"Ancien roi d'Aragon, officier de confiance du roi Venceslas", le masque fantastique a d'abord, pour première parole, lancé le mot célèbre. Puis, il a lâchement renversé le roi de Pologne, son bienfaiteur, et fait massacrer presque toute la famille royale. Avant d'étaler sa couardise dans une guerre grotesque contre Bougrelas, héritier du trône, il s'affirme ici dans le déploiement de l'arbitraire qui est une forme de l'absurde.
[...] Il y a en effet trois "Ubu". D'abord celui qui, né de l'imagination collective d'une classe en réaction contre un professeur prétendu odieux, est devenu grâce à Jarry, "Ubu roi", incarné par Gémier lui-même au Théâtre de l'oeuvre, en 1896.
Mais aussi "Ubu enchaîné" (1900) et un "Ubu sur la butte" (1906), qui tourne plutôt à la revue satirique.
Dans les trois textes, aujourd'hui confondus dans la version globale d' Ubu adoptée en 1960 par le TNP (Théâtre National Populaire), le personnage, qui ne manque pas de bon sens lorsqu'il condamne lui-même certaines contraintes de l'existence, rassemble surtout dans une image vengeresse tous les traits de la vulgarité, de la bassesse et de l'absurdité triomphantes.
(extraits "Lagarde et Michard" - XX° siècle - Le Théâtre avant 1914)
Oh ! oh ! oh ! après, as-tu fini ? Moi je commence : torsion du nez, arrachement des cheveux, pénétration du petit bout de bois dans les oneilles, extraction de la cervelle par les talons, lacération du postérieur, suppression partielle ou même totale de la moelle épinière (si au moins ça pouvait lui ôter les épines du caractère), sans oublier l’ouverture de la vessie natatoire et finalement la grande décollation renouvelée de saint Jean-Baptiste, le tout tiré des très saintes Écritures, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, mis en ordre, corrigé et perfectionné par l’ici présent Maître des Finances ! Ça te va-t-il, andouille ?
(Il la déchire.)
nous n'avons dû notre salut qu'à notre habileté comme cavalier ainsi qu'à la solidité des jarrets de notre cheval à finances, dont la rapidité n'a d'égale que la solidité et dont la légèreté fait la célébrité, ainsi qu'à la profondeur du fossé qui s'est trouvé fort à propos sous les pas de l'ennemi de nous nous l'ici présent maître des Phynances.
Il sera empalé d'abord, décapité ensuite, et finalement moulu. Ensuite, Monsieur sera, de par notre mansuétude, libre d'aller se faire pendre ailleurs. Il ne lui sera pas fait d'autre mal, car je le veux bien traiter.
SOLIMAN
Et le Père Ubu ?
LE VIZIR
Le Père Ubu prétend qu'on lui a volé ses boulets de forçat en route. Il est d'une humeur féroce et manifeste l'intention de mettre tout le monde dans sa poche. Il casse toutes les rames et effondre les bancs afin de vérifier s'ils sont solides.
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Quelle pièce de théâtre nous montre le pitre le plus grotesque jamais imaginé dans une étourdissante fête du langage et s'ouvre… sur un gros mot ?
« Ubu Roi » d'Alfred Jarry, c'est à lire en pochez chez Etonnants Classiques.