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Bruno Jasienski (Autre)Benoît Rayski (Autre)
EAN : 9782866459550
320 pages
Le Félin (21/05/2021)
3.96/5   13 notes
Résumé :

Ce livre vient de l'abîme. D'une Atlantide qu'on aurait pu croire à jamais disparue. Pour le retrouver, il a fallu descendre dans une fosse commune où l'on avait jeté des corps de suppliciés avec, pour certains, des pages imprimées en guise de linceul. Là, dans cette fosse, jouxtant la prison des Boutyrki à Moscou, gisait le corps d'un jeune écrivain communiste polonais fusillé le 17 septembre 1938 sur ord... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Merci à l'opération Masse critique e aux éditions du félin pour l'envoi de ce roman !

Ce livre a été perçu lors de sa sortie en 1928 comme un brûlot et a valu à Bruno Jasienski son expulsion de France.
Les temps ont changé mais il garde une grande force.

C'est un roman avec un aspect politique évident, mais s'y mêlent du social, du drame, de l'utopie et du fantastique.
Pierre, jeune ouvrier dans une usine parisienne perd son emploi et par là-même sa fiancée et son logement. Il erre dans la ville, affamé. Il trouvera un emploi à l'institut Pasteur, y volera une fiole du bacille de la peste qu'il déversera dans le circuit d'eau de la ville.
A partir de là, c'est la peste et ses conséquences qui prend le rôle principal. La ville se divise en une multitude d'États indépendants qui se querellent pour avoir accès à la nourriture.

La charge contre le capitalisme est forte, Bruno Jasienski nous montre tous les mécanismes de la violence existant à l'époque, conduisant à l'exclusion et l'humiliation d'une grande partie de la société.
La peste permettra la fin de ce régime, son action destructrice permettra l'avènement d'un monde nouveau.

Bruno Jasienski est un rebelle, son style s'apparente au courant futuriste, il fait preuve d'une grande créativité et poésie, les métaphores sont légion et confèrent au texte une couleur fantastique.

Je brûle Paris est précédé d'une préface très instructive sur sa genèse et sur son auteur.

le roman date d'il y plus de quatre-vingt dix ans, faut-il encore le lire aujourd'hui ? Certes l'exploitation des masses laborieuses n'est plus d'une telle intensité, certes nous voyons actuellement ce que le communisme a entraîné comme déboires. Bruno Jasienski lui-même ne finira-t-il pas fusillé par Staline après avoir été couvert d'honneurs…

Ma réponse est affirmative, le roman nous décrit la situation de l'époque, l'oppression qui régnait dans le monde industriel, et c'est un fait avéré (mais tout est-il parfait maintenant ? )
Enfin ce qui entraîne ma conviction, c'est la grande force des moyens stylistiques, ceux-ci m'ont ravi !




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Un sacré brûlot !
Paris, années 20 : Pierre, ouvrier, est licencié, et en perdant son travail, il perd son logement, puis sa petite-amie. Commence alors une période de vagabondage dans la capitale frappée par la crise économique. Mais, "la crise, quelle crise ?" (comme s'interrogera plus tard Yves Montand). Pas celle des nantis gras et méprisants, qui viennent s'encanailler dans les quartiers chauds en profitant de la misère du peuple. Révolté par les injustices vues et vécues, Pierre décide de se venger en semant la peste dans Paris. La ville va alors se fragmenter en communautés antagonistes, qui vont chacune tenter de survivre à l'épidémie.

Bruno Jasienski, poète et chef de file du mouvement futuriste en Pologne, écrit ici un roman politique, davantage qu'un livre d'anticipation. D'ailleurs, il a d'abord été publié en 1928 sous forme de feuilleton dans L'Humanité. Jasienski, jeune dandy communiste, a dû quitter son pays en 1925 pour se réfugier en France, d'où il sera expulsé en 1929 à cause de ce roman. Il trouvera refuge en URSS, où il sera fusillé en 1938 pour anti-soviétisme.
C'est donc le livre d'un enragé, dont le titre claque comme une riposte au "Je brûle Moscou" antisémite du futur Académicien Paul Morand. Et j'ai adoré cette histoire, qui dénonce en ricanant les travers du capitalisme -car le ton est burlesque, malgré la tragédie de l'intrigue. le propos peut paraître naïf et suranné, mais force est d'admettre que près de cent ans plus tard, le constat est toujours d'actualité : les riches s'enrichissent, et les pauvres s'appauvrissent.
J'ai également beaucoup aimé l'aspect fictionnel, où l'auteur décrit d'abord un Paris de ténèbres expressionniste, hanté par les chômeurs, les prostituées et les bourgeois aux gros cigares, puis où il imagine les différentes communautés qui se forment après la fuite du gouvernement : la République jaune au Quartier latin, la concession des Russes blancs à Passy, l'Etat juif du Marais, la République soviétique de Belleville, etc. -et la République bleue de l'île de la Cité, peuplée de policiers en quête d'un dictateur auquel obéir, pour retrouver un sens à leur existence. En un joyeux divertissement mêlé de réflexions graves, Jasienski oppose les tentatives d'organisation et de survie des uns et des autres, et c'est vraiment foisonnant d'ingéniosité ; on touche alors au roman d'aventure, suspense compris.
Enfin, ça se lit plaisamment, malgré quelques formulations un peu désuètes ou très crues. Mais il y a également une forme de poésie qui accentue le côté fantasmagorique de l'histoire, et qui m'a plu.

