Certains philosophes, à l'exemple des cartésiens, se sont représenté la conscience comme quelque chose d'invariable et d'immuable sans nuances et sans degrés. Pour Descartes, la pensée existait complète avec le doute, la réflexion, le raisonnement et le langage, ou bien n'existait pas du tout et se trouvait remplacée par le mécanisme pur et simple, par l'étendue et le mouvement. Leibniz au contraire, dans cette philosophie profonde, à laquelle aujourd'hui toutes les sciences physiques et morales semblent nous ramener, avait une toute autre conception de la conscience. Il admettait un nombre infini de degrés et certaines de ces formes lui semblaient tellement inférieures à la pensée normale « que les esprits humains étaient comme de petits dieux auprès d'elles ».
Ce sont presque toujours les formes les plus élevées de l'activité humaine, la volonté, la résolution, le libre arbitre, qui ont été étudiées par les philosophes. On s'intéressait naturellement aux manifestations de l'activité qu'il était le plus utile de connaître pour comprendre la conduite des hommes, leur responsabilité et la valeur morale de leurs actions. Mais, quoique cette façon d'aborder la question soit peut-être la plus naturelle, elle est cependant la plus difficile et la plus dangereuse : les phénomènes les plus élevés et les plus importants sont loin d'être les plus simples ; ils présentent au contraire bien des modifications, des développements accessoires qui empêchent de bien comprendre leur véritable nature. Les faits les plus élémentaires, aussi bien en psychologie que dans les autres sciences, sont recherchés aujourd'hui de préférence, car on sait que leur connaissance plus facile à acquérir éclaircira beaucoup celles des formes plus complexes. C'est l'activité humaine dans ses formes les plus simples, les plus rudimentaires, qui fera l'objet de cette étude.
Un des grands avantages que l'observation d'autrui présente sur l'observation personnelle, c'est que l'on peut choisir les sujets que l'on étudie et prendre précisément ceux qui présentent au plus haut degré les phénomènes que l'on désire examiner.