon quasi simultanée car elles se succédèrent à la vitesse de l'éclair, je pris tout à coup conscience de trois choses. A la suite d'un mouvement brusque, ma bougie s’éteignit mais je me rendis compte, à travers les vitres dénudées de la fenêtre, qu'elle ne m'était plus nécessaire car l'obscurité avant cédé la place au petit matin. Sans son concours, à la seconde suivante, j'avais compris qu'il y avait quelqu'un dans l'escalier. Je raconte les choses comme si elles s'étaient succédé, mais il ne me fallut même pas quelques secondes pour me raidir en vue d'une troisième rencontre avec Quint. L'apparition avait atteint le palier, à mi-hauteur, et se trouvait donc à l'endroit le plus proche de la fenêtre où, à ma vue, elle s'arrêta net et me regarda fixement, exactement comme elle m'avait regardé de la tour ou du jardin. Quint m'avait reconnue comme je l'avais reconnu ; et ainsi, à la faible et froide lueur de l'aube, avec un vague rayon de lumière traversant la vitre et un autre tombant sur le chêne ciré des marches de l'escalier, nous nous regardâmes, face à face, avec la même intensité. Cette fois, sa présence était absolument vivante, haïssable et menaçante. Mais ce n'était pas la plus stupéfiante des choses stupéfiantes ; je réserve l'expression à un tout autre fait : au fait que toute frayeur m'avait incontestablement quittée et que rien, chez moi, ne m'empêchait de l'affronter et de me mesurer avec lui.
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Le terme de cette époque maléfique n'était arrivé que lorsqu'un laboureur se rendant tôt aux champs avait trouvé, par une aube d'hiver, Peter Quint raide mort sur une route menant au village : drame qui pouvait être expliqué - au moins superficiellement - par une blessure visible à la tête, qu'il aurait pu se faire - et on s'en était finalement tenu à cette évidence - en glissant dans l'obscurité, après être resté tard au pub, sur la pente abrupte et verglacée, vraiment périlleuse, au bas de laquelle il gisait. Cette pente verglacée, le faux pas dans la nuit sous l'effet de la boisson expliquaient beaucoup de choses - avaient pratiquement tout expliqué, après enquête et d'infinis commentaires; mais il y avait eu dans sa vie des éléments - des épisodes étranges, des dangers, des désordres secrets, des vices plus que soupçonnés - qui auraient expliqué bien davantage.
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