C'est donc un roman fiévreux, exotique et insolite, empli de colère, de détermination, d'imagination, et de grotesque ; un roman qui met le feu, en somme.
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Sans l'opportunité que la Masse Critique de Babelio fut pour moi, il est évident que je n'aurais jamais pu avoir dans mes mains ce récit puisque je ne le connaissais pas. Qu'est-ce que j'aurais manqué !

La préface de ce livre commence ainsi : " Ce livre vient de l'abîme. D'une Atlantide qu'on aurait pu croire à jamais disparue. " En effet, l'auteur Bruno Jasienski fut retrouvé dans une fosse commune, mort, fusillé le 17 Septembre 1938 sur ordre de Staline. La fan d'Histoire que je suis ne pouvais que ce réjouir d'une telle introduction.

Mais alors pourquoi ce destin tragique pour ce jeune écrivain Polonais ? Et bien parce que sa plume donnait vie à des écrits contestataires. "(...) en ces années de sang, les livres mouraient aussi bien que les hommes." C'est donc un miracle qu'il soit parvenu jusqu'à nous.

La première partie du roman m'a rappelé "L'étranger" d'Albert Camus. Ou enfin devrais-je dire que c'est "Je brûle Paris" qui me l'a évoqué. On suit un Parisien qui, durant la crise économique des années 20 à tout perdu. Tout. Tout de son ancienne vie lui a été retiré. Alors quand dans un laboratoire, se retrouve à portée de main un échantillon de peste...il n'hésite pas. Et introduit la peste dans la capitale. Cet événement va provoquer de grands bouleversements dans la politique de la ville.

J'ai absolument adoré ce livre. La plume est phénoménale. L'auteur jongle à la perfection avec les métaphores et les comparaisons, c'est un régal pour les yeux. L'histoire est parfaitement bien menée, tout est clair, tout est...grandiose.

Je suis vraiment sortie de cette lecture heureuse de ma découverte. C'est un livre que je recommanderai et que je relirai.

Je tiens aussi à écrire quelques mots à propos de la maison d'édition. Je ne connaissais pas du tout les Éditions du Félin mais ce fut une très bonne découverte : le format, la qualité du papier, etc. C'est une maison sur laquelle je vais me renseigner !

Merci à Babelio & les Éditions du Félin de m'avoir permis de découvrir ce chef d'oeuvre que j'oserai même qualifier de classique !
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
À sa rencontre, sur la large chaussée, menaçant à chaque instant de déborder sur les baies basses des trottoirs, coulait en torrent indomptable la meute multicolore et ronflante des autos.
À la suite d’une Hispano-Suiza, levrette racée et élégante, aux yeux effrayés, perdant son sang d’essence, en aboyant, grondant, montrant des dents, et essayant en vain de flairer son arrière-train, galopaient, tels des dogues, d’imposantes et respectables Rolls-Royce, tels des bassets torves, les Amilcar, les Ford, concierges débraillés et sales, et les Citroën, fox-terriers anoures - meutes de chiens en folie. La rue était pleine de trépidation, d’une odeur de femelle en rut, du bruit de la poursuite enragée. L’excitation sexuelle s’intensifiait dans l’ambiance entêtante d’un chaud après-midi d’été.
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Le lendemain, c’était le 14 juillet.
Les braves épiciers de Paris, qui avaient détruit la Bastille pour ériger à sa place une laide colonne creuse, avec « vue panoramique sur la ville », douze bistrots, trois bordels pour gens normaux et un pour pédérastes, fêtaient, comme chaque année, leur triomphe par des danses traditionnelles et républicaines.
Décore des pieds à la tête par des écharpes tricolores, Paris ressemblait à une vieille cabotine, habillée en paysanne de foire d’opérette.
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Accoudé au parapet, P’an Tsiang-koueï parlait d’une voix calme et froide :

– La solution du problème de l’antagonisme européo-asiatique, au sujet duquel vos savants écrivent volume sur volume, recherchant les causes premières, religieuses et historiques, se trouve tout simplement dans les mots croisés journaliers de la lutte économique des classes. Votre science, dont vous êtes si fiers, et que nous venons vous emprunter, ne sert pas à dominer la nature, mais elle est devenue l’arme des classes dirigeantes pour asservir les peuples plus faibles. Voilà pourquoi tout en haïssant votre société, nous vous étudions avec tant d’application. Ce n’est qu’en vous comprenant à fond, que nous pourrons nous délivrer de votre joug. Votre Europe capitaliste, qui parle tant de l’originalité de sa culture, n’est, en réalité, qu’un petit parasite accroché aux flancs occidentaux de l’énorme Asie et suçant son sang. C’est nous, les semeurs de riz, les planteurs de thé et de coton, qui sommes les vrais, bien qu’indirects, créateurs de votre civilisation. A l’odeur de votre culture, qui pue dans le monde entier la sueur de vos ouvriers et de vos paysans, se mêle celle du coolie chinois.

« Aujourd’hui les rôles sont changés. L’Europe, l’Europe rapace, crève avant d’avoir pu tout avaler de sa gueule paralysée par une voracité démesurée. Et ce qui la tue, c’est la peste, cette bonne et vielle peste asiatique. L’Asie n’a pas pu être digérée par l’estomac du capitalisme européen.

« J’ai vu un de vos bourgeois en proie à la peste. Des infirmiers l’emportaient. Quand on a voulu le mettre dans la charrette commune, il résista en hurlant : ‘’Ne me mettez pas là, ce sont des pestiférés !’’ On l’y mit de force. Il se débattait, mordait et quand on l’eut enfin jeté à l’intérieur, il se raidit et devint instantanément noir. La peur de la mort avait hâté sa venue.

« Je regardais ses yeux écarquillés de terreur mortelle et j’ai compris que c’était lui qui était le moteur et le levier de votre complexe culture. Cette peur du néant, cet instinct de l’affirmation de soi-même à l’encontre de la fatalité inéluctable de la mort, vous a poussé à faire des efforts surhumains pour affirmer votre personnalité, pour l’ériger à une telle hauteur que même le fleuve du temps ne puisse l’effacer. J’ai pensé alors que la seule possibilité d’arracher notre Asie à son sommeil millénaire sous le figuier du bouddhisme était de lui inoculer le vaccin de cette culture européenne. Jusqu’à ce jour, l’Europe ne nous envoyait que ses mercantis et ses missionnaires. Le christianisme est le poison asiatique qui tua la riche culture romaine et jeta l’Europe dans la barbarie des longs siècles du Moyen Âge. Mais l’Europe a su digérer même ce poison, le rende inoffensif pour elle, et tirer une force et l’utiliser à ses fins de conquêtes. Aujourd’hui, revanche tardive, elle l’exporte chez nous. Ne pouvant nous transformer en sa propre concession, elle voudrait nous rendre celle du Vatican. Jésus n’est qu’un commis voyageur, un agent à la solde des exploiteurs.

« Aujourd’hui, l’Europe ne peut plus nous faire de mal. Elle meurt et se tord en dernières convulsions. De Paris la peste gagnera tout le continent. (pp. 138-140)
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Les Blancs aiment l’argent. Il faut le gagner et les Blancs n’aiment pas travailler. Ils préfèrent que d’autres travaillent pour eux. Mais ils n’ont jamais assez d’argent. C’est pourquoi ils viennent en Chine et prennent les Chinois pour qu’ils travaillent pour eux. Les Blancs sont aidés en cela par l’empereur et les mandarins. C’est pourquoi le peuple chinois est si pauvre. Il doit travailler pour tous les mandarins, pour l’empereur et surtout pour les hommes blancs, qui ont besoin d’argent, beaucoup d’argent, ce qui fait qu’il ne lui en reste plus pour lui-même.
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Dans les cordages de son ventre, comme une mouette prise dans les agrès d’un vaisseau désemparé, la faim rapace avait reconstruit son nid et ne le quittait plus un instant. Pierre n’essayait même plus de la chasser. Il portait en lui le vide inutile des boyaux pneumatiques, où nulle main ne jettera plus l’enveloppe croustillante des mets.
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